L’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales était de nouveau sur la sellette il y a quelques jours à l’occasion de la publication des chiffres de la délinquance en novembre 2012. Des statistiques en hausse surtout du côté des relevés de la gendarmerie, qui conduiront à unifier les modes de calculs entre policiers et gendarmes en 2013. Ce début d’année sera aussi l’occasion de donner un coup de projecteur sur les actes d’antisémitisme et d’islamophobie. Là encore, les chiffres ne reflètent pas toujours l’inquiétude des populations concernées. Explications et interview.
Mi novembre, les gazettes se sont enflammées. Preuve à l’appui, L’Express du 13 novembre et Le Monde du lendemain, puis d’autres médias écrits, audiovisuels et Internet. L’échauffement sur les derniers chiffres de la délinquance avait gagné les bancs de l’Assemblée nationale et avait même troublé la sereine autorité du ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, qui demanda excuse le lendemain.
Reste la réalité présente des statistiques collationnées par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP). Au fil des 724 pages du rapport de l’ONDRP, les chiffres de Paris : 151 260 atteintes aux biens (vols, cambriolages…) soit une progression de 5,5 % de décembre 2011 à novembre 2012, mais par contre une légère baisse des atteintes à l’intégrité physique des personnes : – 0,7 % soit 257 en moins sur 35 677 crimes ou délits enregistrés pour la même période, alors que notre confrère Le Figaro relevait 15 000 victimes de crimes et délits de plus en un an, estimant que « la dégradation se poursuit « .
Une recension qui ne satisfait personne, certains estimant qu’elle sous-estime la réalité et à l’opposé d’autres insistant sur les méthodes différentes employées par la police et la gendarmerie. Tous arguent, dans un registre différent, sur le fait qu’entre les actes commis et la peur engendrée dans la population, il y a une marge notable.
Même impression en matière d’antisémitisme et islamophobie…
En matière d’antisémitisme et d’islamophobie, les chiffres ont été livrés par le ministère de l’Intérieur. ils étaient attendus en cette année 2012 marquée par les dramatiques tueries de Montauban et de Toulouse en mars dernier. » Tag, dégradation, insulte… il ne se passe pas un jour sans que les médias n’en parlent « , soulignent nos collègues Anne-Bénédicte Hoffner et Loup Besmond de Senneville, dans La Croix du 12 décembre. De fait selon le ministère de l’Intérieur, les actes islamophobes ont augmenté de 42 % entre janvier et octobre 2012, et les actes antisémites de 37 % les six premiers mois de cette année. Si le triple meurtre commis devant l’école juive Ohr Torah fut le plus marquant, il ne saurait occulter les propos, gestes, menaces, dégradations, tracts, courriers… répertoriés par police et gendarmerie. Du côté musulman, deux pointes sont à noter en 2012. Tout d’abord au printemps, après les meurtres de Mohamed Merah, puis cet automne après la diffusion du film L’Innocence des musulmans.
Malgré la mobilisation des forces de sécurité et du ministère, dans les communautés musulmanes et juives, on estime que les statistiques officielles sont inférieures à la réalité. » Nombreux sont ceux qui ne souhaitent pas porter plainte « , souligne Abdallah Zehri, président de l’Observatoire de l’islamophobie, traduisant en cého ce que pense pour sa part Me Alain Jakubowicz, président de la Licra quand il estime que « ces statistiques sont à prendre avec des pincettes « ;
Le président du Comité représentatif des institutions juives de France, Richard Prasquier, constate que » les faits sont là mais on a du mal à les quantifier. On a dépassé le stade de la crainte pour la peur, et souvent les deux s’auto-alimentent « . Exemple de ce phénomène avec un habitant de Metz, Bernard Kanter. Il a connu la guerre 1939-1945, il a vécu les persécutions et en a réchappé grâce à l’aide de Français courageux allié à la propre débrouillardise de sa famille. Autant dire qu’il a connu la peur dans des circonstances dramatiques ! Aujourd’hui encore, alors que la situation est radicalement différente, il ressent cette même inquiétude qui l’a étreint il ya 70 ans. Témoignage.
… » et les actes antichrétiens alors ? «
» Chez certains chrétiens, la publicité donnée à l’indicateur mensuel des actes antisémites et antimusulmans alimentent le sentiment d’une « différence de traitement » « , notent les journalistes de La Croix, Anne-Bénédicte Hoffner et Loup Besmond de Senneville dans le quotidien du 12 décembre. Les actes antichrétiens sont essentiellement constitués de vols ou dégradations (233 entre janvier et août 2012) commis dans les lieux de culte (45 000 en France), et dans les cimetières, soit une hausse de 5 % par rapport à 2011.
Si les médias, sites Internet et blogs, essentiellement de la droite extrême se focalisent sur ces actes, la hiérarchie catholique calme le jeu, ramenant ces actes à des actes mercantiles où le renchérissement des métaux précieux n’est pas absent.. Ainsi, l’évêque de Soissons, Mgr Hervé Giraud déclare que si » la christianophobie existe, il paraît difficile de dire qu’elle est plus forte aujourd’hui qu’autrefois « , provoquant l’ire d’une fraction de catholiques qu’entend relayer, par exemple le portail Riposte catholique, attisant en cela les tensions. Et le ministre de l’Intérieur ajoute, dans le même registre, qu’ » il n’y a rien de comparable à ce qu’on observe avec l’antisémitisme « .
L’Eglise catholique, essentiellement concernée par ces actes (on parle rarement des Eglises protestantes et orthodoxe) est d’ailleurs peu enclines à soutenir des procédures judiciaires. et elle estime avoir de bonnes raisons, car l’association Croyances et libertés, créée par la Conférence des évêques de France, est souvent déboutée des plaintes qu’elle dépose, notamment lors de la publication de dessins ou de publicités qu’elle estime injurieux.
Jean-François Cullafroz-Dalla Riva