Angoulême : ils étaient tous Charlie !

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par Jean-François Cullafroz, envoyé spécial du quotidien Le Courrier à Genève, carte de presse honoraire 49272

 

Près 700 journalistes ont couvert le 42e festival international de la bD cette année (© Pierre Nouvelle).

Près 700 journalistes ont couvert le 42e festival international de la bD cette année (© Pierre Nouvelle).

Les attentats parisiens des 7-8 et 9 janvier ont donné un coup de projecteur sur la bande dessinée en général et la caricature en particulier. Plus de différence entre enfants et adultes ! 42e rendez-vous, le 9e art dont les auteurs vivent une crise profonde, a retrouvé des couleurs. Parcours entre la Cité internationale de la BD et de l’image au bord de la Charente et les Bulles au cœur de la vieille ville.

Sous la houlette de Jean-Pierre Mercier, toute l'équipe de la Cité internationale de la BD s'est mobilisée pour monter en deux semaines une remarquable rétrospective qui est encore visible à A,ngoulême (© Pierre Nouvelle).

Sous la houlette de Jean-Pierre Mercier, toute l’équipe de la Cité internationale de la BD s’est mobilisée pour monter en deux semaines une remarquable rétrospective qui est encore visible à A,ngoulême (© Pierre Nouvelle).

 

« Dès que l’attentat a eu lieu, j’ai réuni notre équipe. Nous avons consulté les survivants du massacre du 7 janvier et nous nous sommes mis au travail », expliquait hier dimanche Jean-Pierre Mercier à la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, venue clôturer la 42e édition du Festival international de BD d’Angoulême. De fait, pour réaliser cette rétrospective exceptionnelle Charlie, visible encore quelques semaines, le directeur scientifique de la Cité de la BD, archiviste ici depuis vingt-cinq ans, a fait fort.

En novembre 1970, après l'incendie du 5-7 dans l'Isère, et la mort du général De Gaulle à Colombey, Hara-Kiri fut interdit. Un crime de lèse-majesté ? (© Pierre Nouvelle)

En novembre 1970, après l’incendie du 5-7 dans l’Isère, et la mort du général De Gaulle à Colombey, Hara-Kiri fut interdit. Un crime de lèse-majesté ? (© Pierre Nouvelle)

Il a ressorti de ses cartons tout le passé de Charlie hebdo, né lors de l’interdiction de paraître de Hara Kiri, censuré pour une « Une » iconoclaste sur la mort du général De Gaulle le 23 novembre 1970. Mais la rédaction ne se laissa pas abattre. Ainsi, naquit quelques jours plus Charlie Hebdo avec la même équipe de dessinateurs et journalistes : le professeur Choron, Cavanna, Wolinski, Cabu..

A défaut d'être censuré, c'est une partie de l'équipe de Charlie Hebdo qui a été assassinée le 7 janvier 2015 .

A défaut d’être censuré, c’est une partie de l’équipe de Charlie Hebdo qui a été assassinée le 7 janvier 2015 .

.Si les numéros les plus provocateurs de ces deux journaux et  les exemplaires de la Gueule ouverte centrés sur l’écologie au milieu des années 70, ont retenu l’attention des adultes,  les enfants venus par cohortes scolaires en ce jour inaugural,  se sont rués sur les murs où ils ont pu dire leur solidarité avec les dessinateurs assassinés. Care ux aussi vibraient au nom de Charlie tant de fois répétés sur les ondes et les écrans !

 

Déjà très présente dans les rues les autres années, pour la 42e édition, la BD était présente dans la plupart des magasins de la ville (© Pierre Nouvelle).

Déjà très présente dans les rues les autres années, pour la 42e édition, la BD était présente dans la plupart des magasins de la ville (© Pierre Nouvelle).

En bas de la cité moyennâgeuse, au bord de la Charente, comme là-haut dans les artères de la vieille ville, le nom des disparus est sur la plupart des lèvres . Ici, la plupart des boutiques arborent des dessins réalisés à leurs frais.

« J’ai choisi Corto Maltèse, car Hugo Pratt est un dessinateur qui me parlait bien. Après ce qui s’est passé le 7 janvier, nous ne pouvions être hors du coup », témoigne Yves Chomard, un pâtisssier angoumois de renom. Avec Laurence, son épouse, ils ont acheté le Charlie des survivants, et le numéro vert est dans leur salon de thé.

Statufié près de la Cité de la BD ou en fresque à la porte d'un grand pâtissier angoûmois, Corto Maltèse a toujours des émules(© Pierre Nouvelle).

Statufié près de la Cité de la BD ou en fresque à la porte d’un grand pâtissier angoûmois, Corto Maltèse a toujours des émules(© Pierre Nouvelle).

Ce numéro où Mahomet pardonne, est vendu à la criée dans des chalets dispersés dans la ville. « Je viens de m’abonner« , explique Marie-Christine.

En plus de la vente à la criée dans les rues d'Angoulême, on pouvait s'abonner à, Charlie hebdo dans de multiples chalets répartis dans la ville (© Pierre Nouvelle).

En plus de la vente à la criée dans les rues d’Angoulême, on pouvait s’abonner à, Charlie hebdo dans de multiples chalets répartis dans la ville (© Pierre Nouvelle).

« J’ai beaucoup bataillé pour avoir ce numéro, alors je veux les soutenir. Je lisais de temps en temps, mais maintenant, pour moi, c’est la laïcité et la liberté d’expression qui sont en jeu ». Des propos recueillis par François Dalla-Riva.

 Ecrire, parler, dessiner

L’hôtel de ville affichait la liste des personnes tuées entre le 7 et le 9 janvier, dont les présents dans les locaux de Charlie le tragique mercredi. Mais jeudi soir, lors de la séance d’ouverture dans les grands salons de la mairie, c’est une musique acerbe, bien dans l’esprit du journal satirique qui a résonné. Le dessinateur Jean-Christophe Menu, envoyé par son collègue Luz, au nom de toute l’équipe de Charlie Hebdo lors de l’ouverture de la 42e édition du festival. Propos recueillie par Jean-François Cullafroz

Mais que serait le festival de BD, trois semaines après les assassinats des journalistes de Charlie Hebdo sans une bonne dose d’impertinence. Pour le coup, les élus locaux ont été servis lors de l’inauguration avec la prise de parole de l’envoyé de la rédaction de l’hebdo satirique.

A l’issue de la remise du prix spécial où Jean-Christophe Menu n’a pas manqué d’égratigner les édiles, Jean-Christophe Menu a décrypté son coup de colère devant ses collègues journalistes. Fidèle à l’esprit Charlie et aux racines écologistes du magazine, il a mis en garde contre les périls naturels qui menacent la planète.

BD, caricatures, la liberté de créer mais pour combien de temps ? Tel était bien la question posée lors des etats généraux de la BD vendredi, lors de la « Marche des auteurs » samedi, puis hier dimanche à l’occasion d’une rencontre entre la ministre et les représentants des dessinateurs et des éditeurs.

Vendredi 30 janvier, plusieurs centaines d'auteurs de BD réunit dans le théâtre d'Angoulême ont ouvert la démarche des Etats généraux de la BD .

Vendredi 30 janvier, plusieurs centaines d’auteurs de BD réunit dans le théâtre d’Angoulême ont ouvert la démarche des Etats généraux de la BD .

Il y avait eu une lettre signée par 1 200 auteurs et adressée au ministère de la Culture, un débrayage lors du salon dr Saint-Malo, et samedi après midi sous le soleil, 500 personnes ont arpenté les rues piétonnes du Champ de Mars à la mairie. Devant l’édifice bardé de bannières honorant l’équipe de Charlie, les propos furent clairs et vifs : « La précarisation gagne du terrain chez les auteurs. Si 1 % des dessinateurs gagne bien sa vie, les 99 % restants galèrent », insiste Marc-Antoine Boidin, un des délégués du Syndicat national des auteurs. Il est sûr qu’avec un revenu de 800 euros par mois et un tirage de 500-600 exemplaires, on est bien loin du million d’albums d’Astérix.

Nous reviendrons sur la situation précaire de 90 % des auteurs de bande dessinée.

 

 

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