Reportage de Jean-François Cullafroz-Dalla Riva, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272, correspondant du Courrier (quotidien à Genève)
Militant syndical infatigable à la CFDT puis à la CGT, homme de culture, Bernard Gerland a contribué à la formation de générations de femmes et d’hommes qui agissent encore au quotidien au plan syndical, politique, associatif… Cet ami était aussi un homme de lettres et de théâtre qui a mis ses convictions et son histoire personnelles au service de la culture populaire, au sens le plus noble de ce mot. Grand amoureux de la montagne, Bernard Gerland n’a pas fait carrière en syndicalisme ou en politique. Au terme de ses emplois de permanents, il est revenu à la base, au travail, sur les chantiers. Tout cela avec l’accompagnement de son épouse Denise, et en invitant ses trois filles à prendre le chemin de l’engagement qu’ils cultivaient tous les deux. L’une d’elle, Marie-Claire, sera d’ailleurs secrétaire générale de la Jeunesse ouvrière chrétienne (Joc). Comme d’autres, j’ai eu la chance de passer par son école normale ouvrière… Puis, il se mit à écrire et jouer son expérience de soldat, appelé du contingent en Algérie. Il vient de quitter la scène de la comédie humaine eu terme d’une longue maladie liée au cancer. Après quelques extraits de sa fiche Wikipédia, je livre des souvenirs personnels et quelques uns des entretiens qu’il m’avait accordés. Chapeau bas l’artiste !
Né en 1939 à Villefranche-sur-Saône dans le Rhône, il fut d’abord instituteur, puis conducteur de travaux dans le bâtiment. Militant de la Jeunesse étudiante chrétienne, il a été appelé du contingent en Algérie. Une guerre qui l’a marqué pour la vie. il a débuté son engagement comme permanent syndical à l’Union départementale CFDT du Rhône puis l’Union régionale Rhône-Alpes CFDT, puis permanent politique avec le Parti socialiste et la mairie de Valence (Drôme).
Un homme simple et fraternel
Bernard Gerland n’a pas fait carrière en syndicalisme ou en politique. Au terme de ses mandats, il est revenu à la base comme ouvrier-carreleur en bâtiment, où il a continué à s’engager syndicalement.
À 55 ans, il se reconvertit au théâtre grâce au travail de mémoire qu’il écrit en 1995, Ma guerre d’Algérie. L’œuvre est présentée pendant les années suivantes à un public divers : jeunes, scolaires, universitaires, associations et anciens combattants de la guerre d’Algérie. Le spectacle est également joué devant des publics d’origine algérienne.
En 2001, avec Denise, son épouse, il crée l‘association Parlons-en, avec des amis sensibilisés au spectacle « Ma Guerre d’Algérie », au moment où ce spectacle est programmé au Festival d’Avignon. Son but est de promouvoir, par l’expression artistique, le débat public autour du thème de la mémoire, et ainsi de réaliser un travail de libération de la parole, de conscientisation et d’éducation populaire. L’association Parlons-en a produit plusieurs spectacles dont Les Folles d’enfer ou De l’ouvrage ou la mort.
… Conduit à exécuter un homme contre sa volonté
En octobre 2012, il jouait son spectacle à Cluny à l’invitation de l’association Pierre-Boudot. Une soirée théâtre et littérature était organisée à l’occasion des 50 ans des Accords d’Évian marquant la fin de la guerre d’Algérie, et en mémoire de Pierre Boudot, lui aussi appelé du contingent en Algérie.
Bernard Gerland évoquait les « corvées de bois« , nom qui camouflait l’exécution de prisonniers, à laquelle il a dû lui même procéder. Un acte qui l’a marqué pour la vie.
En 2013, un an après son élection, François Hollande s‘est rendu en Algérie. Dans le local de la compagnie Parlons-en, rue Smith à Lyon, Bernard Gerland donnait son sentiment avec beaucoup d’optimisme.
L’œuvre de Bernard Gerland suscite un certain nombre de travaux, notamment scolaires et universitaire, auxquels il s’associe. Ces études ont souvent trait à la nature même de l’acte théâtral.
Nous l’avions rencontré en 2016. Il faisait le point sur son activité littéraire, théâtrale et cinématographique mené avec la compagnie Parlons-en.
L’analyse marxiste comme outil de compréhension du monde
Homme très simple qui ne se mettait pas en avant, avait contribué à la formation idéologique des militant.e.s, en apportant à la CFDT la dimension de l’analyse marxiste. Un travail de longue haleine et en profondeur mené collectivement avec l’équipe d’Étienne Chovet, premier secrétaire général de la CFDT Rhône-Alpes, puis Pierre Héritier et Gérard Martel, avec la contribution d’intellectuels comme le sociologue Jacques Ion et le dominicain Christian Dufour.
Cette action de formation qui s’est inscrite dans la foulée de celle de Charles Maccio et de la Chronique sociale et de l’Union départementale CFDT du Rhône, a été conduite avec le cheminot savoyard Aimé Buttard et une ouvrière du textile Andrée Abrial. En avril 2019, Bernard Gerland retraçait le portrait de cette militante CFDT, dont il partagé les conceptions et intuitions profondes.
Avec son épouse Denise, Bernard Gerland est resté un militant toute sa vie. Après la CFDT, le PSU et le Parti socialiste, il a continué son engagement au sein de la CGT, du Parti communiste, au côté des Palestiniens et dans nombre d’autres combats.
Les funérailles de Bernard Gerland ont eu lieu lundi 17 février 2020 en l’Église Saint Martin à Oullins (Rhône). A cet occasion, parmi d’autres témoignages, le pasteur Jacques Walter, aumônier de la Mission populaire, a situé l’engagement de Bernard Gerland dans la foulée de l’Evangile.
Le refus des places d’honneur, l’attention aux plus petits était tout à fait dans le prolongement de l’attitude de Jésus, sur les routes de Palestine, soucieux des plus petits, des pauvres, boiteux et estropiés de la vie.
J’ai connu Bernard lors d’un stage syndical sur l’analyse marxiste à Sévrier près d’Annecy en1972
je me souviens d’un militant passionnant, très à l’écoute .
Je l’ai rencontré plus tard ,lors de son spectacle sur la Guerre d’Algérie ,où j’ai pu redécouvrir une période mal connue pour moi ,,sous un autre jour .
J’ai compris cette période tragique de notre histoire qu’avait vécu l’un de nos cousins militaire comme lui
.C’était un homme chrétien , de dialogue et de conviction , rare, et chaleureux .que je n’oublierai pas
Merci Jean-François de nous livrer plusieurs facettes de Bernard ce qui permettra, je le souhaite, qu’il continue à vivre à travers le témoignage de sa vie pour les générations qui viennent.
Pierre
Je l’ai rencontré à Taizé, c’est devenu un ami, un parrain de confirmation, un proche par la pensée, la prière et nos échanges épistolaires. il a contribué à me guider durant ces années de formation à la vie que sont les premières années de la vie adulte. Merci
Camille
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