Reportage de François Dalla-Riva, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272
La liberté de la presse est une liberté fragile et loin d’être assurée dans le monde. le baromètre annuel de la Fédération internationale des journalistes comme celui de Reporters sans frontières l’attestent. Et cette atteinte aux droits humains ne concernent pas que les pays avec un régime autoritaire ou sous une dictature. En Europe même, dans une communauté de 28 pays dits démocratiques, les journalistes et la presse sont aussi victimes. Après l’Allemagne et les néo-nazis, les gouvernements de la Hongrie et la Pologne, Ii y a une semaine, c’est Viktoria Marinova, une collègue bulgare qui a été violée et assassinée après avoir révélée les magouilles de responsables politiques. Aussi, l’exposition conçue par le SNJ (Solidaires) et pendue aux grilles de l’Hôtel de ville de Paris jusqu’au 20 octobre 2018 est-elle un excellent outil pour sensibiliser la population nombreuse qui arpente cette artère.
Les journalistes meurent toujours aujourd’hui dans l’Hexagone, dans l’exercice de son métier de journaliste. Les douze personnes assassinés le 7 janvier 2015 le prouvent , s’il en était besoin. Avant la Troisième République et les lois sur la liberté de la presse et la reconnaissance du fait syndical pour les salariés, il en allait aussi de même; et lorsque l’on ne portait pas atteinte physiquement aux journalistes, c’est avec des pressions nombreuses que les pouvoirs, notamment d’argent, que l’on tentait de les faire taire.
Des interdictions toujours actuelles. Avant-hier, l’ambassadrice d’Israël en France n’a-t-elle pas tenté de faire interdire la diffusion d’un reportage télévisé sur Gaza, s’attirant la vive réprobation des organisations de journalistes CFDT, CGT et SNJ ? Dans une lettre adressée le 10 octobre à Mme Delphine Ernotte, PDG de France Télévisions, l’ambassadrice l’a sommé « d’annuler la diffusion ce reportage » en raison selon l’ambassade « de nombreuses sollicitations inquiètes des responsables de la communauté juive française ».
Aussi, dans la foulée de la loi de 1884, les syndicats de journalistes républicains et départementaux, virent apparaître le Syndicat des journalistes Français (SJF) au sein de la Corporation des publicistes chrétiens. Le terme corporation ne doit pas induire en erreur, par une lecture anachronique avec le système corporatif mis en place par l’État français du régime du maréchal Pétain et codifié dans la Charte du travail.
Comme l’a montré l’étude des archives réalisée par l’universitaire Denis Ruellan et le livre qui en a découlé, s’il était bien marqué par une facture chrétienne, le Syndicat des journalistes français (devenu CFTC en 1919, puis CFDT en 1964) n’avait rien d’un organe collaborateur des forces patronales. Dès le début, solidarité, caisse de retraite, aide à la recherche d’emploi, accords professionnels et volonté internationaliste furent la marque de fabrique de ce syndicalisme.
Mais il est tout à fait avéré et donc justifié de souligner que c’est avec le Syndicat national des journalistes, créé en janvier 1918, quelques mois avant la fin de la Première guerre mondiale par Georges Bourdon, que la profession sera reconnue et a acquis des droits, détaillés dans le statut des journalistes détaillé par la loi Brachard du 31 mars 1935.
Au fil de plus d’une vingtaine de panneaux tout le long d’une des ailes de l’Hôtel de ville de la capitale française, est détaillée la longue lutte pour une presse pluraliser, indépendante et de qualité, où le journaliste pris individuellement, ou l’équipe rédactionnelle dans sa singularité puisse exercer leurs droits et mettre en œuvre leur devoir premier : celui d’informer honnêtement le public sur des supports de plus en plus diversifiés.
Une large fresque historique
Cette exposition préparée par notre consœur de la télévision Dominique Pradalié aec l(aide d’une équipe, rappelle différents moments-clé du 20e siècle et des premières années du 21e.
Ainsi, de la censure durant la guerre de 14-18 à l’espionnage gouvernemental du Canard enchaîné, de la résistance de la presse clandestine et des Ordonnances de 1944 qui suivirent, à la grève de l’ORTF en 1968, de l’interdiction de paraître durant la Guerre d’Algérie aux difficultés d’écrire durant la Guerre du Golfe, sans oublier la question très actuelle des fausses nouvelles (fake-news), c’est une belle rétrospective qui est proposée.
L’unité d’action : un gage de réussite
Si le Syndicat national des journalistes est largement mis en valeur (100e anniversaire oblige !), la dimension intersyndicale au travers de l’unité d’action CFDT-CGT-FO-SNJ est aussi mise en exergue.
.L’Union nationale des syndicats des journalistes (UNSJ créé au siège de la CFDT en 1966) est cité lors d’une grève nationale, avec un lointain prolongement par l’Appel du centenaire, nouveau rappel de l’intérêt de l’unité d’action d’un syndicalisme divisé en regard de pouvoir politique et des employeurs.
L’exposition 100 ans de combats pour la liberté de la presse se poursuit jusqu’au 20 octobre et sera suivie par un rassemblement Vendredi 19 octobre 2018 à 14 heures sur le parvis de l’Hôtel de Ville du 4e arrondissement de Paris, au terme du congrès du centenaire du SNJ.
Pour réaliser cette exposition en plein air, notre collègue Dominique Pradalié s’est entourée d’une équipe : Michel Nicolas, Pascale Molinaro et Bénédicte Louyrette-Dauvin, avec l’aide de la Fondation Maurice Maréchal, des Amis de Ghislaine et Claude, des Amis de Frédéric Lepage, de la Maison Zola-Musée Dreyfus, de l’Agence France Presse, de l’Agence Roger-Viollet et du Monde diplomatique.