Jaurès : l’Intersyndicale des journalistes au rendez-vous

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par François Dalla-Riva, journaliste

Jean Tortrat (SNJ-CGT),Dominique Pradalié (SNJ), Gilles Pouzin (SJ-CFTC) et Jean-FRançois Cullafroz (CFDT-Journalistes) représentaient la profession pour honorer Jean Jaurès et rappeler le président Hollande à ses engagements de campagne (© Laurent Villette).

Jean Tortrat (SNJ-CGT),Dominique Pradalié (SNJ), Gilles Pouzin (SJ-CFTC) et Jean-François Cullafroz (CFDT-Journalistes) représentaient la profession pour honorer Jean Jaurès et rappeler le président Hollande à ses engagements de campagne (© Laurent Villette).

Le 31 juillet 2014, on rendait hommage à Jean Jaurès, assassiné il y a un siècle au Café du Croissant à Paris. La Société des études jaurésiennes, le président de la République, puis le journal L’Humanité , (quotidien qu’il a fondé) ont rappelé la mémoire de cet homme politique épris de paix et de liberté, avant que le premier secrétaire du Pari socialiste ne vienne aussi honorer le journaliste assassiné. Enfin, la profession n’a pas raté ce rendez-vous important. Une occasion pour elle de plaider pour la liberté de la presse et des journalistes, et une haute qualité de l’information réunies dans un Appel du centenaire. Pour ce rassemblement organisé par les syndicats SNJ, SNJ-CGT, SNJ-FO, SJ-CFTC, Media 2000 CFE-CGC et CFDT-Journalistes, l’ONG Reporters sans frontières avait apporté son soutien et publié un communiqué solidaire.

Midi avait sonné en ce 31 juillet 2014. La rue Montmartre était encore emplie de monde devant le Café du Croissant après le temps politique pour le moins animé qui avait marqué la matinée. A la pause méridienne, l’Intersyndicale nationale des journalistes (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO et SNJ) vint clore la boucle des hommages débutée trois heures plus tôt par un Appel du centenaire.

Tous les responsables syndicaux arborait un dessin préparé pour la circonstance par le dessinateur Plantu mettant en scène une rencontre entre Jean Jaurès et François Hollande.

Jean Plantu, dessinateur attitré du quotidien Le Monde, mais aussi journaliste militant pour la liberté de la presse a composé cette caricature pour l'intersyndicale nationale des journalistes (© Pierre Nouvelle).

Plantu, dessinateur attitré du quotidien Le Monde, mais aussi journaliste militant pour la liberté de la presse a composé cette caricature pour l’Intersyndicale nationale des journalistes (© Pierre Nouvelle).

Dans les pas de Jean Jaurès

Après une ouverture par Jean-François Cullafroz (CFDT-Journalistes), Dominique Pradalié (SNJ) prenait la parole pour lire quelques phrases de  l’éditorial de Jean Jaurès glanées dans le premier numéro de L’Humanité, le journal qu’il avait fondé et qui parut pour la première fois le 18 avril 1904. Une façon de lier l’hommage à un prédécesseur illustre et l’actualité d’une profession malmenée.

Dominique Pradalié (SNJ) a inscrit ses propos dans la foulée du premier édito de Jean Jaurès dans L'Humanité (© Laurent Villette).

Dominique Pradalié (SNJ) a inscrit ses propos dans la foulée du premier édito de Jean Jaurès dans L’Humanité (© Laurent Villette).

« C’est par des informations étendues et exactes que nous voudrions donner à toutes les intelligences libres le moyen de comprendre et de juger elles-mêmes les évènements du monde. »
/…/ »Mais tout cela ne serait rien et toute notre tentative serait vaine et même dangereuse si l’entière indépendance du journal n’était point assurée et s’il pouvait être livré, par des difficultés financières, à des influences occultes. L’indépendance du journal est entière. Les capitaux, dès maintenant souscrits sont suffisants pour nous permettre d’attendre le développement espéré du journal. Et ils ont été souscrits sans condition aucune. Aucun groupe d’intérêt ne peut directement ou indirectement peser sur la politique de
L’Humanité. De plus, nous avons inscrit dans les statuts que l’apport de travail fait par les collaborateurs du journal serait représenté par des actions appelées « actions d’apport » qui permettent à la rédaction et à la direction politique de faire équilibre dans la gestion de l’entreprise aux actions numéraires. C’est, dans la constitution de notre journal, une garantie certaine d’indépendance. » /…/ Faire vivre un grand journal sans qu’il soit à la merci d’aucun groupe d’affaires est un problème difficile mais non pas insoluble »,
a déclaré Dominique Pradalié.

Jean-François Cullafroz poursuivait en expliquant les raisons qui ont conduit l’ensemble des organisations de journalistes : l’enterrement en catimini du projet de loi de Christiane Taubira qui devait élargir la protection des sources des journalistes.

J.-F. Cullafroz (CFDT-Journalistes) "Un projet de loi enterré en catimini" (©Laurent Villette).

J.-F. Cullafroz (CFDT-Journalistes) : « Un projet de loi enterré en catimini » (© Laurent Villette).

Conditions des journalistes et qualité de l’info intimement liées

Jean Tortrat (SNJ-CGT) soulignait alors la situation difficile d’une bonne partie des 38 000 journalistes parmi lesquels la précarité s’accroit et les conditions de travail se dégradent.

Jean Tortrat (SNJ-CGT) : la orécarité s'accroît et les conditions de travail se dégradent (© Laurent Villette).

Jean Tortrat (SNJ-CGT) : la précarité s’accroît et les conditions de travail se dégradent (© Laurent Villette).

Pour le SJ-CFDT, Gilles Pouzin prenait ensuite la parole rappelant qu’une information de qualité ne peut être séparée d’une liberté maximum garantie aux journalistes pour exercer leur profession.

Pour Gilles Pouzin (SJ-CFTC) Liberté des journalistes et qualité de l'information concernent tous les citoyens (© Laurent Villette).

Pour Gilles Pouzin (SJ-CFTC), liberté des journalistes et qualité de l’information concernent tous les citoyens (© Laurent Villette).

Précarité, reconnaissance des équipes rédactionnelles, moyens à accorder à l’audiovisuel public et surtout protection des sources des journalistes sont au nombre des préoccupations des journalistes français. Olivier Clément, jeune journaliste et reporteur photographe, militant CFDT, explique en quoi cet anniversaire était important et détaille les attentes de la profession. Des propos recueillis par François Dalla-Riva.

Le soutien des fédérations internationales

Le 31 juillet 1914, le journaliste Jean Jaurès, directeur du quotidien L’Humanité , militant socialiste, était assassiné en raison de ses appels pour la paix et son opposition à la guerre fondée sur un internationalisme vigoureux. il était donc bien normal que ce rassemblement des journalistes français prenne une dimension internationale. Aussi, devant le Café du Croissant, un représentant de la Fédération européenne des journalistes (FEJ) était présent.

Par la voix de Paco Audije, les Fédérations européenne et internationale des journalistes ont apporté leur soutien aux journalistes français (© Laurent Villette).

Par la voix de Paco Audije, les Fédérations européenne et internationale des journalistes ont apporté leur soutien aux journalistes français (© Laurent Villette).

Paco Audije a témoigné du soutien de l’organisation à laquelle adhère trois syndicats français de journalistes. Ce confrère madrilène, correspondant de médias numériques en espagnol et du quotidien La Libre Belgique, détaille les raisons du soutien des fédérations européenne et internationale des journalistes aux syndicats français.

En matière de liberté d’informer, il a clairement fait le lien avec la situation dans la bande de Gaza. Il a lu un état des de lieux de la Fédération internationale des journalistes qui liste les difficultés importantes que rencontrent les journalistes, tant du côté israélien que du côté palestinien, où plusieurs médias ont été détruits et plusieurs journalistes tués dans l’exercice de leur profession (huit à l’heure où nous publions cet article).

Des propos recueillis par François Dalla-Riva.

Une lettre au président de la République

L’après-midi, une délégation s’est rendue à l’Elysée où elle a porté une lettre au président de la République, François Hollande, et à deux de ses conseillers David Kessler (culture-communication) et Michel Yahiel (social). Voici la lettre de l’intersyndicale nationale des journalistes au président de la République

                                                                                      

M. François Hollande

Président de la République

Palais de l’Elysée

55 rue du Faubourg St Honoré

75008 Paris

 Paris, le 31 juillet 2014

 Monsieur le Président,

Depuis des années maintenant, la crise de la presse et des medias est une réalité qui n’a fait que s’aggraver.
Derrière ce constat, une multitude de situations diverses et de responsabilités différentes. S’il n’est pas toujours possible de les identifier, il est plus aisé de constater les dégâts immenses provoqués par la perte du pluralisme, la baisse alarmante de la qualité et de la fiabilité des informations, et, partant, la perte dangereuse de la confiance des citoyennes et citoyens dans leurs médias.

Des solutions existent et si certaines sont souvent faciles à mettre en œuvre, elles demandent un courage politique et démocratique sans faille.

Quand vous étiez candidat à la présidence de la République  vous avez donné des assurances de votre intérêt pour une information de qualité et pris des engagements concrets. Pourtant, les propositions des organisations syndicales qui représentent les journalistes tardent à être mises en œuvre.

Vous, président de la République, garant de la Constitution Française, ne pouvez ignorer que son article 34 est très précis en matière de pluralisme de l’information.

Le temps presse, il devient urgent de mettre en œuvre les moyens concrets de rénovation des médias. Deux pistes en forme de rappel :

          Pour la presse écrite, une réelle transformation des aides à la presse pour qu’elles répondent enfin au but visé lors de leur création.

          Pour l’audiovisuel public, un financement pérenne et suffisant pour assurer correctement ses missions.

          Pour toutes les entreprises de presse : la reconnaissance juridique de l’équipe rédactionnelle qui permettra de remettre cette communauté de journalistes au centre même de leurs objectifs démocratiques.

          Pour tous : une protection des sources au niveau de la loi et de la jurisprudence européennes.

 Nous vous appelons, en ce jour anniversaire de l’assassinat du grand homme politique et journaliste que fut Jean Jaurès, à considérer cette situation.

Monsieur le Président, nous :(Syndicat National des Journalistes, SNJ-CGT, CFDT journalistes, SJ-CFDT, Media 2000CFE/CGC et SNJ-FO …..), vous demandons de nous accorder un entretien afin de donner un solennel coup d’envoi aux mesures de rénovation de tout un secteur essentiel à la vie démocratique de tout pays moderne.

Nous vous remercions, Monsieur le Président, et vous prions d’agréer l’expression de notre haute considération.

Signé : Les secrétaires généraux des organisations de journalistes

Un rendez-vous doit avoir lieu à la rentrée de septembre pour faire le point sur toutes les préoccupations des journalistes, et notamment la protection des sources. Les contacts avec les parlementaires se poursuivront. D’ores et déjà, Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du Parti socialiste s’est engagé à recevoir l’Intersyndicale nationale des journalistes début septembre.

Soutien de Reporters sans frontières

Par ailleurs, en fin de matinée, les délégués Europe de l’ONG Reporters sans frontières avaient publié un communiqué soutenant l’action de l’intersyndicale journalistes. En voici le texte :

Loi sur le secret des sources enterrée ? Déjà un an que Reporters sans frontières a été auditionnée

Malgré la promesse du président de la République, François Hollande, de réformer en profondeur la protection du secret des sources des journalistes, le projet de loi initié par la garde des Sceaux Christiane Taubira en 2012 semble avoir été définitivement enterré. Pourtant, l’actualité ne cesse de démontrer l’urgence d’adopter un nouveau dispositif législatif.

Il y a un peu plus d’un an, le 25 juillet 2013, Reporters sans frontières était auditionnée sur le projet de loi visant à renforcer la protection des sources des journalistes, par Michel Pouzol, rapporteur pour la commission des Affaires culturelles. Un mois plus tard, notre organisation remettait ses recommandations à Marie-Anne Chapdelaine, rapporteur du projet pour la commission des Lois. Entre l’avant-projet de loi, très prometteur, et la dernière version retravaillée par les parlementaires en décembre, des dispositions importantes avaient été supprimées. Mais rien n’indiquait alors que le projet de loi, promesse de campagne de François Hollande, finirait aux oubliettes.

La loi du 4 janvier 2010 sur la protection du secret des sources avait rapidement montré ses limites, notamment dans l’affaire Bettencourt, où il avait été facile pour les magistrats de lever le secret des sources de journalistes du Monde. Au regard de l’inefficacité du dispositif, le nouveau projet de loi, loin d’être parfait, apportait une amélioration, en introduisant, par exemple, le contrôle systématique du juge de la liberté et de la détention pour toute levée des sources. Dans ses recommandations, Reporters sans frontières avait exposé aux rapporteurs du projet de loi six axes d’amélioration, parmi lesquels la restriction des exceptions permettant de lever le secret des sources, la nécessaire création d’un délit de violation du secret des sources ou encore l’exonération du délit de recel pour les journalistes collectant des documents dans le cadre d’une activité d’information.

Une inquiétude grandissante pour le secret des sources

Initialement, le projet de loi adopté en Conseil des ministres le 12 juin 2013 devait être débattu devant la représentation nationale le 16 janvier. Peu de temps avant cette échéance, le président de la commission des Lois, Jean-Jacques Urvoas, avait repoussé le projet sine die, invoquant une surcharge de l’agenda des députés. Annoncé pour mai, puis pour septembre, le débat à l’Assemblée nationale ne sera en réalité jamais programmé. Aujourd’hui, Reporters sans frontières est extrêmement inquiète pour l’avenir de la protection des sources en France.

Nous avons écrit à Marie-Anne Chapdelaine, rapporteur du projet de loi sur le secret des sources, pour obtenir des explications sur la disparition pure et simple de son travail de l’agenda parlementaire, explique Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières. Les motivations à l’origine de ce retrait restent mystérieuses. Mais une chose est certaine : ni le législateur ni le gouvernement ne comprennent l’urgence de la situation. Alors que le dispositif de surveillance des communications est renforcée et que des actions sont en cours pour recel de violation du secret de l’instruction, il est plus que temps que nos députés se remettent au travail pour garantir aux journalistes une réelle protection de leurs sources.

En janvier, le Conseil supérieur de la magistrature ne demandait aucune sanction à l’encontre de Philippe Courroye, l’ex-procureur de Nanterre qui avait levé le secret des sources pour accéder aux fadettes de journalistes du Monde. Quelques mois plus tard, le vendredi 18 juillet, le procureur de Paris ouvrait une instruction judiciaire pour “violation du secret de l’instruction et du secret professionnel” et “recel”. Cette instruction faisait suite à la plainte contre X déposée par le bâtonnier Pierre-Olivier Sur en réaction “aux articles publiés dans le quotidien Le Monde et sur le blog de Médiapart” qui traitaient de la mise en examen de Nicolas Sarkozy pour “trafic d’influence, corruption active et recel de violation du secret de l’instruction”.

Autant d’affaires qui suscitent une inquiétude légitime de la profession journalistique. qui à l’initiative de la CFDT, a lancé pour les cent ans de la mort de Jean Jaurès “l’appel du centenaire” devenu Appel solennel au président de la République. Cette initiative, qui a le soutien de Reporters sans frontières, vise à mobiliser les journalistes pour rappeler à François Hollande ses promesses de campagne, parmi lesquelles la nouvelle loi sur la protection du secret des sources.

 

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