Par Jean-François Cullafroz-Dalla Riva, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272, correspondant du Courrier (quotidien à Genève)
On l’appelait Gus dans les réunions, dans les sessions de formation, sur les piquets de grève et dans les défilés… Ces dernières années, Auguste Boisson, natif de Saint-Didier au Mont-d’Or (Rhône) avait témoigné à plusieurs reprises. Témoigner de son parcours de vie, témoigner de son engagement personnel, avec le syndicat, CFTC puis CFDT et le parti, le PSU, et engagement en couple avec Mado à la FCPE du lycée Jean Perrin, quand ils étaient parents d’élèves, et au sein de leur équipe d’ACO, l’Action catholique ouvrière, dans le quartier lyonnais de la Duchère. Ses funérailles ont eu lieu le 7 juillet 2020 dans l’église de son village.
Lors d’un des colloques syndicalo-universitaires CFDT durant lequel il partageait son expérience, c’était en novembre 2014 à l’École normale supérieure Lettres à Lyon-Gerland, il rappelait sa scolarité arrêtée à l’âge de douze ans, la guerre débutée en 1939, l’ayant conduit à suppléer le manque de main d’œuvre rurale.
Pour ma part, je l’ai rencontré pour la première fois au début des années 68, nous étions au sein de la commission formation de l’Union départementale CFDT, et je l’ai encore mieux découvert au fil de sessions que nous avons animées de concert.
Auguste, si gentil, si souriant, si pince-sans-rire, un homme vrai, qui faisait peu de discours, mais savait semer de petites graines pour faire germer des engagements de militantes et des militants. Il suffisait qu’il parle de la Rhodia et de son usine de Lyon-Vaise, des équipes en 4 et 5-8, des conditions de travail : horaires décalés, chaleur étouffante dans les ateliers… mais aussi joie d’accomplir la mission de délégué du personnel pour défendre les revendications sur les salaires, contre les licenciements, le chômage…
Il rappelait tes études arrêtées au certif, mais il y a quatre ans, chez lui, lors d’un déjeuner, il disait qu’il était « un des permanents de l’esprit », et que « si on veut être sérieux, il faut se former, s’informer, lire… »
Un engagement avec et au service des autres…
Auguste Boisson ajoutait : « Je dois bien avoir quelques gênes : mon père et mon grand-père aveint une mentalité de serfs, mais avec des valeurs chrétiennes, et j’en ai hérité. J’ai découvert au fil de ma vie que d’autres, des copains et copines qui ne croyaient pas en Dieu, et se mouillaient aussi pour les mêmes combats pour l’homme. »
Pour autant, sur cette route, avec Mado, son épouse, ils ont rencontré des prêtres du Prado et d’ailleurs : Michel Tournier, Jean Richard, Michel le Bordet, Alexis Lhopital, un grand copain. Au fil des révisions de vie, ils les ont conforté dans leur quête de justice, l’aspiration à un autre monde, en 68 l’autogestion, dont il était difficile de faire comprendre les contours et il a fait débattre lors de réunions dans la cour de la Rhodia pendant la grève de mai-juin 68.
Il y a un an, le 28 juin 2019, après la découverte de son cancer, son opération et les nombreux soins, il m’écrivait : « Je suis resté huit jours en clinique au lieu d’un passage en ambulatoire, mais je pense avoir eu beaucoup de chance. La seule chose, c’est qu’à 91 ans, quand tu perds 80 % de tes forces, il ne faut pas rêver, on ne récupère pas beaucoup. Il faut accepter d’être diminué physiquement, mais étant debout, je ne peux pas me plaindre… »
Faire de l’humain une personne debout
Faire que l’humain, femme et homme, soit une personne debout, c’est cela qui a animé la vie d’Auguste Boisson… « Je ne suis pas un mystique, disais-tu. Dans l’Église, j’ai contesté des choses intérieurement, mais mes origines chrétiennes ont été respectées… »
Auguste, l’ami Gus, merci pour ta simplicité, ta franchise, ta bonté. Merci à toi aussi Mado pour votre compagnonnage, et pour vos enfants. Merci aussi, pour les graines que tu as semées, dans la foulée de Bernard Gerland, un autre militant parti mi-février 2020.
Bouliste émérite (la Lyonnaise, longue, s’il vous plait !) a toujours su pointer. Là aussi, bénévole au grand coeur, il n’a pas raté sa cible !
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