Presse des Sud : des syndicats entre inquiétude et révolte

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La cession de La Provence par le groupe Hersant à Bernard Tapie survient au moment où la presse connaît une cascade de plans sociaux. (Pierre Nouvelle)

Dès mercredi, les représentants du personnels de La Provence s’étaient inquiétés. Ce jeudi soir, les journalistes CFDT sont montés au créneau, élargissant la situation des quotidiens méridionaux et domiens à la question d’ensemble de la presse écrite, audiovisuelle et Internet. Réaction aussi des journalistes CGT et SNJ, et vendredi de la fédération communication-culture-conseil- CFDT. Vendredi soir, au journal télévisé de France 2, Bernard Tapie a levé un peu du coin du voile sans vraiment préciser ses intentions.

En fin d’après midi du 20 décembre, alors que l’arrivée de Tapie à La Provence agite le monde médiatique, les journalistes CFDT (USJ-CFDT) ont exprimé leur soutien aux salariés. Ils ont souhaité aussi une audience auprès du gouvernement et au chef de l’Etat sur ce rachat et sur la situation globale de la presse écrite, audiovisuelle et Internet. Pour les journalistes CFDT, des mesures pérennes doivent être prises.

Qui ne connaît Bernard Tapie et son talent de reprise pour le franc symbolique suivie de restructuration-plan de licenciements et reventes… Qui ne connaît Bernard Tapie, dirigeant sportif de l’Olympique de Marseille. Qui ne connaît Bernard Tapie homme politique, député, ministre…  » Ces engagements marqués par des actes forts qui ont laissé des traces pour les salariés et la morale sportive ne peuvent qu’inquiéter « , poursuivent les journalistes CFDT.

Chanteur, comédien, chef d’entreprise, président de club sportif… que fera Tapie à La Provence ? (DR)

A Marseille, que cet acteur économique ait des visées politiques ne fait pas de doute.. Par ailleurs, il est aussi évident que son arrivée dans cette société détenue par la famille Hersant lourdement endettée ne peut s’être opérée qu’avec l’appui des pouvoirs publics qui ont cautionné les engagements des banques.  » Les titres du groupe GHM, pris séparément, gagnent tous de l’argent,  le taux d’abonnement à La Provence ayant même progressé de 17% en trois ans. Le tandem- Hersant-Tapie n’est donc en rien un sauveur et la CFDT entend bien obtenir des garanties sur l’emploi, après les clauses de cession ou de conscience qui risquent de priver ces rédactions de nombreux reporters « , souligne la CFDT Journalistes..

Le gouvernement ne peut échapper aux plans sociaux que connaissent d’autres quotidiens, les plus récents étant ceux du groupe Sud Ouest, et d’une façon officieuse aux économies dans différents groupes de presse. Le désendettement accordé au groupe de presse est-elle la contrepartie de l’accession souhaitée de Bernard Tapie à la tête de ce groupe de presse qui règne sur la Côte d’Azur et la Corse. Faut-il y voir, la tentative de faire  pièce à la mairie UMP où Jean-Claude Gaudin pourrait passer la main en 2014, et à la montée du Front national ?

 » Nous connaissons trop bien le passé de groupes de presse méridionaux et des Antilles qui se sont largement immiscés dans la vie politique de ces régions françaises pour ne pas être vigilants », poursuivent les journalistes CFDT.

La CFDT appelle à la vigilance

Pour la CFDT Journalistes (USJ-CFDT), c’est tout à la fois l’emploi de toutes les catégories de personnels, l’indépendance des journalistes et des rédactions, la qualité et le pluralisme de l’information livrée au public qui doivent être au cœur des préoccupations de tous, à commencer par l’Etat.qui doit être garant de l’intérêt public et du vivre-ensemble démocratique. Les personnels sont invités à la vigilance et à l’action dans l’unité syndicale la plus large.

 » La trêve de Noël ne nous endormira pas « , dit la CFDT Journalistes. « S’engager pour chacun, agir pour tous » sera, dans ce cadre comme dans d’autres, notre ligne de conduite « , assure-t-elle..

Reliant la situation de La Provence à celle des autres médias hexagonaux comme des Dom-Tom, elle demande au gouvernement  » l’ouverture d’une table ronde qui ne soit pas des états généraux sans lendemain, concernant la presse écrite, audiovisuelle et Internet. Il est vital que soient décidées de mesures pérennes pour l’avenir des médias en général et des personnels en particulier, afin que soient soutenues des actions de sauvegarde de l’emploi discutées paritairement, et mises en place des mesures assurant sur le long terme l’indépendance du travail des journalistes garantie d’une qualité de l’information et bonnes pratiques déontologiques, la préservation de leurs intérêts moraux et matériels, à commencer par les journalistes précaires, pigistes et en CDD « , estiment les journalistes CFDT..

Dans ce cadre, ils rappellent que la reconnaissance juridique de l’équipe rédactionnelle, l’intégration de la Charte de Munich dans la convention collective nationale de travail des journalistes, le soutien à un Observatoire déontologique de pratiques professionnelles et la protection des sources des journalistes sont aussi des enjeux de l’heure. Ils demanderont donc à être reçues au plus haut niveau de l’Etat pour aborder toutes ces questions.

Inquiétude et révolte des syndicats de journalistes

Interrogé par l’Agence France Presse (AFP), le Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT) a exprimé son inquiétude. Il dénonce  » l’arrivée de Tapie dans la presse comme un scandale absolu qui met l’information en danger « , et a sommé le gouvernement de s’expliquer.

Pour sa part, le Syndicat national des journalistes (SNJ); par le biais de ses repésentants à La Provence avait exprimé dès le 7 décembre un sentiment partagé entre colère et inquiétude. Il demandait que les pouvoirs publics veillent à ce que le repreneur choisi offre  » de véritables perspectives de développement du journal, la préservation des emplois et des métiers, garantisse la pérennité du titre, son indépendance éditoriale vis-à-vis des pouvoirs politiques et économiques « .

Selon l’AFP, Bernard Tapie, qui a rencontré la direction du quotidien, mais pas les journalistes, a expliqué avec ses mots, sa passion, son envie et son amour de Marseille. Pour Philippe Minard, directeur des rédactions de La Provence,  » il nous a dit avec humour qu’il ne connaissait pas trop la presse, qu’il n’aimait pas forcément ça, mais qu’il était content d’être à Marseille « . Bernard Tapie envisagerait de monter un grand groupe dans le Sud, et pourquoi pas  » à terme une extension de la Presse quotidienne au sud car elle va mal « . Un audit du groupe est d’ailleurs prévu en janvier et le développement des journaux avec, notamment, la création de 300.000 abonnements gratuits.

Ce vendredi soir, au journal télévisé de France 2, il a affirmé à Laurent Delahousse qu’à 70 ans (fin janvier 2013), il renonçait à la politique et que c’est un média régional qui le passionnait. il a souhaité que les journalistes n’aient pas peur de donner les faits et ensuite de livrer des convictions. Pour lui, les pouvoirs publics, (à l’exception de François Hollande sur lequel il ne s’est pas prononcé), n’ont pas vu son arrivée à Marseille d’un bon oeil, particulièrement le cabinet d’Arnaud Montebourg. Si cela est avéré, on peut comprendre le ministre, compte tenu de la manière dont Bernard Tapié a « redressé » les entreprises qu’il a rachetées. On ne peut néanmoins que se questionner sur l’attitude réelle de l’Etat dans ce dossier, au vu de l’effacement des deux tiers de l’ardoise que le Groupe Hersant Médias avaient auprès de 17 banques,. La balle est donc maintenant dans le camp du gouvernement et de sa ministre de la Culture et de la Communication.

Affaire à suivre donc !

Jean-François Cullafroz-Dalla Riva

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