Par Jean-François Cullafroz-Dalla Riva, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272, correspondant du Courrier (quotidien à Genève)
Ouistreham devait sortir sur les écrans en novembre 2021, mais l’afflux de films contenus par la pandémie et le confinement ne l’ont conduit dans les salles que début janvier 2022. Entre temps, les salles obscures ont accueilli Debout les femmes, dernier long métrage de Gilles Perret et François Ruffin. Avec le film d’Emmanuel Carrère, adaptation du livre-reportage de Florence Aubenas, c’est à nouveau le travail des femmes en situation précaire qui est mis en lumière et à l’honneur. Impressions de projection et réactions recueillies au sortir du cinéma Comoedia à Lyon.
Notre collègue Florence Aubenas a près de quarante ans de journalisme à son actif. Depuis sa sortie du Centre de formation des journalistes de Paris en 1984, elle n’a eu de cesse à décrire la vie de l’humanité et des humains, en France, en Europe et dans le Monde.
Du procès d’Outreau à Bagdad où elle fut enlevée et détenue pendant plusieurs mois au printemps 2005 avec nos confrères Christian Chesnot et Georges Malbrunot, elle a mis sa profession au service de longs reportages qui témoigne de ses talents d’observatrice, de témoin et de narratrice.
Le Matin de Paris, Libération, Le Monde sont des journaux français qui ont publié sa prose. Auteure de près d’une dizaine de livres, essais ou romans documentaires, elle pratique l’immersion dans le milieu social. C’est après avoir travaillé dans le secteur du nettoyage avec des femmes en situation précaire, elle a publié Le Quai de Ouistreham.
Il aura fallu attendre dix ans pour que ce livre soit adapté à l’écran par l’écrivain, réalisateur et scénariste talentueux Emmanuel Carrère s’en empare.
Scénariste d’une quinzaine de films pour la télévision, avec Ouistreham, Emmanuel Carrère signe son sixième film en tant que réalisateur.
Solidarité et amitié pour compenser la dureté de la vie
Cette œuvre de fiction, ancrée dans la réalité dépeinte par florence Aubenas, traduit toute la richesse des relations qui unit salarié.e.s en situation difficile, soumis à un travail précaire et à des salaires de misère. Situation d’autant plus pénibles qu’elles sont vécues par des femmes.
Emmanuel Carrère a su montré que les côtés sombres de la vie sont traversés par des moments de fête et des expressions concrètes de solidarité et de forte amitié
L’émotion des spectateurs-trices
Entre les cabines des bateaux Transmanche aux locaux de bureau, c’est un florilège de gestes de récurage avec ce qu’ils supposent de stress et de rapidité que fait défiler la caméra. La fatigue, les pleurs, les peurs mais aussi la joie et l’ouverture à l’inédit génère de fortes émotions lors de la projection.
C’est aussi une prise de conscience, le lever d’un coin du voile sur la réalité rencontrée au quotidien suscité chez les spectateurs-trices. Marylène est une ancienne salariée de la Banque postale et Bernard, son compagnon, a exercé le métier de pompier. En visionnant Ouistreham, il se sont interrogés sur la dame de ménage qu’il croise chaque jour dans le hall de leur immeuble.
Impressions recueillies après la projection en ce mardi 18 janvier 2022.
Présenté à la Quinzaine des réalisateurs du festival de Cannes 2021, Ouistreham doit beaucoup au jeu de Juliette Binoche, rejoint par une bande de comédiens-iennes formidables : Hélène Lambert, Léa Carne, Évelyne Porée, Patricia Prieur, Émily Madeleine, Didier Pupin…