CGT : entre la rue et les institutions, une question lancinante (1)

Posté le par dans Ca presse

Reportage de Jean-François Cullafroz, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272, correspondant du quotidien Le Courrier (Genève)

Un peu plus d'une centaine de personnes étaient réunies dans l’amphithéâtre de la Maison internationale des langues et de la culture de l'Université Lyon 2 pour aborder la questions des relations de la CGt avec les institutions françaises et internationales (© Pierre Nouvelle).

Un peu plus d’une centaine de personnes étaient présentes le 16 novembre 2017 dans l’amphithéâtre de la Maison internationale des langues et de la culture de l’Université Lyon 2 pour aborder la questions des relations de la CGT avec les institutions françaises et internationales (© Pierre Nouvelle).

Alors même que se déroulait une journée d’action contre les ordonnances Macron et que se tenait la dernière séance de négociation sur la fusion des régimes de retraites complémentaires, l’Institut CGT d’histoire sociale et le laboratoire Triangle de l’université Lyon 2 organisaient les 16 et 17 novembre 2017 un colloque sur l’Institutionalisation du syndicalisme. Coordonnée par la politiste et universitaire lyonnaise Sophie Béroud, une trentaine d’intervenants (universitaires et militants syndicaux) y participaient. Le regard des observateurs et acteurs sociaux a porté sur la période 1945-2007, avec des rappels sur l’histoire ouvrière depuis 1884 (légalisation du syndicalisme). L’objet de cette rencontre scientifique était d’analyser la relation dialectique entre contestation et participation au système politique et économique en place au travers de différents organes de régulation, locaux, nationaux et internationaux. L’évolution de l’attitude et du positionnement de la CGT a été analysée avec la part de contradictions qu’ils pouvaient comporter. Reportage durant la première journée du colloque où la CFDT a aussi été citée, et entretiens avec différents intervenants.

Définir ce que représente l'institutionalisation du mouvement syndical et analyser l'attitude des syndicalstes vis à vis des institutions de la République a été le travail de la première journée du colloque lyonnais de l'institut CGT d'histoire sociale (© Pierre Nouvelle).

Définir ce que représente l’institutionalisation du mouvement syndical et analyser l’attitude des syndicalistes vis à vis des institutions de la République a été le travail de la première journée du colloque lyonnais de l’institut CGT d’histoire sociale (© Pierre Nouvelle).

L’Institut CGT d’histoire sociale met à contribution des militants syndicaux qui recueillent documents et témoignages sur l’action syndicale vus sous l’angle de cette organisation.

Au plan national, comme dans les régions, départements mais aussi fédérations professionnelles, cet institut créé en 1982 par la volonté de Georges Séguy, alors secrétaire général de la CGT, produit des brochures et organise des colloques auxquels contribuent des universitaires, enseignants et chercheurs.

Les arrports entre les organisation syndicales et les institutions restent un sujet particulièrement d'actualité (© Pierre Nouvelle).

Les rapports entre les organisation syndicales et les institutions restent un sujet particulièrement d’actualité (© Pierre Nouvelle).

Après les rencontres portant sur les relations avec le mouvement ouvrier de personnalités telles que Ambroise Croizat (2013), Jean Jaurès (2014) mais aussi sur l’immigration (2012), la Première guerre mondiale (2014) et en 2016 autour de la CGT à l’épreuve des crises (1975-1995), pour ne parler que des événements récents, ce sont les rapports complexes entre action syndicale de contestation et participation aux organes de régulations sociales qui ont été abordés. Deux Lyonnais étaient les chevilles ouvrières de cette initiative : Sophie Béroud, maitresse de conférences en science politique à l’Université Lyon 2, et chercheuse affiliée au laboratoire Triangle, et Roger Gay, président de l’Institut CGT d’histoire sociale Rhône-Alpes.

Des journées de réflexion en prise avec l’actualité

Deux journées de réflexion et d’échanges particulièrement d’actualité. En effet, le premier temps était marqué par une journée de mobilisation et de grève contre les ordonnances Macron, appelée par la CGT, la FSU et Force ouvrière notamment, illustrant le versant contestation du mouvement syndical. Quant au second jour de colooque, il se tenait alors que se concluaient par un accord les négociations sur l’unification ds régimes de retraites complémentaires Agirc-Arrco. Une négociation où l’on a pu mesurer les capacités diverses à conclure de la part des organisations syndicales mettant en œuvre des stratégies et tactiques différentes, partagées entre deux pôles, l’un CGT-FO opposé à la signature, et l’autre CFDT-CFTC-CGC, s’engageant avec la partie patronale.

Gilbert Garrel est président de l’Institut CGT d’histoire sociale depuis le printemps 2017 et a pris la suite de Jacky Maussion. L’ancien secrétaire général de la CGT-Cheminots situe les objectifs de la société savante dont il a désormais la charge..

Dès 1884, aux origines de la loi Waldeck-Rousseau légalisant les syndicats

Les deux journées s’annonçaient riches en intervenants et riches en contributions. Après le mot d’accueil, c’est aux sources de l’histoire ouvrière légalisée que l’on puise pour tenter de définir ce que recouvre le mot institutionnalisation quand on parle de syndicalisme.

Stéphane Sirot, enseignant-chercheur de l’université de Cergy-Pontoise a produit la première communication sur les origines de l’institutionnalisation du syndicalisme (1884-1944).

Au terme de sa prestation, il détaille la façon dont il aborde le sujet. Selon lui, la question, qui se pose dès la légalisation du syndicalisme en France en 1884, est aujourd’hui au cœur de la vie des organisations syndicales en général, dont la CGT en particulier. Et e la matière, il en appelle à un renouvellement des pratiques syndicales.

CFDT et CGT et les institutions internationales

Si la CGT était principalement au centre des interventions de la première journée, la CFDT n’a pas été exclue pour autant. Présente en creux dans certaines contributions, la centrale cédétiste a fait l’objet d’interventions ou références explicites. Au nombre de celles-ci, la communication de Claude Roccati, enseignante-chercheuse à l’université de Limoges et spécialiste de la CFDT sur laquelle elle a développé sa thèse de doctorat.

C’est sur le terrain de l’action internationale que cette universitaire a analysé l’implication institutionnelle de la CFDT. Elle a expliqué l’insertion de la CFDT au sein de la Commission syndicale consultative (Tuac) de l’organisation de coopération et de développement économique (OCDE), comme une volonté de la CFDT, en pleine phase de recentrage stratégique, comme un moyen de sortir de l’isolement où l’avait placée sa sortie de la Confédération mondiale du travail.

Parmi les témoignages syndicaux, outre celui de Maryse Dumas, qui a rendu hommage à Louis Viannet et rappelé l’importance du mouvement social, étudiant et ouvrier de mai-juin 68, et de Thérèse Poupon, celui de Bernard Thibault, ex-secrétaire général de la CGT de 1999 à 2013, était attendu.

Représentant de la CGT au sein de l’Organisation internationale du travail (OIT) depuis 2014, et membre de son conseil d’administration, il a analysé les relations entre sa centrale syndicale et le Bureau international du travail (BIT). Depuis 1919, il discerne sept phases, qui ont été marquées par des implications fortes, des rejets et aujourd’hui une implication institutionnelle qui va de pair avec la dimension revendicatrice de la CGT.

Une richesse pour les jeunes générations

Au terme de cette journée, une question mérite d’être posée. Si les enseignants et chercheurs trouvent dans un tel colloque matière à rendre publics leurs travaux, quel intérêt revêt-il pour le grand public en général, et les militants syndicalistes en particulier.

Une réponse parmi d’autres est celle que nous a donnée Jean-Louis Thévenin. Ex photograveur dans les ateliers des journaux parisiens, membre d’une longue lignée familiale d’ouvriers du Livre syndiquée au syndicat CGT du Livre, il confie ce qu’il retire de la recherche historique et mémorielle. Il explique aussi ce qu’elle peut apporter à de jeunes syndicalistes du 21e siècle pour leurs engagements quotidiens.

Les travaux des deux journées des 16 et 17 novembre 2017 sur la CGT et l’institutionnalisation du syndicalisme seront disponibles sur le site de l’Institut CGT d’histoire sociale.

Renseignements : Institut CGT d’histoire sociale : http://www.ihs.cgt.fr/ et 263 rue de Paris – 93516 Montreuil cedex – 01 55 82 81 13)

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *