Angoulême : grandeur et misères des BDéistes

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Reportage de Jean-François Cullafroz, envoye spécial du quotidien Le Courrier de Genève, carte de presse honoraire 49 272

Un 42e festival sous le signe de l'inquiétude : la liberté d'expression mise en cause et le situation économique et sociale des auteurs malmenée (© Pierre Nouvelle).

Un 42e festival sous le signe de l’inquiétude : la liberté d’expression mise en cause et le situation économique et sociale des auteurs malmenée (© Pierre Nouvelle).

Le 42e festival de la bande dessinée a manifesté l’inquiétude des auteurs, quant à leurs revenus et leur régime de retraite complémentaire.Au final, après une marche dans les rues angoumoises, la ministre de la Culture les a écoutés et s’est engagée à ne rien faire sans une concertation scellée par un accord avec les intéressés.

Les quatre jours de la 42e édition du festival international de BD ont été marqués par le mécontentement des auteurs de BD : dessinateurs, scénaristes, coloristes… Bien sûr, à première vue et pour le grand public rien n’a filtré dans un premier temps. Les auteurs étaient à leur poste et dédicaçaient comme à l’habitude. Et il a fallu attendre samedi après midi pour voir défiler dans les rues près de 500 professionnels de la BD.

Vendredi 30 janvier, plusieurs centaines d'auteurs de BD réunit dans le théâtre d'Angoulême ont ouvert la démarche des Etats généraux de la BD .

Vendredi 30 janvier, plusieurs centaines d’auteurs de BD réunit dans le théâtre d’Angoulême ont ouvert la démarche des Etats généraux de la BD .

La chauffe avait débuté la veille, jeudi 29 janvier avec le lancement des Etats généraux de la BD dans le théâtre de la ville. Tous les interlocuteurs du monde de la BD étaient là sur la scène et ses ont expliqués devant les auteurs à l’occasion d’une démarche qui s’inscrit dans le temps. Car les Etats généraux de la BD est un processus, qui sous la houlette d’universitaires va dresser l’état d’un monde où les métiers multiples se côtoient.

Du théâtre à l’hôtel de ville

Liberté de créer mais pour combien de temps ? Tel était bien la question posée dès le jeudi soir lors de l’ouverture officielle du 42e festival dans les salons de l’Hôtel de ville.

Francis Groux est un passionné de BD. C’est lui qui en 1972, sous la municipalité socialiste de Jean-Michel Boucheron a co-fondé le festival de la BD. En 42 ans, cette manifestation locale est devenue internationalement incontournable. Lors de l’ouverture officielle du festival 2015, Francis Groux, le président de l’association organisatrice du festival a tenu à exprimer sa solidarité avec les auteurs de BD qui vivent une précarité grandissante. Et cela l’avant-veille de la marche des auteurs dans la ville. Des propos recueillis par François Dalla-Riva

 

 

Vendredi 30 janvier, à l’occasion des Etats généraux de la BD , la question est revenue très forte et le représentant du Raap, la caisse de retraite complémentaire des auteurs a été quelque peu chahuté. Un des membres du cabinet de la ministre de la Culture prenant partie pour les auteurs en annonçant qu’il n’y aurait pas de modification du statut des auteurs sans accord négocié avec eux.

Une marche pour informer

Samedi 31 janvier, les lecteurs de BD étaient invités à marcher avec leurs auteurs favoris (© Pierre Nouvelle).

Samedi 31 janvier, les lecteurs de BD étaient invités à marcher avec leurs auteurs favoris (© Pierre Nouvelle).

Et puis samedi 31 janvier, on en a reparlé lors de la « Marche des auteurs » et dimanche à l’occasion d’une rencontre entre la ministre et les représentants des dessinateurs et des éditeurs. Il y avait eu une lettre signée par 1 200 auteurs et adressée au ministère de la Culture, un débrayage lors du salon de Saint-Malo, et samedi après midi sous le soleil, 500 personnes ont arpenté les rues piétonnes à l’appel du , du Champ de Mars à la mairie. Devant l’édifice bardé de bannières honorant l’équipe de Charlie, les propos furent clairs et vifs : « La précarisation gagne du terrain chez les auteurs. Si 1 % des dessinateurs gagne bien sa vie, les 99 % restants galèrent », insiste Marc-Antoine Boidin, un des délégués du Snac (Syndicat national des auteurs et  compositeurs). Il est sûr qu’avec un revenu de 800 euros par mois et un tirage de 500-600 exemplaires, on est bien loin du million d’albums d’Astérix, explique-t-il devant la caméra de François Dalla-Riva..

De quoi faire douter les professionnels du 9e art ! « C’est la question du sens de notre art et l’intérêt de nos petites bulles. Pourtant, à voir fleurir partout un profond attachement à la liberté d’expression, nous avons des atouts pour nous faire entendre », déclarait aux marcheurs, Fabien Velhmann, un des porte-parole du mouvement. Hier, dessinateurs et scénaristes n’ont pas tenu un autre langage à leur ministre de tutelle. Cette dernière a confirmé que si leur régime de retraite complémentaire serait révisé comme ceux d’autres secteurs professionnels, ce ne sera pas avant une négociation conclue par un accord à l’échéance du 1er janvier 2016.

 

L'histoire continue, Pour Charlie comme pour les auteurs de BD. Rendez-vous en janvier 2016(© Pierre Nouvelle).

L’histoire continue, Pour Charlie comme pour les auteurs de BD. Rendez-vous en janvier 2016(© Pierre Nouvelle).

Les auteurs en ont appelé à François Hollande, espérant qu’ils seront entendus. Restera alors de toutes façons confirmée la nécessité de faire vivre la caricature, la BD et ses contributeurs avec l’impératif de responsabilité qui leur incombe. Reste aussi au public, fan de BD de faire entendre leur voix pour que le 9e art puisse continuer à vivre et à faire vivre ceux qui lui donnent ses lettres de noblesse.

Les prix du 42e festival de la BD

L’édition d lundi 2 février 2015 du quotidien genevois Le Courrier publiait le palmarès du 42e festival de la BD d’Angoulême à l’intention des lecteurs de Genève, du canton de Vaud et de la Suisse francophone.Le Fauve d’or du meilleur album du 42e Festival d’Angoulême a été décerné dimanche 1er février à Riad Sattouf pour « L’Arabe du futur: une jeunesse au Moyen-Orient (1978-1984) » (éd. Allary), un roman graphique tendre et hilarant sur son enfance entre Paris, la Libye de Kadhafi et la Syrie d’Assad. Par son style simple mais d’une grande puissance expressive, proche du dessin de presse, émaillé de légendes pleines d’humour, Riad Sattouf se situe dans la veine d’une Marjane Satrapi (« Persepolis« ) ou d’un Guy Delisle, qui utilisent le récit décalé pour mieux faire comprendre le réel. Son album, un des succès de l’année 2014, a déjà été tiré à 150.000 exemplaires. Prolifique et éclectique, l’auteur, qui a dessiné pendant dix ans « La Vie secrète des jeunes » dans Charlie Hebdo, a aussi publié de nombreux autres albums, comme « Pascal Brutal » ou « Ma circoncision », et réalisé le film « Les beaux gosses » en 2009.Le festival avait déjà remis jeudi son Grand Prix au célèbre auteur de mangas Katsuhiro Otomo, créateur de la série culte Akira.

Jeudi aussi, un Grand prix spécial a été attribué à Charlie Hebdo, en hommage au journal satirique décimé par l’attentat du 7 janvier. Il a de plus attribué dimanche un nouveau Grand Prix Charlie de la liberté d’expression, qui, pour sa première édition, est revenu aux dessinateurs morts dans l’attaque, Cabu, Wolinski, Charb, Tignous et Honoré. Ce prix récompensera chaque année les auteurs qui se battent pour la liberté d’expression. Voici l’essentiel du reste du palmarès:

Avec Chab, Wolinski, Tignous, Cabu, Honoré, c'est un hommage à toute l'équipe de Charlie Hebdo qui a été rendu (© Pierre Nouvelle).

Avec Chab, Wolinski, Tignous, Cabu, Honoré, c’est un hommage à toute l’équipe de Charlie Hebdo qui a été rendu (© Pierre Nouvelle).

A noter aussi les autres récompenses : – Prix spécial du jury: « Building Stories » de Chris Ware (Delcourt) – Prix de la série: « Lastman », tome 6, de Balak, Mickaël Sanlaville et Bastien Vivès (Casterman) – Prix révélation: « Yekini, le roi des arènes » de Lisa Lugrin et Clément Xavier (Editions Flblb) – Prix du patrimoine: « San Mao, le petit vagabond » de Zhang Leping (Fei) – Prix du public: « Les Vieux fourneaux, Tome 1 – Ceux qui restent » de Wilfrid Lupano et Paul Cauuet (Dargaud) – Fauve Polar SNCF: « Petites coupures à Shioguni » de Florent Chavouet (Philippe Picquier) – Prix jeunesse: « Les Royaumes du Nord, Tome 1 » de Clément Oubrerie et Stéphane Melchior (Gallimard) – Prix de la bande dessinée alternative: « Dérive urbaine » (Une autre image) – Prix jeunes talents: Camille Debray pour « Maman », Cloé Francisci pour « Ballet », Anna Griot pour « Boat People » – Prix révélation blog: Mademoiselle Karensac pour son blog http://blickaboo.blogspot.fr/ – Prix Challenge Digital: Oscar Langevin pour « Moontagne ».

Et le prix du jury œcuménique

En 2015, comme le jury officiel, le jury du prix du jury œcuménique de la BD d’Angoulême, s’est tourné lui aussi vers le monde arabe. C’est 2015 : Amazigh, itinéraires d’hommes libres,de  Mohamed Arejdal et Cédric Liano (Éditions Steinkis, 2014) qui a été honoré. Il prend place dans la liste des primés des années précédentes. Pour rappel,

2004 : Là-Bas, Tronchet & Sibran, Dupuis
Mention spéciale : Afghanistan, Attilio Micheluzzi, Mosquito

2005 : Le Combat ordinaire,( tome 2), Manu Larcenet, Dargaud
Mention spéciale : Le Photographe, Guibert & Lefèvre & Lemercier, Dupuis

2006 : L’Aigle sans orteils, Lax, Dupuis
Mention Spéciale : www.Jésus qui ? L’enquête historique, Brunor, Cerf

2007 : Un Homme est mort, Étienne Davodeau, Futuropolis

2008 : En Tchétchénie, Chroniques du proche étranger, Rash & Tamada, Vertige Graphic
Mention Spéciale : Là où vont nos pères, Shaun Tan, Dargaud

2009 : La fin du monde, Tirabosco & Wazem, Futuropolis

2010 : L’encre du passé Mael et Bauza, Dupuis
Mention Spéciale : Le cœur-enclume, de Jérôme Ruillier, Sarbacane

2011 : Quitter Saïgon, Clément Baloup, La Boîte à bulles, Collection Contre-cœur
Mention Spéciale : Les Chemins de traverse, Maximilien Le Roy et Soulman, La Boîte à bulles, Collection Contre-cœur

2012 : Les larmes de l’assassin, Thierry Murat, Éditions Futuropolis, 2011
Mention Spéciale : Ismahane, Tome 1, Sasha, Christophe Girard, Éditions Les Enfants Rouges, 2011

2013 : Little Joséphine, Raphaël Sarfati et Valérie Villieu, Éditions La Boîte à Bulles, Collection Contre-cœur, septembre 2012
Mention Spéciale : L’enfant cachée, Loïc Dauvillier, Marc Lizano et Greg Salsedo, Éditions du Lombard, janvier 2012

2014 : Ardalén, vent de mémoires, Miguelanxo Prado, Éditions Casterman, 2013
Mention Spéciale : L’Envolée sauvage, Laurent Galandon, Arno Monin et Hamo, Éditions Bamboo, 2013

 

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