« Il y a de quoi bondir », s’indigne Isabelle Bordes, après la « Une » de l’Express du 14 novembre dernier. Journaliste en presse quotidienne et représentante CFDT élue à la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP), elle développe sa réaction.
Le problème n’est pas de parler de l’immigration, ni même de dire qu’elle a des inconvénients (quoique : lesquels ?). Le problème est de laisser accroire, par une image représentant une femme en burqa (et non pas avec un simple foulard, et ni même en boubou) entrant dans une caisse d’allocations familiales, que la problématique se résume à des allocations qui seraient indues !
Pas besoin d’être sémiologue ou journaliste à Arrêt sur image pour comprendre que l’Express drague ici ceux qui pensent que les questions posées par l’immigration se résument à ces « islamistes obscurantistes qui font plein de gosses à leurs femmes et nous piquent les alloc qui devraient revenir aux bons Français « (sic puissance 1000, bien sûr). Il drague une population déjà bien flattée par Sarkozy, Copé et autres héraults de la « droite décomplexée » et qui, lentement mais sûrement, tend à se fâcher avec la république (i.e. liberté, égalité et fraternité).
Bref, avec sa Une, l’Express fait autre chose que son boulot. Le rôle d’un journal, fût-il d’opinion, est d’informer, pas de désinformer. Pas de diffuser clichés et contre-vérités.
Que se passe-t-il au journal fondé par Françoise Giroud et JJSS ? (1)
Car l’Express en est à sa deuxième couverture indigne en un mois de temps. Rappelons-nous, en octobre, le gros titre de Une « Ces femmes qui lui gâchent la vie », qui ressortait du machisme le plus imbécile du genre « ah ! les bobonnes, ce sont elles qui fichent la mouise ». Comme si il n’y avait pas des centaines de fâcheux (euphémisme poli) au PS, bien mâles, qui gâchent la vie à François Hollande. Comme si les messieurs n’étaient pas capables de mettre la planète à feu et à sang…
Pitié, Françoise, reviens !
Isabelle Bordes
(1) Le premier numéro de L’Express paraît le samedi 16 mai 1953 comme supplément hebdomadaire du journal économique Les Echos. Ce journal est créé par deux journalistes : Françoise Giroud alors directrice de la rédaction du magazine Elle et Jean-Jacques Servan-Schreiber (JJSS), ancien éditorialiste au Monde.