Par François Dalla-Riva, journaliste professionnel, carte de presse 49 272
Le 9 juin, les sénateurs prolongeaient le vote des députés et adoptaient la loi sur le renseignement. Malgré une mobilisation des organisations syndicales de journalistes, de magistrats, d’avocats et d’organisations des droits de l’homme et de défense des libertés, ce texte liberticide devrait être adopté définitivement fin juillet. Autant de motifs qui ont poussé les syndicats de journalistes à rencontrer les députés. Manifestement, certains parlementaires sont prêts à les suivre en remettent sur le métier le projet de loi sur la protection des sources.
Une loi sur la protection des sources des journalistes était le 51e engagement du candidat Hollande. C’est donc avec satisfaction que la profession a accueilli l’adoption par le Conseil des ministres du 12 juin 2013 du projet de loi sur la protection des sources. Dans le même esprit, elle participe à la large consultation qu’organise durant tout l’été et l’automne la rapporteure du projet de loi, la député de Rennes, Marie-Anne Chapdelaine.
Espionner plutôt que protéger
Malheureusement, les journalistes vont être douchés à plusieurs reprises puisqu’inscrit aux débats de l’Assemblée nationale du 16 janvier 2014, le projet de loi est retiré et ne reviendra plus à l’ordre du jour. De quoi susciter la colère des syndicats de journalistes qui lancent le 31 juillet 2014 l’Appel du centenaire. Commémorant le 100e anniversaire de l’assassinat de Jean Jaurès, directeur-fondateur de l’Humanité, ils en profitent pour se rappeler aux bons souvenirs du président de la République. La lettre portée l’après-midi même et réclamant une entrevue sera honoré… le 13 décembre. Le 19 janvier suivant, dans la foulée de l’attentat contre Charlie Hebdo, François Hollande célébrant les 70 ans de l’Agence France Presse réitère sa promesse d’une loi sur la protection des sources.
Au printemps 2015, alors que rien ne se profile en la matière, le gouvernement prenant prétexte des menées djihadistes fait adopter en un temps record son projet de loi sur le renseignement. C’en est trop pour les syndicats de journalistes qui reprennent l’offensive. Partie prenante (tout au moins pour le SNJ, le SNJ-CGT et la CFDT-Journalistes) du collectif qui manifeste place de la République à Paris le 8 juin, une délégation intersyndicale CFDT-CGT-CFTC rencontre le lendemain des députés des groupes Front de gauche, EELV, socialiste et des Républicains.
Des députés offensifs
Cette démarche avait pour but de demander de remettre à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale l’examen du projet de loi sur la protection des sources des journalistes. La délégation comprenait Emmanuel Vire et Jean Tortrat (SNJ-CGT), Gilles Pouzin (SJ-CFTC) et Hakima Bounemoura et Jean-François Cullafroz (CFDT-Journalistes). Des contacts sont aussi établis avec Rudy Salles (UDI), membre de la Commission des affaires culturelles.
La députée communiste Marie-George Buffet a suggéré de mettre en place une initiative parlementaire, conjointement avec le député d’Europe Écologie-Les Verts Noël Mamère, afin que ce texte revienne rapidement en discussion à l’Assemblée. Michel Pouzol (socialiste) et Alain Tourret (Radicaux de gauche) devraient être associés à cette initiative.
Pour ces parlementaires de gauche, c’est le texte le plus élargi et le plus proche de la loi belge, tel qu’il est ressorti des travaux de la commission des affaires culturelles qu’il faudra soumettre à la discussion des députés puis des sénateurs. Donc, toute référence à un intérêt supérieur de la Nation devrait être exclue.
Le député de Bègles est un bon connaisseur du monde des médias, de la profession de journaliste et du microcosme politique.Il explique la nécessité d’une réaction des parlementaires pour que vive mieux la démocratie..
Une préoccupation partagées par les Républicains
Christian Kert, député Les Républicains, avait comme ses collègues reçu à l’automne 2013 une délégation de la CFDT.-Journalistes. Sensibilisé sur la,question de liberté de la prese, il s’est, quant, à lui engagé à demander à mobiliser son groupe politique. Le président de son groupe parlementaire, Christian Jacob, devrait porter le sujet de la protection des sources des journalistes lors de la prochaine séance de la Conférence des présidents, le mardi 16 juin.
Si cette proposition ne rencontre pas l’assentiment de ses collègues et notamment des députés de la majorité socialiste, il envisage une autre solution : faire passer l’examen de ce projet de loi dans l’une des « niches » de son groupe parlementaire. Voici le point de vue de Christian Kert, vice-président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale.
Le point de vue de la rapporteure
Mais que dit de tout cela, la parlementaire qui a porté le projet de loi et s’est vu dessaisie de ce sujet ? La député PS Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure du projet de loi, a assuré aux représentants de l’intersyndicale des journalistes qu’elle fera le maximum pour que ce texte revienne très prochainement en débat dans l’hémicycle et soit adopté avant la fin de l’année.
Elle s’emploie à cela dans un dialogue suivi avec le gouvernement. Elle a aussi conseillé aux syndicalistes de continuer à sensibiliser le président de la République, qui avait inscrit la protection des sources des journalistes au nombre de ses engagements (le 21e) et en a fait encore mention le 19 janvier dernier, lors du 70e anniversaire de l’Agence France Presse. Le point de vue plein d’espérance de Marie-Anne Chapdelaine.
En dépit de l’adoption de la loi sur le renseignement par les députés le 5 mai dernier, puis, à une large majorité par les sénateurs ce mardi 9 juin, Marie-George Buffet a invité les syndicalistes à poursuivre la mobilisation contre cette loi qui porte atteinte, entre autres, aux libertés publiques et aux droits des journalistes. En effet, plusieurs restrictions sont apportées à l’exercice du métier et la capacité des services de renseignement et de police pour capter les communications, saisir des documents sera, par exemple, légalisée et renforcée dès son adoption définitive et sa validation par le Conseil constitutionnel. Les propos de la députée Front de gauche Marie-Georges Buffet.
Libérés des préoccupations inhérente à la campagne électorale pour la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels, les six organisations syndicales de journalistes devraient être en mesure de donner un coup d’accélérateur.
Une affaire à suivre et qui ne peut laisser indifférent les citoyens soucieux d’une presse de qualité et qui puisse lever le coin du voile sur des sujets sensibles. Il en va de la capacité des journalistes d’investiguer, et de la démocratie de trouver un nouveau souffle face à une population désabusée en regard de ses responsables politiques.