Par Jean-François Cullafroz, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272, correspondant du Courrier (quotidien de Genève)
» Peut-on librement revendiquer aujourd’hui à Lyon ? « C’est la question que pose le Collectif de Lyon Non à la loi Sécurité globale. La réponse est non. En effet, le rassemblement contre les lois liberticides qui aura lieu ce samedi 13 mars 2021 à 14 heures place Bellecour sera amputé d’une parie musicale, sur injonctions de la préfecture. Retour en quatre actes sur cette censure entre Rhône et Saône tel que l’ont résumé les responsables du collectif lyonnais.
Lundi 1er mars, le Collectif Non à la loi « sécurité globale » déclare cette mobilisation pour le 13 mars. A Lyon, il n’y a pas eu de mobilisation contre la loi Sécurité globale depuis fin janvier.
La Préfecture de région est contactée rapidement pour anticiper toute éventuelle question. Aucun souci a priori : le lieu est « idéal » pour être nassé, comme à l’accoutumée, par les forces de l’ordre et un rassemblement est plus facile à sécuriser qu’une manifestation.
La superficie de la place Bellecour donne l’assurance de pouvoir respecter les gestes barrières. Il s’agit d’une mobilisation uniquement revendicative alternant prises de paroles de la part d’une dizaine d’organisations et intermèdes musicaux avec des artistes comme Le Son du Peuple (Psychostick, Le Peuple de l’Herbe) et Oddateee qui tiennent à manifester leur soutien aux positions que défend la Coordination de Lyon. Leur participation est un soutien aux intervenants artistiques, au moment où le monde de la culture souffre énormément.
D’interdiction en autorisation…
Mardi 9 mars, plus d’une semaine après la déclaration du Collectif, et sans autre échange préalable, un courrier du préfet délégué à la sécurité annonce qu’il envisage d’interdire la manifestation pour des raisons sanitaires. » Nous n’étions pas ignorants de la situation actuelle. Néanmoins, dans le Rhône, le taux d’incidence n’est pas plus élevé qu’en décembre ou janvier et même moins qu’en novembre dernier ou aucune mobilisation n’a ainsi été censurée « , soulignent les responsables du Collectif.
Mercredi 10 mars, changement de discours à la préfecture. Ce sont en fait les intermèdes musicaux qui gênent mais, malgré le courrier, les représentants de l’État assure que l’objectif n’est pas d’interdire la manifestation. » Comme si, dans le contexte sanitaire et sécuritaire actuel, nous avions le cœur à organiser un événement festif ou un bal populaire place Bellecour… », poursuivent-ils.
Y-a-t-il un pilote du maintien de l’ordre à la Préfecture du Rhône ?
Finalement, après explications, nouveau revirement, et la préfecture donne son accord à un rassemblement place Jean Macé. « C’était une relégation, pour être sûr que personne ne nous entende. Et puis, il nous était demandé de ne pas adjoindre de la sonorisation musicale, ni une installation musicale. En quelque sorte, une revendication totalement silencieuse. A part une marche blanche, qui a déjà vu une manifestation sans musique ? « , commentent les opposants à la loi Sécurité globale à Lyon.
Jeudi 11 mars, devant le refus des organisateurs de se plier à autant de changements, la préfecture accepte à nouveau la place Bellecour, mais sans intermèdes musicaux sous peine de verbalisation et (certainement) de saisie de matériel.
Le refus de plier
» Compte-t-elle ainsi nous faire renoncer à revendiquer notre opposition totale à la loi « sécurité globale » ? Peine perdue, nous avons décidé d’être là samedi. Nous pourrons ainsi dénoncer l’arbitraire total des injonctions préfectorales « , ajoutent-ils.
En effet, quelles différences entre ce rassemblement et la manifestation festive et revendicative des commerçants indépendants, le 8 décembre, avec chars, DJ, danse aux lanternes, soupe à l’oignon et vin chaud ? Quelles différences avec les manifestations revendicatives et musicales du monde de la culture et de soutien à La Maskarade encore le week-end dernier ?
Dans la foulée, la préfecture a interdit la retraite aux flambeaux qui avait été déclarée pour le 16 mars. Le jour-même, où le processus parlementaire s’accélèrera avec le débat en séance publique au Sénat de la loi « Sécurité globale ». Pour les opposants à cette loi, » malgré les restrictions et la volonté de nous museler, plus que jamais le combat pour la liberté d’expression continue « .
Intersyndicale journalistes et Ligue des droits de l’homme
A noter qu’à côté d’un grand nombre d’organisations, la Ligue des droits de l’homme et l’Intersyndicale des journalistes CFDT-CGT-FO-SNJ participeront à ce rassemblement et prendront la parole. Elles expliqueront les raison de leur opposition à cette loi depuis novembre 2020.