Reportage de François Dalla-Riva, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272
L’acte 23 des Gilets jaunes a donné lieu à des exactions de casseurs et de certaines personnes portant des Gilets jaunes. Face à un nombre de participant.e.s en baisse, les effectifs des forces de sécurité avaient été mobilisés en conséquence. Les interventions policières, ont pour le moins, manqué de discernement, puisqu’à Paris, comme à Toulouse des journalistes ont été malmenés et arrêtés dans le cadre de leurs reportages. C’est le cas d’Alexis Kraland et Gaspard Glanz. Interpellés tous les deux, Gaspard Glanz passera en justice à l’automne prochain. La réaction des trois principaux syndicats de journalistes a été unanime pour défendre leurs collègues et la liberté de la presse. CFDT-Journalistes, SNJ-CGT et SNJ ont choisi chacun un angle différent pour manifester leurs protestations. Explications.
La liste des journalistes agressés par certains Gilets jaunes, mais aussi malmenés par la police est en train de s’accroître. D’ores et déjà, une trentaine de collègues parisiens ont confié leurs intérêts à un avocat, Me Jérémy Assous. Les motivations sont diverses, qui vont de l’agression verbale et la bousculade au tir de flash ball.
Samedi 20 avril, dans la capitale parisienne, un nouveau pas a été franchi, sous l’œil même de confrères et consœurs qui ont filmé les événements. Des incidents se déroulaient dans d’autres villes de France comme à Toulouse. » Deux ont été touchés par une « grenade de désencerclement », selon leur témoignage ou celui de leur employeur « , rapportait dimanche l’Agence France Presse.
Dans la capitale, » un photographe de l’Agence France Presse s’est pris une grenade lacrymogène dans les jambes et « un coup, hors action » de la part d’un policier, selon le rédacteur en chef photo France Olivier Morin. Une vidéaste de l’AFP a vu sa chaussure prendre feu après le tir d’une grenade de désencerclement. Elle a été prise en charge par des street medics « , poursuivait la même dépêche.
Deux autres journalistes ont été sujets de deux interventions policières. Alexis Kraland et Gaspard Glanz ont été placés en garde à vue, notamment pour « participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations ». Une vidéo diffusée sur youtube montre Gaspard Glanz en train de rechercher le commissaire, responsable des opérations place de la République à paris.
Gaspard Glanz s’est vu remettre lundi une convocation pour être jugé le 18 octobre au tribunal de Paris, a rapporté un de ses avocats, cité par le quotidien 20 minutes..
Il sera jugé pour « outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique », selon Me Raphaël Kempf et le parquet de Paris. D’ici cette date, il a pour interdiction de paraître à Paris tous les samedis et le 1er mai, conformément aux réquisitions du parquet, a indiqué son avocat.
Sur Twitter, Me Kempf a annoncé qu’il allait « contester » cette décision qui « porte atteinte à la liberté de la presse et à celle de travailler », Gaspard Glanz s’étant spécialisé dans la couverture de mouvements sociaux et notamment de celui des « gilets jaunes ».
Trois syndicats de journalistes unanimes
La profession compte six syndicats de journalistes, mais les trois principaux, SNJ, SNJ-CGT et CFDT-Journalistes ont dénoncé ces agissements.
Ils l’ont fait avec d’autant plus de vigueur, que ces interventions policières à l’encontre de la presse, se sont déroulées en contradiction totale avec les assurances données par Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, lors d’un rendez-vous obtenu par les quatre organisations de journalistes (CFDT, CGT, FO et SNJ) après la manifestation du 8 décembre 2018.
Voici les réactions de ces trois organisations syndicales de journalistes
Pour CFDT-Journalistes, l’appel au Défenseur des droits
Samedi 20 avril, plusieurs reporteurs-photographes, cameramen, techniciens parfaitement identifiables ont été pris pour cible par les forces de police, lors de l’acte 23 des Gilets jaunes.
A Paris, ces interventions se sont traduites par l’arrestation de deux collègues, Gaspard Glanz et Alexis Kraland.
Pour la CFDT-journalistes, c’est la liberté de la presse, le libre exercice du métier de journaliste, et plus globalement la démocratie qui sont mises en cause. CFDT-Journalistes proteste contre ces interventions qui sont en contradiction totale avec les assurances données par le ministre de l’Intérieur lors d’un rendez-vous obtenu en commun par la CFDT, le SNJ et le SNJ-CGT.
Elle demande que des enquêtes soient menées en interne par l’inspection générale de la police nationale et que les résultats en soient rendus publics.
Comme pour les précédentes manifestations, et à l’aune des appréciations des syndicats de policiers comme ceux de la CFDT, CFDT-Journalistes s’interroge sur la formation des forces de sécurité et son adéquation avec les missions qui leur sont demandées.
La CFDT-Journalistes réitère sa solidarité avec la vingtaine de journalistes blessés qui a déposé plainte contre les forces de police, dans plusieurs villes, dont Paris. Elle se portera partie civile dans l’action introduite en justice.
CFDT-Journalistes demande aussi aux médias et rédactions qui utilisent le travail de ces collègues employés souvent hors du champ social de prendre aussi position contre l’attitude des forces de sécurité.
CFDT journalistes étudie la possibilité de saisir le Défenseur des droits dans le cadre de ses compétences sur le respect de la déontologie par les professionnels de la sécurité.
Syndicat national des journalistes : respecter la liberté d’informer
« Il y a eu plusieurs interpellations de journalistes et d’autres incidents», a déclaré à l’AFP Vincent Lanier, premier secrétaire national du SNJ, en référence notamment à l’interpellation de deux reporters indépendants à Paris, Gaspard Glanz et Alexis Kraland, rapporte le quotidien Libération.
« On commence à se poser des questions : est-ce qu’il n’y a pas une volonté déterminée d’intimider notamment les photographes sur le terrain ? On a l’impression que certains sont ciblés », a dénoncé Vincent Lanier du SNJ. « Il y a des tensions, c’est vrai, sur le terrain entre des policiers et des photographes, mais de là à interpeller, il y a un gros problème. On est sur une pente très dangereuse par rapport à la liberté d’informer, c’est la liberté de la presse qui est menacée », a-t-il insisté.
SNJ-CGT : les violences policières doivent cesser
Lors de l’acte XXIII du mouvement des Gilets Jaunes samedi 20 avril, la presse et les journalistes ont été particulièrement visés par les forces de l’ordre. Plusieurs confrères ont été blessés dont deux touchés par une grenade de désencerclement à Toulouse et un photographe de l’AFP frappé par un policier.
A Paris l’arrestation d’Alexis Kraland et de Gaspard Glanz est une nouvelle atteinte à la liberté d’informer. En utilisant le délit « de participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations », le pouvoir cherche à intimider les journalistes en les empêchant d’informer les citoyens de ce pays.
Alors que la stratégie de maintien de l’ordre employée par le gouvernement fait de plus en plus débat, le SNJ-CGT dénonce fermement la mise en garde en vue de nos confrères Alexis Kraland (depuis libéré) et Gaspard Glanz et exige la remise en liberté immédiate de ce dernier.
Le SNJ-CGT demande une nouvelle fois à M. Castaner de respecter la liberté de la presse et le travail des journalistes.
Montreuil, le 23 avril 2019