Voici le texte de la pétition que Reporters sans frontières invitait à signer.
» En solidarité avec les salariés d’iTélé, nous demandons à la direction de la chaîne l’adoption d’une charte garantissant l’indépendance éditoriale et la nomination d’un directeur de la rédaction distinct du directeur général. A ces seules conditions les journalistes pourront nous informer sans être soumis à d’insupportables pressions.
Depuis le 17 octobre, la rédaction d’iTélé s’est mise en grève. Le combat des journalistes d’iTélé n’est pas une lutte corporatiste : ce qui est en jeu, c’est le journalisme, un bien commun qui nous permet d’être des citoyens éclairés. L’information ne doit pas se plier à la logique industrielle : elle suppose le respect de l’indépendance et de la déontologie journalistiques.
C’est pourquoi il est essentiel que nous soutenions tous les revendications des personnels d’i télé. »
Après la fin de long conflit social, emblématique de la situation de la presse, le contenu de cette pétition lancée par RSF reste d’actualité.
Gouvernement et syndicats
Pour tenter de faire aboutir les revendications des salariés d’iTélé, les ministres de la Culture et du Travail, Audrey Azoulay et Myriam El Khomri, ont réuni syndicalistes et direction. Dans la foulée, les négociations ont débuté et un protocole d’accord a été soumis au personnel lors de l’assemblée générale quotidienne de la mi-journée de ce mercredi 16 novembre.
L’aboutissement positif de ce plus long conflit social depuis 1968 interpelle les 37 000 journalistes français et tous les salariés des médias écrits, audiovisuels et électroniques. Car au-delà de Vincent Bolloré, c’est bien le contrôle par quelques financiers de l’ensemble de la presse française et la possibilité de mener éthiquement et en toute liberté sa profession dans un souci d’une information de qualité.
Du côté de la CFDT…
Pour la CFDT, « Les salariés de la chaine d’information en continu sont confrontés depuis plusieurs mois à une forte baisse des effectifs qui pèse sur leur travail au quotidien. De leur côté les prestataires de l’ensemble du groupe Canal sont mis sous pression, ce qui a pour conséquence de dégrader la qualité de vie au travail des salariés, toutes sociétés confondues. La ligne éditoriale de la chaine a été cassée. » Est clairement en cause la festion par l’oligarque Vincent Bolloré qui a fait main basse sur le groupe Vivendi-Canal + où il a trouvé i Télé dans ce rachat.
De son côté,le SNJ-CGT, qui demandait au ministère de la Culture la nomination d’un médiateur, réaffirmait son soutien aux journalistes d’i Télé en ces termes : « » Depuis le début du mouvement, la direction ne répond pas aux quatre revendications principales des grévistes : la mise à l’écart de Morandini, la signature d’une charte éthique, la nomination d’un directeur de la rédaction distinct du directeur de la chaîne et l’élaboration d’un projet stratégique et éditorial clair.
Comme seule réponse, les représentants de Bolloré proposent une amélioration des indemnités de départ dans le cadre de la clause de conscience. C’est « ferme-là » ou « casse-toi ». L’attitude de la direction d’iTélé est symbolique de toutes les dérives qui touchent les médias depuis leur asservissement aux puissances financières : mépris affirmé de l’information, de son indépendance, des principes professionnels de la profession, violence inouïe contre les salariés et désinvolture vis-à-vis de l’instance administrative, le CSA.
C’est en cela que la lutte des salariés d’iTélé est exemplaire et concerne toute la profession. Si Bolloré arrive à ses fins, alors ce sera la porte ouverte pour les autres oligarques des médias qui pourront agir avec la même violence « .
Enfin, le Syndicat national des journalistes (SNJ-Solidaires) soulignait que » les journalistes d’i Télé sont l’honneur de la profession « . Ce mouvement de grève » qui entame ainsi sa cinquième semaine, pour réaffirmer que les journalistes ont une conscience et qu’ils entendent la défendre et l’exercer contre les intérêts mercantiles de leur employeur.Pas de plus éclatante illustration de leur responsabilité vis-à-vis des publics, conformément à la Charte d’éthique professionnelle des journalistes : « Le droit du public à une information de qualité, complète, libre, indépendante et pluraliste, rappelé dans la Déclaration des droits de l’homme et la Constitution française, guide le journaliste dans l’exercice de sa mission. Cette responsabilité vis-à-vis du citoyen prime « .
Quelques questions générales sur le public et le syndicalisme
La pétition lancée par reporters sans frontières attendait votre signature de soutien. Au terme de la grève, alors que 50 000 signatures étaient recherchées, l’ONG n’a recueilli que plus de 11 000 pétitionnaires. Quelle information de qualité souhaitent donc les dizaines de millions de téléspectateurs des dizaines de chaînes désormais disponibles sur tous les supports numériques ?
Dans le même temps, si c’est vraiment la qualité de l’information et le libre exercice de le profession de journaliste qui est en jeu, pourquoi alors la solidarité des salariés des différentes formes de presse n’a-elle pas été plus vigoureuse, allant même jusqu’à un mouvement de grève de solidarité ?
Depuis la mise en cause des abattements fiscaux des journalistes à la fin des années 90, la profession n’a pas connu d’actions syndicales nationales durables, alors même que les conditions de travail la multiplication de l’emploi, précaire et les situations des journalistes pigistes n’ont cessé de se dégrader, et que l’emprise des industriels et financiers n’a cessé de se renforcer.
Les organisations syndicales en sont-elles rendues à défendre au coup par coup les salariés, et aux déclarations de tribune pour dénoncer les situations les plus scandaleuses ? Ce qui peut être perçu comme un échec n’est-il pas un nouveau signal d’alarme pour les organisations de journalistes ?