Par Jean-François Cullafroz, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272, correspondant du Courrier (quotidien à Genève).
Avec près de 1 600 spectacles produits par près de 1 100 compagnies en 150 lieux de représentations et pour plus de 30 000 levers de rideau, le 56e festival off Avignon est assurément la manifestation la plus importante en Europe pour le spectacle vivant. Alors, quand contre toute habitude festivalière et journalistique, on n’y fait qu’un saut d’une journée, on ne peut livrer que des coups de cœur. Rencontre avec quatre spectacles et plusieurs artistes et spectateurs.
Place tout d’abord aux jeunes pousses toutes fraichement livrées par les écoles de théâtre, et pour la circonstance le Conservatoire d’art dramatique Henri Dutilleux de Clamart (Hauts-de-Seine). Là où ils ont fait leurs classes autour de Molière, Shakespeare et d’autres auteur.e.s du répertoire classique et contemporain, est née l’idée d’un spectacle et d’une compagnie (La Grande ourse) pour porter le projet.
Une création de Kalinka Bois-Masson : des jeunes jouent pour des enfants…
Depuis début juillet, une troupe de neuf artistes en herbe emmenée par leur metteuse en scène et assistée par une maquilleuse, a pris ses quartiers de juillet dans un maison de la ville. Après une semaine de mise en voix, depuis le 7 juillet jusqu’au 31, chaque jour à 19h25, ils se produisent au Théâtre Al Andalus dans Moon, une création de Kalinka Bois-Masson. Une production interprétée par des jeunes pour un public très divers. Dounia Kouyaté est l’une d’entre eux. Avec sa camarade Maéva, je l’ai rencontrée alors qu’elle tractait au sein même du village de Festival off Avignon.
L’actualité a guidé Irina Lytiak et François Mayet
Le festival Off d’Avignon 2022 est aussi une première pour Irina Lytiak et François Mayet, deux comédiens rhodaniens venus rôder une pièce très personnelle née au printemps 2022.
Ils étaient en train de répéter Un autre homme, la pièce d’un auteur russe habitant Lyon (Rhône), mais l’attaque contre l’Ukraine mit fin à cette entreprise. Impossible pour ces artistes de jouer l’œuvre d’une personne ayant fait le choix du camp russe. Ainsi est née l’idée d’une autre pièce : Ukraine, mon amour.
L’humour pour accompagner la pédagogie historique
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, Irina Lytiak n’arrêtait d’être interrogée par des ami.e.s sur les relations entre les deux pays et les deux peuples. D’où la réponse à ces questions sous la forme d’une pièce d’une heure écrite à quatre mains en une dizaine de jours.
Ukraine, mon amour, évoque tout à la fois l’histoire de ces nations et leurs identités par le prisme des langues. Malgré la tragédie qui se noue, comme en terre ukrainienne, l’humour est de mise dans la salle. A Avignon, dans la salle Julie Drouet du théâtre de la Conditions des soies, on rit beaucoup et les applaudissements fusent au terme de la représentation.
Après la seconde représentation de cette pièce, lundi 18 juillet 2022, François Mayet est revenu sur l’histoire de ce spectacle et sur son propre et récent parcours de comédien mais aussi de directeur de salle à Lyon.
Après le chaos, l’histoire d’une mère…
Innovation aussi pour Véronique Augereau, qui joue pour la première fois de sa carrière joue sur une scène avignonnaise. Comédienne professionnelle depuis sa sortie du conservatoire de Rouen, puis du cours Florent et de l’Ensatt, cette angevine mène notamment un beau parcours d’actrice; spécialisée dans le doublage de films.
Sa complicité avec Élisabeth Gentet-Ravasco l’a conduit à interpréter sa pièce Après le chaos, une œuvre directement liée au drame du Bataclan. Un attentat qui faisait doublement écho à la vie de l’autrice et de l’interprète.
Véronique Augereau se confie sur son parcours, son rapport au drame du Bataclan et l’histoire d’une mère qui découvre que son fils est un terroriste.
Pierrette Dupoyet est vraisemblablement la doyenne en termes de participation au festival off d’Avignon. Elle a réduit la voilure en nombre de spectacles présentés (passant de trois à deux chaque jour), mais incarne avec la même fouge, le même enthousiasme et un incroyable talent les personnages dont elle écrit l’histoire.
Fraternité, liberté, solidarité et amitié…
C’est le cas des femmes victimes de violences conjugales comme celui de Joséphine Baker pour laquelle elle a contribué à son entrée au Panthéon. la chanteuse et grande résistante reste en coulisse et c’est une employée d’une officine d’huissiers qui évoque son parcours, au fil d’un dialogue imaginaire, de costumes de scène, de photos et médailles de guerre et de pochettes de disques…
Pierrette Dupoyet anime à croquer le portrait et narrer l’histoire de personnes qu’elle aime. La comédienne parisienne, née à l’art dramatique en terre lyonnaise, transpire la fraternité, le souci de justice, la solidarité et l’égalité. En quelque sorte, elle nous réconcilié avec l’humanité !
Au fil de cinq décennies entre cour et jardin, Pierrette Dupoyet a généré un ensemble de fidèles qui n’hésitent pas à braver le bitume et le soleil pour venir applaudir à ses nouveaux exploits artistiques. C’est le cas de Dany et Martine venues de Muret (Haute-Garonne). Elles ont quitté la banlieue toulousaine pour se réfugier pour quelques jours en Avignon. Elles témoignent.
Une tragédie grecque très actuelle
Et pour conclure, revenons à l’origine du théâtre grec avec Iphigénie, dans une mise en scène de Serco Aghian, à partir d’un texte de Jean-René Lemoine.
Pascale Hertzberg tractait à la porte de la Condition des soies pour le compte Présence pasteur, un lieu animé par le Théâtre de l’Espoir. Elle présente cette tragédie grecque qui n’est pas sans rapport avec l’actualité.
On peut retrouver les spectacles :
Moon, Compagnie La Grande ourse, au Théâtre Al Andalus, 25 rue Amphoux, chaque jour (sauf mardi) à 19h25 (07 67 44 14 97)
Ukraine, mon amour, Irina lytiak et François Mayet, La Condition des soies, 13 rue de la Croix, lundi 25 juillet, 11 heures, (04 90 22 48 43)
Après le chaos, Véronique Augereau, Théâtre des Barriques, 8 rue Ledru Rollin, chaque jour (sauf mardi), 18h25, (04 13 66 36 52)
Joséphine Baker, j’ai un pli pour vous, Pierrette Dupoyet, Théâtre la Luna, 1 rue Séverine, chaque jour 16h15 (04 90 82 40 33)
et aussi
Acquittez là, Violences conjugales, Théâtre Buffon, 18 rue Buffon, chaque jour 11h10, (04 90 27 36 89)
Iphigénie, Présence Pasteur, 13 rue du Pont Trouca, chaque jour (sauf dimanche) 21h20, (04 32 74 18 54 et 06 32 74 21 85)
(à suivre)
Notre prochain article :
Festival Off Avignon 2022 (2) : des pépites à découvrir