Par Jean-François Cullafroz-Dalla-Riva, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272, correspondant du Courrier (quotidien à Genève).
Samedi 29 juillet 2023, au dernier jour de la 57e édition du festival off d’Avignon, j’ai découvert Tom Corradini et sa complice Golden Din Din, unis dans Mussolini et Petto o coscia, deux spectacles aussi différents que complémentaires. Rencontre avec les acteur-trice.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Tom Corradini et Golden Din Din font preuve d’un grand sens de l’accueil. Prendre le temps de répondre à un entretien au dernier jour du festival off d’Avignon 2023, et à quelques minutes de leur ultime représentation, voilà qui mérite d’emblée d’être salué !
80 ans après la chute du Duce
Tom Corradini tourne depuis plusieurs années, et dans le monde entier, la pièce qu’il a écrite sur le Duce. Un spectacle particulièrement bienvenu cette année, quatre-vingts ans après la chute du dictateur, et alors que se déploie depuis un an bientôt, le gouvernement post-fasciste de Giorgia Meloni, dont plusieurs de ses membres ne renient en rien leur héritage.
Pour le journaliste que je suis, petit-fils d’un immigré italien, chassé de son village de Vénétie par les Chemises noires, ce spectacle revêtait beaucoup d’importance, et je n’ai pas été déçu, bien au contraire, par le jeu théâtral et la mise en scène de Tom Corradini.
Ce seul-en-scène débute dans une chambre où Benito Mussolini vit ses derniers instants de liberté comme dictateur. Une table, une chaise, un pupitre et un violon…
Mimiques et burlesques pour lever un coin du voile
Voilà vingt ans que les Chemises noires font régner la terreur en Italie… « Charogne », « parasite », éructe Alors que les armées alliées ont débarqué en Sicile, le dictateur est abandonné par ses proches, son gendre, le comte Ciano, le Comité fasciste, le maréchal Badoglio, et par le roi Victor-Emmanuel III, qui a collaboré jusque là avec les fascistes. Mussolini peste contre les « traitres », et se remémore les années où la foule l’adulaient, emportées par ses discours tissés de mots suggestifs : patrie, courage, sang, prestige perdu, honneur, croire, obéir, susciter la foi…
Tom Corradini, dans des mimiques évocatrices, livre les souvenirs d’enfance du futur « conducator », le papa le conduisant aux réunions socialistes et la mama veillant sur lui. Autant de doux moments qui tranchent avec la hargne de Mussolini contre Hitler, et les échanges épistolaires de Churchill et Roosevelt, traduisant leurs palinodies, témoignges de la peur des « Rouges ».
Golden Din Din et Petto o coscia
Alors que Tom Corradini officie seul sur le plateau, dans la coulisse, Golden Din Din opère au pupitre son et lumières. Ils ont entamé leur route artistique commun il y a quelques années. En 2022, Golden Din Din est venu pour la première fois présenter en Avignon Petto o coscia. Tous deux livraient leurs impressions.
Comme Tom Corradini, Golden Din Din cultive le burlesque et la caricature. Dans ce spectacle écrit par son mentor, elle fait montre de sa palette artistique. Le chant prend sa part, et en bon italien du nord, Corradini sait allier amour la bonne chère et le sexe.
Tom Corradini est un voyageur infatigable qui diffuse pendant six mois de l’année ses pièces de théâtre d’Europe en Australie, en Corée ou au Vietnam, consacrant le semestre suivant à la botte italienne, .
Quel chemin parcouru par ce natif de Cinzano près de Turin, depuis son métier d’ingénieur, artiste professionnel depuis une quinzaine d’années, mettant sa fibre multilingue au service de ses écrits, pour des courts-métrages de cinéma comme pour des pièces de théâtre, souvent ancrées dans l’actualité, du Brexit au crash bancaire de la banque Lehman Brothers, en passant par les rappels historiques comme Grand Consiglio.
Tom Corradini sera à Munster à l’automne avant de retrouver des festivals et des rencontres avec des lycéens. Car Tom Corradini se veut pédagogue, et c’est dans cet esprit qu’avec Golden Din Din, il a rédigé un guide anglophone pour les compagnies de théâtre qui viennent en Avignon.
(à suivre)
Notre prochain article :
Festival d’Avignon off (5) : Entre La Luna et l’Arrache-cœur, les salles pendant l’année dans la Cité des papes