Reportage de François Dalla-Riva, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272
Cinq jours après le festival officiel, Avignon off 2018 fermera ses portes demain dimanche 29 juillet. A vous de faire votre choix dans la multitude des propositions artistiques. Si vous êtes de passage dans la Cité des papes, n’hésitez plus. Théâtre, danse chant, poésie, arts du cirque, mime, la palette est largement ouverte et peut répondre à vos envies les plus diversifiés. Survol rapide et focus sur quatre coups de cœur avec cinq artistes femmes et deux hommes entre le théâtre Al Andalus, les Espaces Alya, Buffon et Saint-Martial, la Luna et le théâtre Albatros.
A chaque carrefour, le long de nombreux étendages de rue, sur des pans entiers de murs, à la porte des dizaines de théâtres permanents ou temporaires le temps d’un mois de juillet, les suggestions abondent, renforcées par les tracts, parades …
Les thèmes les plus divers sont mis en relief. Au plus près de la gare SNCF, à côté du marché des bouquinistes, c’est le sujet de la sexualité qui est d’abord mis en exergue.
Les faits sociaux, actuels ou inscrits dans l’histoire, constituent aussi la trame de la création artistique. Et Avignon, vitrine internationale du théâtre, n’y échappe pas, dans le festival in comme son homologue off.
Immigration, frontières, fraternité, luttes sociales, moments marquants telles les révolutions de 1848, ou personnalités comme Louise Michel, Karl Marx, ou Simone Veil sont bel et bien présents.
Les auteurs, écrivains du répertoire classique ou du théâtre contemporain, poètes tels Robert Desnos ou Guillaume Apollinaire, interprètes comme Barbara ou Boris Vian font aussi les beaux jours de la programmation.
Place aux coups de cœur
Les questions, récurrentes comme celle du rapport aux autres et de la différence en général, ou des Tsiganes en particulier, ou , et plus ponctuelles dé décisions politiques comme le Brexit, orne aussi le vivier du festival off 2018.
Après ce survol rapide et général, place à quatre coups de cœur que je vous livre.
Pierrette, en goguette !
Chapeau bas tout d’abord, à une ancienne connaissance, dont j’ai vu les premiers pas sur les planches dans une ancienne salle paroissiale lyonnaise de cinéma du quartier de la Guillotière. Pierrette Dupoyet débutait en art dramatique sous la houlette de Gilbert Léautier. Dans un texte de cet adepte de Roger Planchon, elle incarnait la jacassière. C’était en 1967, et depuis la comédienne et metteuse en scène n’a pas arrêté de mettre en œuvre le rêve exprimé dès l’âge de sept ans pui au lycée lyonnais Juliette Récamier.
En Avignon, off comme in, elle est la doyenne, et Vaucluse matin a tenu à lui rendre hommage.pour sa marathon quotidien entre les personnages de Jacqueline Auriol, la femme-pilote, d’Apollinaire et les membres de l’orchestre en sursis du camp d’extermination d’Auschwitz.
Le féminisme et l’antisémitisme, mâtinés de poésie, telles sont les couleurs de l’arc dramatique que tend Pierrette Dupoyet au fil de quatre spectacles, qui de 11h35 au Théâtre Buffon se clôt vers après qu’elle se soit produite passée par L’Albatros (14h30) et la Luna (17h45). A noter aussi son texte sur Gelsomina, l’héroïne de La Strada, interprétée par Marie-Josèphe Susini à l’Espace Alya à 17h45.
Vous n’aurez que l’embarras du choix. Il ne vous reste que quelques heures pour saisir un des one-woman show de Pierrette Dupoyet dans une des salles obscures et loin de la touffeur extérieure.
Pour vous mettre l’eau la bouche; voici un court extrait de son spectacle sur Georges Sand présenté en 2017 au festival off d’Avignon
Coup de cœur aussi pour Marie-Joséphine Susini, qui interprète Gelsomina pour la seconde année au festival off d’Avignon, dans un texte de Pierrette Dupoyet. Extrait de son spectacle capté par Thomas Giovannetti
A l’aune de Tchekhov, un show solitaire et un duo
Le festival d’Avignon off 2018 vit aussi au diapason d’Anton Tchekhov et de la littérature russe. Ainsi, la compagnie grenobloise le Bateau de papier a-t-elle investi le théâtre Al Andalus où je vous incite à apprécier deux de ses spectacles, parmi d’autres productions consacrées à Tchekhov.
Myriam Courbet comédienne et musicienne
Au théâtre Al Andalus, avec Rutabaga, c’est une heure drolatique que vous êtes invités à passer en compagnie de vos enfants. Myriam Courbet raconte une belle histoire tirée du patrimoine littéraire russe qui fait écho à la tradition internationale. Au cœur de cette histoire et de la narration qu’elle en fait, la comédienne déflore ses talents de musicienne, sortie du Conservatoire régional de musique de Grenoble. Tour à tour grand père, babouchka puis leur petite fille Anouchka, et sa cohorte d’animaux domestiques (chien, chat et petite souris), il tente de tirer de la rude terre un gros rutabaga. Myriam Courbet ponctue le récit d’airs avec des instruments du patrimoine russe : flûtes, balalaïka, accordéon, percussions…
Rutabaga, petite perle mise en lumière par le comédien et metteur en scène Cyril Griot, est un espace de poésie et de charme où les enfants sont mis à contribution et où les parents en particulier en général prennent plaisir au théâtre adapté pour les plus petits. le théâtre est un, et le talent sait en emprunter les formes multiples.
Extrait de ce spectacle très jouissif.
Cyril Griot et Eléna Shkurpelo revisitent Tchekhov
De Tchekhov, on connait les grande pièces : La Mouette, Oncle Vania, Les Trois sœurs ou La Cerisaie. Moins jouée que Platonov, Les Méfaits du tabac est aussi une œuvre du début de la carrière du poète et écrivain russe. Mis en scène par l’artiste moscovite Nika Kosenkova, il s’agit d’un duo tout à la fois littéraire et linguistique.
Théâtral car Elena Shkurpelo et Cyril Griot n’en finissent pas de mettre à nu la vie d’un couple, en usant dans le même temps des idiomes russe et français. Un duo de choc pour aller de la gloire à la destruction d’un parcours humain sur fond de gestion d’une école d’arts. L’épouse adorée s’est muée en une vieille » avare, sotte et mesquine « . Quant au beau professeur, qui enseigne aussi bien les mathématiques, l’histoire-géographie que le solfège, il s’est transformé en » un épouvantail et un Satan « .
La mue est radicale au fil d’une heure d’interprétation où les rôles et les langues se mêlent sans confusion. Ce qui vaut à cette mise en scène de pourvoir être appréciée en France comme en terre russe.
Fréquentant depuis un quart de siècle la Russie, Cyril Griot peut ainsi faire tourner cette production, dont le clown hilare qu’il fut jongle avec l’art consommé de la séduction de sa partenaire Elena Shkurpelo.
Une heure délicieuse que vous pouvez découvrir encore demain dimanche 29 juillet 2018. Plongée au cœur du spectacle Les méfaits du tabac.
La migration, une tragédie quotidienne
Plusieurs productions présentées au festival Avignon off 2018 traitent des étranges étrangers qui arrivent sur notre territoire. Parmi celles-ci, nous avons retenu la pièce De Pékin à Lampedusa écrite et mise en scène par Gilbert Ponté qui termine sa prestation à l’Espace Saint-Martial..
Habitué des plateau de théâtre depuis quatre décennies, cet acteur et metteur en scène donne l’occasion à Malyka R. Johany d’interpréter avec fièvre et passion le rôle de Samia Ozuf Omar. Cette jeune somalienne, qui a vécu passion et souffrance de la piste olympique des JO de 2008 rêvait de porter le maillot d’une équipe d’un pays européen en 2012 à Londres. Il n’en sera rien puisque l’épopée de Samia se terminera dans un canot pneumatique en perdition dans la Méditerranée.
Malyka R. Johany interprète à merveille le destin de cette jeune fille, dont le destin tragique consonne un tant soit peu avec la migration de sa propre famille. Malyka joue, mais aussi chante des mélodies somaliennes, et c’est un vrai bonheur !
La pièce s’ouvre sur le tombeau de Samia, la méditerranée ensoleillée, comme au crépuscule d’une vie. Extrait.
Durant l’année, vous pourrez retrouver les prestations artistiques de Pierrette Dupoyet, Myriam Courbet, Elena Shkupelo et Cyril Griot, via les sites internet de la Compagnie des vents apprivoisés et du Bateau de papier.
Compagnie des vents apprivoisés : Pierrette Dupoyet – http://www.pierrette-dupoyet.com et 36 rue de la Clef – 75005 Paris (01 43 36 07 30 et pdupoyet@wanadoo.fr)
La Birba Cie : Gilbert Ponté : http://www.labirba.net/ et 11 rue du Chêne – 08140 Francheval (06 84 08 36 50 et gilbert.ponte@outlook.com)