Reportage de François Dalla-Riva, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272
De Pékin à Lampedusa, c’est le drame de la migration. Une pièce est voir avant le 29 juillet, date de fin du festival off d’Avignon, et ensuite au fil de la tournée qui suivra dans l’Hexagone et au théâtre parisien Essaïon, dans les prochains mois. L’Espace Saint-Martial est un lieu d’accueil à connaître. Ici, les spectacles engagés constituent l’affiche. De Pékin à Lampedusa fait vivre le combat et l’aventure d’une jeune athlète somalienne qui périra, comme beaucoup des centaines d’autres Africains au milieu de la Méditerranée. Reportage et entretiens avec spectatrices, actrice et metteur en scène.
Avignon in, le 72e festival officiel a donné son clap de fin le 24 juillet 2018 avec son affiche riche de 50 propositions artistiques concoctées par Olivier Py. Pour autant, le festival off poursuit sa route jusqu’à ce dimanche 29 juillet.
Le temple Saint-Martial est un ancien site clunisien, classé au titre des monuments historiques. Avec un peu moins de 50 places par salle, ce temple est devenu un espace théâtral en 2007. Cette année, il programme une quinzaine de spectacles par jour. A l’affiche, des œuvres qui traitent de questions d’actualité : l’immigration, l’antisémitisme, la Shoah…
La récente épopée de l’Aquarius en Méditerranée a mis en lumière avec acuité le farouche désir d’émigrer exprimée par des populations africaines, soumis à la misère, à la guerre ou aux violences constitutives de régimes politiques autoritaires. Ainsi en va-t-il de la pièce De Pékin à Lampedusa, montée par Gilbert Ponté, à partir du récit d’une écrivaine italo- somalienne Agiaba Scego.
A la sortie d’une représentation; où l’on est constamment tenu en haleine, rivé aux lèvres de la narratrice, deux spectatrices témoignent de la petite pépite qu’elles ont découvertes, même si elle connaissait déjà e talent de Gilbert Conté, le metteur en scène.
L’immigration vécue de l’intérieur
Gilbert Ponté est comédien et metteur en scène depuis plus de quatre décennies. La vie quotidienne des gens a toujours constitué la toile de fond de son travail artistique. C’est ainsi qu’avec la Birba Cie il approche les textes, souvent des récits de vie; telle la narration écrite par Iagiaba Scego dans Pubblico, un blog italien.
Souffrance, torture sont au centre l’aventure de cette jeune fille de Mogadiscio, qui obtient du gouvernement somalien de participer aux Jeux Olympiques de Pékin pour courir le 200 mères, à peine âgée de 14 ans.
On vibre dans la chambre d’appel où, pendant plus d’une demi-heure, les reines du stade ne se parlent pas. On se tend sur la piste jusqu’au passage de la ligne d’arrivée. L’effort est extrême, mais la passion nous emporte. Une tranche de vie où la passion l’emporte
Un parcours plein de promesses
Malyka R. Johany vit littéralement l’aventure dramatique d’une jeune fille somalienne qui parvient à participer aux Jeux olympiques de Pékin, à force de travail sur soi, de force de conviction, d’abnégation pour racheter la mort de son père, assassiné par les chebabs islamistes. Une préparation sur un stade vétuste, avec pour entraineur un coach de fortune, mise en forme exigeante qu’elle effectue après s’être occupée de ses cinq sœurs et frères afin de décharger le travail que sa maman effectue dans l’épicerie familiale.
» Samia ne véhiculait que son propre rêve celui de s’épanouir comme athlète. Ce rêve innocent et fébrile est incarné par une jeune comédienne Malyka R.Johany d’une grâce et d’une fraicheur saisissantes « , a écrit d’elle Evelyne Trân.
Son combat d’athlète avait pour moteur le rêve du dépassement. C’est cette même utopie qui l’a guidée jusqu’à Tripoli, ayant vécu le racket, la faim et le viol, avant d’être livrée avec beaucoup à des passeurs et leurs embarcations-corbillards.
Sur scène, le jeu d’acteur de Malyka R. Johany est aussi une belle épreuve où la voix (parlée et chantée) est à l’aune du corps. Comme si elle revisitait le propre parcours de sa famille, qui, du Bénin au Maroc, a choisi de se poser en France. Malyka rêvait de théâtre, et depuis plus dix ans l’art dramatique constitue son souffle quotidien. Avec des détours par le chant sous le label Warner Music France et la comédie musicale improvisée de Florian Bartsch.
Samia, qu’incarne avec brio Malyka R. Johany est morte à Lampêdusa, après avoir été recueilli dans le coma sur un canot à la dérive dans la Méditerranée. C’était en 2012 et, après Pékin, elle avait rêvé concourir aux JO de Londres, sous les couleurs d’une équipe d’un pays européen.
Du classique au contemporain : l’élan vital
Si Dario Fo est quelque part le maître es théâtre de Gilbert Ponté, et s’il emprunte à ses adaptations, ce comédien et metteur en scène enracine sa pratique artistique dans son propre vécu.D’ailleurs, il a écrit et porté à la scène une trilogie inspirée de sa propre vie.
Fils d’immigré italien qui a passé clandestinement la frontière à la fin des années quarante, il revendique ses origines populaires. celle d’un fils de maçon venu participer à la construction des barrages. Gilbert Ponté met en avant la quête de justice, la lutte contre tous les enfermements comme ceux que vit successivement la jeune somalienne.
Entre théâtre contemporain et pièces classiques, il accomplit son parcours avec passion et rigueur, comme celle que lui inspire la facture classique du répertoire, tout comme la geste débridée des œuvres plus modernes.
Au sortir d’une représentation, devant la chaire du pasteur, Gilbert Ponté s’est livré.
On ne serait pas fidèle à l’émotion ressentie durant le one-woman show de plus d’une heure de Malika R. Johany, si l’on ne précisait pas que les sensations éprouvées tiennent pour beaucoup au jeu des éclairages que met en œuvre Kosta Asmanis, un vieux complice de Gilbert Ponté, chef des lumières ici mais aussi comédien ailleurs. A souligner aussi les drapés d’Anne-Marie Molénat, par ailleurs artiste-peintre, dont se pare l’adolescente de Mogadiscio.
Si vous n’avez pu voir De Pékin à Lampedusa dans le cadre du festival d’Avignon off 2018, pas de panique ! Le spectacle part en tournée durant la saison prochaine, à Tarare (Rhône), Troyes (Aube), en région Champagne-Ardenne où la Birba Cie a installé son siège, ou du 27 août 2018 au 9 janvier 2019 à Paris au théâtre Essaion, lieu favori du metteur en scène.
Renseignements : Birba Cie (06 84 08 36 50 et elodie.kugelmann@wanadoo.fr)