Par Jean-François Cullafroz, journaliste honoraire carte de presse 49 272
Eh bien, c’est fait ! Mercredi, le nouveau Charlie, n° 1179, tout rouge était dans les kiosques. La nouvelle équipe dirigée par le dessinateur Luz a assuré. Bravo, continuez ! pour un journaliste, tout média digne de ce nom est un espace de plus pour la liberté d’expression. Dans la fouée de la vente du numéro du 25 février, point de vue et interview avec un étudiant.
On l’attendait, il est paru à la date annoncée : 25 février, n° 1179, prix : 3 €, et une meute hurlante mitrée, bleumarinéesque et armée de bastons aux fesses de notre petit toutou emportant Charlie dans sa gueule « ouverte » ! Et je peux vous le dire, à Ampuis (Rhône), mon kiosquier est très content. Avant le 7 janvier, il ne vendait que 2 à 3 exemplaires chaque semaine dans son petit village du vignoble septentrional de la vallée du Rhône. Et après l’ignoble attentat, il est passé à 300. Jour après jour, on n’a pas arrêté de lui en demander. Et quand les lecteurs ont su que Charlie reparaîtrait le 27 février, les demandes se sont alors fait connaître. Mercredi, il en avait 30, ils sont tous partis dans la matinée, puis 15 à nouveau les deux jours suivants. Et on le supplie encore !
Bien sûr, il en a entendu des vertes et des pas mures, mais c’est bien le lot des commerçants d’accueillir toutes les humeurs du monde ! Et entre l’achat d’un paquet de cigarettes et un jeu à grattage ou tirage, les réflexions fusent vite. Il en aurait de quoi emplir toute sa vitrine qu’il décore régulièrement selon l’actualité. Mais, il encaisse sans broncher et son collier de barbe sur sa haute stature de rugbyman ne frise même pas ! Il est si content de voir que des habitants du coin, ou des passagers de la départementale 86, qui avaient déserté sa boutique, ont enfin retrouvé le chemin des présentoirs. Car il me l’a confirmé, après les 7-8 et 9 janvier et le mouvement citoyen qui a suivi le 11, l’appétit pour le papier et les nouvelles s’est à nouveau aiguisé.
Tant mieux et pourvu que cela dure.
Mais pour cela; il faudra que les propriétaires de journaux changent de cap, tout au moins ceux qui, pour certains, ont pris l’habitude de croire qu’ils diffusaient leurs titres comme on vend des savonnettes. Quand aux directeurs de journaux, il leur faudra faire preuve de courage, et mes collègues journalistes, d’une bonne dose de témérité pour enfin faire vivre l’investigation, y compris dans les colonnes de la presse régionale.
Soyez-en assurés, vous n’êtes pas tout seuls; D’ailleurs le 13 mars prochain,vous êtes conviés à Paris au Conseil économique et sociale. Les assises internationales du journalisme et de l’information tiennent une édition spéciale consacré à la responsabilité des journalistes dans cette nouvelle vie professionnelle dans l’après Charlie du 7 janvier.
A bon entendeur !
En attendant du côté des lecteurs, cela gamberge encore. Un de mes voisins, à la lecture du numéro de mercredi était tout esbaudi « ils sont plus apaisés. rien de grossier. On dirait qu’ils ont mis de l’eau dans leur vin ». Dans la bouche d’un amateur de côte rôtie mélanger l’eau du ciel et le breuvage de Bacchus, on friserait le sacrilège, pis même le blasphème ! De fait, lui qui se délecte du Canard enchaîné jusque dans les toilettes, il a savouré les chroniques et quelques portraits bien sentis. Un dessin de la grande Catherine ou le billet de Caroline Fourest, sans oublier angélique, Solène, Zineb….
Heureusement qu’elles sont là les femmes pour assurer, car du côté hommes, la rédaction a été décimée. Même si de vaillants petits soldats, comme l’urgentiste Patrick Pelloux, ou Fabrice Nicolino, depuis son lit d’hôpital, ont encore de la ressource. « Je t’avoue être en petite forme, mais le printemps arrive, je le sens dans l’air… » m’écrivait-il tantôt dans un courriel rédigé depuis sa chambre cet après midi.
Alors, écoutez la réaction de Thierry Gallet, élève-ingénieur en classe terminale à l’Ecole centrale de Lyon, qui habite le petit village vigneron d‘Ampuis. Bien sûr, comme jeune et comme étudiant, il n’a pas été insensible à l’attentat meurtrier dont a été victime Charlie Hebdo. Mais il réagit aussi au climat général en France et sur le nécessaire discrenement à garder en regard de l’information. Ecoutez sa réaction devant la caméra de François Dalla-Riva.
Et puis après cela, si ce n’est déjà fait, n’oubliez pas de vous abonner !
Post-Scriptum :
Au moment où je boucle ce long billet, un ami de la télé Euronews basé à Lyon, quartier de la Confluence, m’apprend qu’un entrepreneur égyptien » Naguib Sawiris, s’apprète à racheter 53% d’Euronews. Très connu en Italie, où il avait racheté le troisième opérateur de telephonie mobile pour la revendre ensuite criblée de dettes, il est un grand spéculateur, mais on me dit qu’il s’est emporté correctement en tant qu’éditeur, dans une chaîne de télé qu’il a contrôlé pendant quelques années. »
Sachez d’ores et déjà que c’est aussi la troisième fortune africaine et la 310e au rang mondial. Alors, comme conclut mon confrère journaliste et syndicaliste : « On verra… » !
Combien de subventions publiques pour cette télévision privée, depuis sa création en 92 ? Etat, Région, ville de Lyon, Grand Lyon…
L’argent public englouti dans ce long fiasco économique sera-t-il remboursé par une chaîne commerciale …qui a toujours su habilement jouer de l’ambiguïté « européenne » pour faire croire qu’elle relevait d’une sorte de « service public européen » ? ..
Quand, depuis sa naissance, à jet continu, elle ne diffuse qu’un récurrent salmigondiis, recyclage d’images des autres chaînes europeenes, au ton et contenus plus libéraux que l’équipe entourant Juncker aujourd’hui…
Gérard