Les Roms ne sont pas absents de la bande dessinée la plus classique. Hergé leur avait accordé une place de choix, sous le nom de « Romanichels », dans Les bijoux de la Castafiore, avec une évolution du capitaine Haddock très révélatrice ; plus tôt, il les avait aussi mis en scène de façon sympathique dans le double épisode du Stratonef H. 22, des Aventures de Jo, Zette et Jocko. Mais il faut reconnaître qu’on ne les rencontre guère ailleurs, sauf dans quelques histoires assez récentes.
Voilà pourquoi on peut apprécier le travail aujourd’hui présenté par Michaël Le Galli et Arnaud Bétend. Le second, issu de l’École Émile Cohl de Lyon, a mis en images le scénario imaginé par le premier, qui publie déjà depuis une dizaine d’années et que sa formation d’ethnologue pousse naturellement à décrypter la société contemporaine en sachant aller au-delà des mythes romantiques comme celui de la « gitane ». Mais, cette fois, il plonge dans l’Histoire, puisqu’on remonte quelque 70 ans en arrière dans le contexte dela Bohême passée sous le joug nazi. Le retour dans le passé est d’ailleurs accentué par les couleurs sépia qui donnent à cette histoire tragique le vernis du passé.
Entre un Breton et un Lyonnais
Reconnaissant des influences multiples, à commencer par celles de Tintin, dans lesquelles il a baigné dès l’âge de 2-3 ans, Arnaud Bétend revendique toutes sortes de sources : il se voit un peu comme un constructeur de meccano assemblant toutes ses pièces — dont certaines proviennent des comics américains. Son travail a duré quatre ans, alimenté par de nombreuses discussions avec Michaël Le Galli afin d’arriver à une certain esthétisme qui élimine tout voyeurisme, d’où, peut-être, un expressionisme directement inspiré par les années 30 dans des jeux d’ombres et de lumières ne répugnant pas aux éclairs, aux feux et aux clartés lunaires.
Mais celles-ci sont souvent zébrées de balles, qui rappellent constamment la mort à laquelle sont promis les Roms, à commencer par les enfants recherchés pour des expériences pseudo-médicales. Un dossier en plusieurs pages achève d’ailleurs l’album, accompagné d’une présentation à la fois historique et actuelle de leur situatio