Reportage de François Dalla(Riva, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272, correspondant en Rhône-Alpes du quotidien Le Courrier (Genève)
Mercredi 25 octobre 2017, le film Des Bobines et des hommes apparait sur les écrans. Lundi 23 octobre, deux jours avant la sortie nationale, le cinéma lyonnais Comoedia organisait. Au cours de cette soirée, où la CFDT Lyon-Rhône était partenaire, la réalisatrice Charlotte Pouch a dialogué avec le public, et notamment avec des militant.e.s. Au cœur de ce documentaire tourné en 2014, l’histoire d’une équipe de salariés soudés jusqu’à la fermeture de l’usine Bel Maille, une entreprise textile de Riorges, dans la région de Roanne (Loire). Charlotte Pouch a raconté son compagnonnage de quatre ans avec les salariés de Bel Maille. Récit et extraits de la soirée.
En ce mardi 24 octobre 2017 à 20 heures, ma consœur Anne-Sophie Lapix ouvre le journal du soir de France 2. Premier des sujets abordés, la baisse du chômage et la diminution des faillites d’entreprises. Une baisse de 1,8 % et 64 800 demandeurs d’emploi en moins. Si cette annonce est à accueillir avec précaution, une chose est avérée : ma disparition d’entreprises est moins importante, au nombre de 10 800 pour le troisième trimestre 2017, soit 600 de moins que l’an passé à la même époque . Et cerise sur le gâteau, des usines cherchent des salariés !
La fiction a doublement rejoint la réalité
Le secteur de l’Habillement est en demande de personnel, comme dans le textile des Vosges, dans la région de Gérardmer. Les salariés de l’usine Bel maille à Riorges (Loire) aurait bien aimé connaître un tel sort. Mais ne une décennie, et sous les menées d’un patron « voyou » (selon la presse locale), cette entreprise jadis familiale a été conduite à la liquidation, après une reprise avortée par des investisseurs tunisiens.
Charlotte Pouch est arrivée dans le bassin roannais par le biais d’un film en tournage, La Fille du patron. Or, au moment même où les caméras se déployaient dans l’entreprise, de nouvelles difficultés voyaient le jour. La fiction du film en préparation était rejointe par la réalité vécue par les salarié.e.s. Il n’en fallut pas plus pour que la productrice et actrice Julie Gayet , PDG de Rouge International avec Nadia Turincev, propose à Charlotte Pouch de tourner un documentaire.
L’aventure du long métrage Des Bobines et des hommes pouvait commencer. Six mois de présence au sein d’une entreprise en perdition, où des salariés, unis dans une communauté très soudée, ont continué de travailler jusqu’au bout, sans abandonner l’action syndicale. Le soir de l’avant-première lyonnaise, Charlotte Pouch a répondu aux questions des spectateurs.
Charlotte Pouch a établi ses quartiers durant six mois chez Bel Maille. Elle a assisté aux réunions du personnel, parcouru les ateliers où la fabrication ralentissait progressivement; passant en revue l’histoire de cette usine familiale et s’entretenant avec les un.e.s et les autres. Au fil de ces dialogues informels, ses relations avec Stéphane Ziegler, le PDG de l’entreprise qu’elle a saisi aux prises avec son personnel.
La réalisatrice revient sur ses contacts avec le patron de Bel Maille. Rien de commun avec la proximité qu’elle a entretenu avec les salarié.e.s.
Une lutte syndicale en autarcie
Le film parcourt six mois d’une année décisive pour le personnel de Bel Maille; Des ouvriers syndiqués à la CGT mais aussi à la CFDT qui a mené l’action. Nombre de membres du personnel ont participé à la renaissance de l’usine après l’incendie qui l’avait mise à terre une vingtaine d’années plus tôt. ce sauvetage a créé des liens durables. Aussi, quand le coup dur définitif s’est annoncé, c’est en interne qu’ils ont serré les coudes. rien n’a filtré à l’extérieur, même pas au sein des organisations syndicales de la profession et interprofessionnelles de la localité et du département.
C’est ce que reconnait Luc Thoral. Originaire du bassin roannais, aujourd’hui, secrétaire confédéral CFDT, il était alots permanent de l’Union régionale interprofessionnelle CFDT Rhône-Alpes. Il connaissait bien les responsables syndicaux de l’entreprise et le milieu textile et souligne le travail d’accompagnant personnalisé de chacun des salarié.e.s qui a été mené.
Un syndicalisme à la croisée des chemins
La conduite de cette action longue, aride et solitaire est souvent le lot de nombre de sections syndicales qui apparaissent parfois désarmées et épuisées dans certains secteurs d’activité. Eric Maitre, permanent CFDT en fait le constat pour le domaine de comme des industries textiles et de l’habillement où il exerce sa mission.
Ce qui a frappé Charlotte Pouch, c’est l’extraordinaire dignité des salariés en butte à la suppression de leur emploi. La solidarité, la confiance, le dialogue maintenu, les bons moments passés ensemble malgré la dureté de la situation, la force du collectif, ont été autant de témoignages de cette dignité de la personne humaine qu’aucun impératif économique ne peut mettre à bas. La réalisatrice en parle.
La CFDT continue son cinéma
La soirée du 23 octobre au cinéma Comoedia ne restera pas sans suite. Dès le 29 novembre, un après-midi et une soirée consacrés aux conditions de travail et aux luttes syndicales sont programmés. Ils trouveront leur place dans le cadre du 10e Novembre des canuts qui se déroulera entre Rhône et Saône du 17 novembre au 3 décembre.
Le premier temps de cette initiative cinéma proposée par le CFDT Lyon-Rhône aura lieu aux Archives municipales de Lyon et sera gratuitement ouverte à tous. Mercredi 29 novembre à partir de 14h30, cinq films et reportages télévisés conservés par l’Ina, seront à l’affiche et porteront sur les conflits des usines Berliet et Rhodiacéta en 1967, Penarroya en 1972 et des personnels de l’Hôpital Jukes Courmont (Hospices civils de Lyon) en 1976. Le moyen métrage Modes d’emploi, tourné par la CFDT du Rhône en 1984 sera aussi visionné. Des responsables syndicaux de ces différentes entreprises viendront dialoguer avec le public.
En soirée, à 20 heures, le cinéma Opéra accueillera le film Les Saigneurs, sorti en mars 2017, et portant sir les conditions de travail des employé.e.s des abattoirs. Les réalisateur Vincent Gaullier et Raphaël Girardot viendront débattre avec les spectateurs.
Lors de ces deux temps cinématographiques, Vincent Porhel (université Lyon 1) et Jean-Luc de Ochandiano (université Lyon 3), présenteront leur dernier ouvrage Lyon 1968, paru aux éditions lyonnaises Lieux dits.
Renseignements :
UTI CFDT Lyon-Rhône : 04 78 53 21 91
Novembre des canuts (Compagnie Chien jaune) : 04 74 00 84 63 et http://canuts. chienjaune.eu/