Présidentielle 2017 (4) : Eglise catholique, qu’as-tu fait de ton âme ?

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Reportage de François Dalla-Riva, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272

En 1941, face au nazisme, le père jésuite Gaston Fessard lançait un appel à combattre le fascisme du disctateur hitlérien et la collaboration instaurée par le régime pétainiste (© DR/BNF).

En 1941, face au nazisme, le père jésuite Gaston Fessard lançait un appel à combattre le fascisme du dictateur hitlérien et la collaboration instaurée par le régime pétainiste (© DR/BNF).

Les catholiques doivent s’interroger : peuvent-ils cautionner en conscience pour les idées de la droite extrème, 76 ans sépare l’appel courageux, visionnaire mais minoritaire de Gaston Fessard, un prêtre jésuite lyonnais, qui donnera ensuite naissance à l’hebdomadaire Témoignage chrétien, et après le récent message du Père Christian Delorme, relayé par un nombre important de ses collègues prêtres et par de nombreux laïcs,. Face à un programme politique qui met l’exclusion de l’autre, notamment s’il est étranger, face à la fermeture des frontières et un repli identitaire, est-il possible que l’Eglise catholique en France ne soit âs plus explicite ? Est-il acceptable de ne pas confronter le message évangélique dont elle est un des dépositaires à l’incitation à la haine raciste, xénophobe et homophobe ? Telle est bien la question cruciale posée par des prêtres, par quelques évêques et de nombreux laïcs qui n’hésitent pas à faire part de leur opposition au programme de l’extrême-droite.

Alors que les institutions protestante, juive et musulmane ont pris position contre l'extrême-droite, le silence des responsables de l'Eglise catholique provoque la division en interne (© Pierre Nouvelle).

Alors que les institutions protestante, juive et musulmane ont pris position contre l’extrême-droite, le silence des responsables de l’Eglise catholique provoque la division en interne et a conduite le quotidien La Croix a consacré un dossier à la veille du second tour de l’élection présidentielle 2017 (© Pierre Nouvelle).

Le Grand silence. C’est le titre d’un film réalisé en 2005 dans le cadre du monastère de la Grande-Chartreuse. Là, le réalisateur filmait comment dans le cadre du Dauphiné pré-alpin, la vie de prière était toute entière en lien avec les textes bibliques, et notamment évangélique. Ce sont des hommes et des femmes de prière qui viennent de lancer un appel face au grand silence de l’Eglise catholique française. Un silence qui perdure alors même trois responsables de la Fédération protestante de France (François Clavairoly), juive (Haïm Korsia) et musulmane (Anouar Kbibech) ont lancé de concert un appel à faire barrage à la candidate de l’extrême-droite.

Dans les colonnes de La Croix, des intellectuels catholiques, tel le jésuite Paul Valadier se sont relayés pouyr éclairer les fidèles catholiques (© Pierre Nouvelle).

Dans les colonnes de La Croix, des intellectuels catholiques, tel le jésuite Paul Valadier se sont relayés pour éclairer les fidèles catholiques (© Pierre Nouvelle).

Un silence, ou tout au moins une précautionneuse réserve, qui, à défaut d’un message clair, audible et courageux de la Conférence des évêques de France et de son président Mgr Georges Pontier, voit des prélats  (on parle d’une quinzaine d’évêques sur une centaine en exercice en France) prendre position en leur nom contre le discours de l’extrême-droite. On constate dans le même temps que le quotidien La Croix a produit plusieurs mises en garde contre les idées véhiculées par la candidate du Front national, et au sein du groupe Bayard presse, certains journalistes, telle Anne Ponce, rédactrice en chef du magazine Le Pèlerin, a annoncé dans un éditorial le 27 avril qu’elle accorderait son vote à Emmanuel Macron.

Parallèlement, des intellectuels catholiques, ont mis leur pas dans ceux de leurs collègues protestants (Olivier Abel) ou juifs et musulmans. Ainsi, la religieuse dominicaine Véronique Margron, ancienne doyenne de la faculté de théologie d’Angers et présidente de la Conférence des religieux et religieuse de France, ou Anne Soupa, présidente de la Conférence catholique des baptisés francophones, n’ont pas mis leur voix en sourdine.

Dans la foulée d'appel de Laïcs, Christian Delorme, prêtre lyonnais, a pris la tête de la contastation qui va le conduire à une tribuner libre dans le quotidien Le Monde du 6 mai 2017 (© Pierre Nouvelle).

Dans la foulée d’un appel de Laïcs, Christian Delorme, prêtre lyonnais, a pris la tête de la contastetion qui va le conduire à une tribune libre dans le quotidien Le Monde du 6 mai 2017 (© Pierre Nouvelle).

Entre 1940 et 1944, cinq évêques français ont pris position contre la nazisme et ont exprimé leur solidarité avec leurs frères juifs pourchassés. Aujourd’hui, c’est à la base que s’exprime la volonté de mettre en cohérence le message du Christ héritier de l’Ancien Testament, et le choix à opérer contre une politique de rejet.

Ainsi, 40 prêtres du Sud-Est, et membres de la Mission ouvrière, réunis en session à Viviers le 27 avril, ont proclamé une foi qui ne peut s’accommoder de la haine et de l’exclusion.  » A la suite de beaucoup d’évêques, de la pensée sociale de l’Eglise catholique, et  de responsables des différentes traditions religieuses, nous osons dire que:la paix, dans la justice, est à bâtir dans une Europe plus ouverte, plus solide dans ses projets. » Et ces prêtres engagés dans les quartiers populaires continuent en soulignant que « vivre ensemble, dans la solidarité fraternelle, est à développer, en privilégiant au moment des choix pour la dignité des oubliés et des étrangers ».

Du côté des prêtres ouvriers, de la Mission ouvrière, de l'Action catholique et des organisations de solidarité comme le CCFD élèvent la voix en face d'évêques qui refusent de faire le lien entre le message de Jésus-Christ et les choix concrets )à faire en politique (© Pierre Nouvelle).

Du côté des prêtres ouvriers, de la Mission ouvrière, de l’Action catholique et des organisations de solidarité comme le CCFD élèvent la voix en face d’évêques qui refusent de faire le lien entre le message de Jésus-Christ et les choix concrets )à faire en politique (© Pierre Nouvelle).

conscience libre et fraternité solidaire

Dans ce cadre-là, ils ajoutent que « faire vivre la démocratie avec tous et toutes est une tâche urgente, sans être soumise aux puissances financières et aux idéologies discriminatoires », concluant qu’ « ils ne souhaitent pas que Marine Le Pen et le Front National sortent vainqueurs des élections.Voter est vraiment une belle responsabilité d’avenir, à vivre avec une conscience libre et en fraternité solidaire », soulignent-ils.

Prêtre du diocèse de Lyon depuis plus de cinquante ans, Jean France habite depuis quarante ans dans des quartiers populaires. Ce prêtre-ouvrier, salariés des Hospices civils de Lyon et militant de la CGT, il s’étonne vertement que l’Eglise catholique n’ait pas ris position.

Action catholique ouvrière et Jeunesse ouvrière chrétienne

Pour sa part, l’Action catholique ouvrière (ACO) a rappelé dès le 24 avril  que « ancrée dans la vie des travailleurs, l’engagement constant du mouvement ouvrier dans la lutte contre l’extrême droite et la xénophobie », dénonçant « l’imposture sociale que représentent le programme et l’action du Front National ».

Affirmant que  » pas une voix ne doit aller au Front National le 7 mai ! « , l’ACO souligne que  » croyants en Jésus-Christ, avec tous ceux qui, dans le souffle de l’Evangile », les militants « s’engagent dans la construction d’un monde de justice et de solidarité, ne se tairont pas et lutteront contre toute proposition conduisant à l’exclusion et à la division ».

Croisé lors de la manifestation du 1er mai à Lyon, Cyril, responsable fédéral de la Jeunesse ouvrière chrétienne dans le Rhône est sur la même voie.

Quelques évêques et des catholiques de base

Mgr Marc Stenger, évêque de Troyes et président de Pax Christi France, qui déclarait sans embage, « Le 7 mai, quel vote ? Pas celui de la peur, de la haine, du rejet, du mensonge de l’exclusion, du repli : c’est l’opposé de l’Évangile ». Encouragés par cette déclaration et titillé par des laïcs, des prêtres comme Christian Delorme, prêtre pradosien, curé de Caluire (Rhône) et initiateur de la Marche des beurs avec le pasteur Jean Costil de la Cimade, ont relayé la pétition intitulée « Chrétiens et démocrates ».

Appelant à donner leurs suffrages à Emmanuel Macron dimanche 7 mai, ils déclarent : « .Notre décision ne relève en aucune manière d’une concession, ou d’un « moindre mal ». Le vote pour Emmanuel Macron s’impose que l’on soit d’accord ou pas avec tel aspect de son projet politique parce que le refus de Marine Le Pen s’impose pour des raisons morales et spirituelles sur lesquelles on ne peut transiger.

Nous sommes indignés que Sens commun, la Manif pour tous, le Parti chrétien démocrate, se réclamant explicitement du christianisme, puissent prendre position en faveur de la candidate du Front national. Nous affirmons avec force qu’il s’agit là d’une immense falsification et un piège dans lequel nous adjurons, chacune et chacun de ne pas tomber.

Une idéologie dangereuse et liberticide

C'est un appel à la raison que lancent aussi des théologiens afin de dépasser la prudente réserve des évêques (© Pierre Nouvelle).

C’est un appel à la raison que lancent aussi des théologiens comme Sœur Véronique Margron, afin de dépasser la prudente réserve des évêques (© Pierre Nouvelle).

La revendication de l’égoïsme national, le refus de l’accueil des étrangers — pour ne prendre que deux points essentiels -, sont aux antipodes de la foi des chrétiens et du message de Jésus. Bien d’autres éléments du programme de Marine Le Pen devraient aussi faire dire à tout chrétien sincère « non possumus ».

Le christianisme étend le commandement de l’amour à l’ensemble de la famille humaine, au point que Jésus n’a jamais promu la famille selon le sang et lui a substitué la famille selon l’esprit. Aussi l’argument de la « défense de la famille » brandi par ces mouvements contre la diversité des familles et la pluralité des modes de vie est-il lui aussi fallacieux.

L’appel que nous lançons aujourd’hui ne sera pas sans lendemain. Il est temps que les chrétiens attachés à la démocratie, aux droits humains et à la liberté fassent entendre sans concession, leur voix contre cette idéologie dangereuse ; identitaire et liberticide. »

L’Eglise catholique en France divisée depuis plusieurs années

Nul doute qu’interpellés par les prises de positions de la Fédération protestante de France, mais aussi des instances des communautés juive et musulmane, l’Eglise catholique en France va devoir faire son examen de conscience. Peut-elle se contenter de constater que 42 % des fidèles pratiquants votent pour l’extrême-droite comme l’ont fait certains évêques lors de la session de printemps de l’assemblée plénière de l’épiscopat ? Peut-elle accepter qu’ainsi, soit récusé le message de fraternité développé depuis cinq ans par le pape François  ?

Il est indispensable que le débat s'ouvre au sein de l'Eglise catholique enter les fidèles et leurs responsables (© DR).

Il est indispensable que le débat s’ouvre au sein de l’Eglise catholique enter les fidèles et leurs responsables (© DR).

Des questions qui traverseront l’assemblée plénière des évêques à Lourdes à l’automne prochain, comme cela avait déjà été le cas au printemps dernier. des clivages qui attestent que le petit livret sur la politique est loin d’avoir été accepté et digéré !

Certains évêques, tels ceux de la capitale des Gaules, n’ont pas hésité à descendre dans l’arène en manifestant aux côtés de musulmans les plus intégristes, contre le projet de loi sur la mariage. Pour ceux qui aiment à se dire ami du pape, on eût aimé qu’ils donnent des éléments de discernement clairs et compréhensibles permettant aux fidèles catholiques de comprendre que le programme, les propos et le vote pour l’extrême droite sont opposés aux enseignements de Jésus-Christ.

 

 

Un commentaire

  1. Durand Michel 6 mai 2017 à 13 h 48 min

    Un grand merci pour ce reportage. Que tant de voix, devenues silencieuses parce que souvent non écoutées, s’expriment est un évènement qui marquera une nouvelle réflexion en théologie pastorale. A cet effet, je rassemble en un dossier toutes les prises de paroles qui me parviennent. De la matière pour une réflexion dans le grand silence de la prière.

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