Reportage de Jean-François Cullafroz, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49372
Pas moins de 12 000 participants à Lyon dont bon nombre sur le parking et sous la pluie, et 6 000 à Aubervilliers, en banlieue parisienne. Jean-Luc Mélenchon a donc fait le plein dimanche 5 février en se dédoublant holographiquement. Alors que la présidente de la droite extrême tenait meeting au Centre des congrès de Lyon, le leader du Parti de gauche avait tenu à organiser une réunion publique au même moment au parc Eurexpo, dans l’Est lyonnais, par excellence terrain populaire. Une heure et demie de discours axée sur la culture, l’éducation et le développement des activités liées à la mer et à l’espace. Le tout dans une dimension de prise de conscience résolue avec un art consommé de la pédagogie placée sous le signe des trois frontières de l’humanité et de l’exercice des droits de l’homme et du citoyen qui conduise à une 6e République. Ambiance de meeting, explications et témoignages.
Ils étaient venus par grappes, « en groupe, en ligue, en procession », comme le rappelait Jean Ferrat dont la chanson a ouvert le meeting. C’est en transports en commun (tram T5 notamment) et en voiture, mais peu en vélo, car le temps pluvieux ne prêtait guère à la flânerie via les pistes cyclables de la ville de Bron toute proche, ils ont rejoint le hall 6.3 Paul Bocuse. Un public très divers en terme d’âge mais avec une même couleur sociale. Pas de pancartes ni de drapeaux comme à la réunion d’Emmanuel Macron la veille, mais de temps à autre un cri venu des gradins, le slogan » Résistance » qui a ponctué ce déroulement.
Alors, avant que la séance ne commence, que pouvait attendre un étudiant lyonnais en économie de l’université Lyon 2 ? Loïc est venu découvrir ce dimanche le détail des propositions de Jean-Luc Mélenchon. Installé à quelques mètres de la scène, il détaille ses attentes.
On était aussi ici en famille, à l’instar de Martine, qui a fait le déplacement depuis le département de la Drôme, avec beaucoup d’autres fidèles du mouvement la France insoumise (FI).
A la rencontre des trois frontières
Après un tour de chauffe par l’animateur Guillaume Canu et sa collègue Charlotte Girard où ils ont feuilleté les chapitres du programme de la France insoumise, le député européen traverse la salle et rejoint la scène sous une arche lumineuse blanche et des appels à la résistance.
Jean-Luc Mélenchon a délibérément placé son discours de Lyon sous le sceau de l’intelligence qu’illustrent l’éducation, la culture et la recherche. Pour le candidat à la présidence de la République, une des priorités est la lutte contre l’illettrisme. En la matière, il estime indispensable d’embaucher 60 000 enseignants.
Dans la même veine, il souligne la nécessité des étudiants de pouvoir se consacrer pleinement à leurs études sans avoir besoin de travailler pour subvenir à leurs besoins. S’il est élu, il instaurera une allocation spéciale d’études. « Il n’y a que les gavés qui nz comprennent pas la peine des autres », souligne-t-il avant de développer son programme pour que chacun puisse lire, écrire et compter..
Produire de la culture
Taclant les grandes firmes américaines, les Gafa, et annonçant qu’elles ne pénétreront plus les arcanes de l’Etat, comme le ministère de la Défense et dont les 1 650 milliards d’euros cristallisés seront imposés en France, il a promis sous sa présidence un budget de la culture à hauteur de 1%. Revenant sur le droit d’auteur qui doit être socialisé lorsque son titulaire décède, il assure, après son passage au festival de la BD d’Angoulême qu’il donnera à tous les créateurs les moyens de vivre dignement.
Ses concurrents en meeting le même:week-end à Lyon n’ont pas été épargnés, tel Emmanuel Macron, qui la veille annonçait un cadeau de 500 € pour des dépenses culturelles lors de son 18e anniversaire. « Mais avant de consommer la culture, il faut d’abord la produire. »
Un tribunal écologique international
Durant une heure et demie consacrée aux trois frontières de l’humanité, il a persuadé son public qu’il n’était plus possible d’échapper à l’univers numérique, et qu’il s’emploierait à faciliter l’accès de ceux qui n’en ont pas les moyens. L’informatique, comme le recherche technologique qui lui permet la liaison holographique qui lui permet de parler simultanément à Lyon et à Paris, sont les réalisations d’une intelligence qui ne connait ni frontière terrestre, céleste ou marine.
C’est dans ce cadre qu’il situe la recherche d’énergies nouvelles, solaires, éoliennes, maritimes afin de pouvoir produire d’ici 2030 l’équivalent de 15 centrales nucléaires. L’économie de la mer engrangera une partie non négligeable des 100 milliards d’investissement qu’il entend consacrer aux énergies nouvelles, durables et renouvelables.
Résolument ancré sur le terrain écologique, il annonce, que s’il est élu, la France militera pour que soit créé un tribunal international qui agira dans ce domaine, comme l’avait proposé Mikhail Gorbatchev dès 2012.
Droit du citoyen vote et 6e République
Pour mettre en application des 357 mesures qu’il a listées, il en appelle à la mobilisation du peuple, par le biais de ses 2 400 groupes d’appui et des 270 000 personnes qui ont rejoint le mouvement FI.
Se situant sur le terrain du « dégagisme comme mes amis tunisiens », il souligne que le changement ne viendra ni d’un homme providentiel, ni d’un chef entouré d’une poignée d’amis, mais de l’exercice du droit de vote, qu’a instauré la Déclaration de l’homme et du citoyen. Des suffrages qui conduiront à la mise en route d’une assemblée constituante chargée d’instituer une 6e République
Pour le candidat qui est apparu fatigué et a annoncé prendre cinq jours de congé, il ne restait plus qu’à entonner le Chant des canuts, repris il faut le reconnaître par bien peu de participants. puis vint le tour de la Marseillaise repris largement le poing levé.
« Nous ne lâcherons rien »
La réunion de deux heures et d’une heure et demie de pédagogie mélenchonienne, a laissé peu de place aux mesures économiques. Le candidat a souligné qu’elles seraient défloré à temps dans la troisième semaine de février, alors que le mouvement aura fêté sa première année d’existence.
Alors, malgré ces annonces incomplètes, qu’en pensaient les participants ? Réponse avec mère de famille lyonnaise venue avec ses deux enfants.
Pour cette mère de famille, si Jean-Luc Mélenchon ne franchissait pas la barre du second tour, comme l’annoncent les sondages à 77 jours du scrutin, elle assure résolument qu’elle n’ira pas voter, même pour l’opposant à la représentante de la droite extrême.
Affaire à suivre donc !