Reportage de François Dalla-Riva, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272
On parle en ce moment de la réhabilitation des camps d’internement et de concentration utilisés dans les Vosges par les nazis durant la dernière guerre mondiale, tels le Struthof en Alsace et le fort de Queuleu en Lorraine.. Ces lieux de terreur ont servi aussi d’antichambres pour les camps de la mort en Allemagne et en Autriche. Parmi les détenus, il y avait des résistants alsaciens et lorrains, parmi les premières victimes d’Hitler qui fit de ces départements français de l’Est une partie intégrante du Reich allemand dès l’été 1940. Retour sur un pan de notre histoire trop longtemps oublié avec notre consœur Marie Goerg-Lieby.
Depuis mi-novembre 2016, l’exposition « La Résistance des Alsaciens » se déroule à la Maison de la région à Strasbourg. Elle sera appelée à voyager ensuite en France, dans le Sud-Ouest notamment. Ses promoteurs souhaitent la voir s’arrêter à Oradour-sur-Glane.
Cette exposition vient en complément d’un DVD pédagogique qui concrétise un travail de recherche qui a allié universitaires et journalistes. Après avoir été toute sa carrière journaliste aux Dernières nouvelles d’Alsace, Marie Goerg-Lieby poursuit son parcours professionnel à la retraite au sein d’un hebdomadaire (L’Ami-Hebdo), tout en continuant à présider l’association Aeria.
Un approfondissement de l’histoire de la Résistance
Le projet Aeria s’inscrit dans le cadre plus large de l’Association pour les études sur la résistance intérieure, département de la Fondation de la Résistance, créée en 1993 par d’anciens résistants comme Serge Ravanel et Lucie et Raymond Aubrac, Jean-Pierre Bloch, Hélène Viannay.
Dans le cadre du projet Aeria, notre consœur a participé étroitement à cette aventure historique, mémorielle et pédagogique. Elle aborde, non seulement la question des 140 000 jeunes Alsaciens enrôlés de force dans l’armée nazie, les « Malgré-nous », mais aussi la Résistance intérieure au sein même des départements d’Alsace-Moselle qui avaient été annexés au Reich dès juin 1940.. Présidente de l’association Aeria, Marie Goerg-Lieby détaille le processus de cette recherche.
On peut retrouver un exemple de cette recherche dans le livre « Marcel Weinum et la Main noire » publié par les éditions Arfuyen. Cet ouvrage raconte le moment héroïque et tragique de la jeune Résistance alsacienne, autour de l’exemplaire figure de Marcel Weinum et du groupe de la Main Noire.
Alsaciennes et Mosellanes…
Si l’opinion publique a eu du mal à reconnaître l’incorporation de force dont ont été victimes de jeunes Alsaciens-Lorrains, l’histoire encore à approfondir sur les femmes qui vécurent, elles aussi le même asservissement de la part des nazis.
Réhabiliter les murs, réhabiliter les personnes
Puisqu’il est question de réhabiliter les bâtiments du camp du seul camp de concentration sur le sol français (alors annexé par l’Allemagne), pour que la mémoire survive, il est aussi nécessaire de redire qui furent les pierres vivantes, ces personnes de toute l’Europe qui furent ici déportées.
Le camp de concentration de Natzweiler-Struthof où des milliers de déportés ont été exécutés ou bien sont morts d’épuisement à la suite de maladies, de mauvais traitements, de manque de soins, de privations ou de travaux exténuants, est l’unique camp de concentration implanté sur le territoire français, à une cinquantaine de kilomètres de Strasbourg.
Construit à partir du 21 mai 1941 et prévu initialement pour un effectif d’environ 2 000 détenus, le camp a compté jusqu’à 8 000 déportés à l’automne 1944. Il fut d’abord occupé par des droits communs allemands, puis par des déportés de différentes nationalités : Polonais, Soviétiques, Néerlandais, Français, Allemands, Norvégiens.
C’est le 3 juillet 1943 que le premier transport de déportés français « Nacht und Nebel » (nuit et brouillard) est arrivé au Struthof, suivi de deux autres transports les 12 et 15 juilllet 1943. A partir d’août 1944, au fur et à mesure de l’avance des troupes alliées, les détenus ont été transférés vers le camp de Dachau, puis l’évacuation du camp s’est poursuivie jusqu’au 4 septembre 1944.
Lorsque le camp a été libéré le 23 novembre 1944 par les troupes alliées, il était vide…
Le fort de Queuleu : une annexe messine du Struthof
Entre août 1943 et début septembre 1944, le camp de concentration de Natzweiler-Struthof installe plusieurs annexes dans la région de Metz. L’une d’entre elles trouve place dans le fort de Queuleu, un des bâtiments militaires de la première ceinture fortifiée de Metz, construit par les Français entre 1867 et 1870. Durant la dernière guerre mondiale, Metz est alors une ville allemande du Gau Westmark, le département de la Moselle ayant été annexé en août 1940. Le camp de Queuleu ouvre peu de temps avant celui de Woippy (Wappingen).
Au fort de Queuleu, les premiers détenus arrivent début octobre octobre et des résistants de la vallée de l’Orne y sont internés vers la même date. Surnommé « l’Enfer de Queuleu », le fort est un camp d’interrogatoire, destiné à trier les détenus. Les détenus étaient ensuite transférés vers le camp de Schirmeck pour les femmes, et vers le camp de concentration de Natzwiller-Struthof pour les hommes.
Jusqu’à son évacuation, entre 1 500 et 1 800 hommes et femmes s’y sont succédé. Trente-six personnes y décèdent, victimes des interrogatoires ou de sévices, les autres seront envoyées dans des camps de concentration, où 400 y trouveront la mort. Quatre personnes arrivent à s’évader le 19 avril 1944. Il s’agit de la seule évasion avérée du camp. Après avoir fonctionné dix mois, le fort est évacué le 17 août 1944 et la plupart des détenus envoyés vers les camps du Struthof, de Schirmeck ou de Ravensbrück.
Prévu pour accueillir un total d’environ 1 500 prisonniers, ce ne sont pas moins de 4 336 détenus qui auront été internés dans le camp jusqu’à son évacuation.
Renseignements : AERIA : Souvenir Français/Caserne Turenne, 42 rue Lauth, 67 000 STRASBOURG, 03.88.36.19.52 et https://laresistancedesalsaciens.wordpress.com/