Fraternité : de la Normandie au Brésil, un antidote face au terrorisme…

Posté le par dans Ca presse

Par Jean-François Cullafroz, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272

Après Nice, après l'assassinat du Père Hamel, la question des alternatives préventives aux actes terroristes est à nouveau posée (© Pierre Nouvelle).

Après Charlie Hebdo et les journées qui ont suivi, après le Bataclan, après Nice, après l’assassinat du Père Jacques Hamel, la question des alternatives préventives aux actes terroristes est à nouveau posée. Et en la matière, journalistes et médias doivent exercer leurs responsabilités (© Pierre Nouvelle).

L’actualité pousse les évènements jour après jour, comme l’écume sur la crête des vagues de l’océan… Et pourtant, il faut bien faire des arrêts sur l’image pour que le « Plus jamais ça » lancé lors des funérailles du Père Jacques Hamel, la dernière victime du terrorisme en France, ait quelque chance de trouver une réponse concrète dans les comportements de la population et dans les décisions et pratiques des responsables sociaux, politiques, associatifs, économiques et médiatiques de toutes natures et de toutes sensibilités.

Que faire ? Eternelle question ! Pour les croyants des différentes religions et confessions, sans doute le premier objectif est-il de se rencontrer, dialoguer, mieux se connaître et prier ensemble, puisque tel est le cœur de leurs pratiques communes.

Sur ce terrain, le fait que des musulmans aient participé un peu partout en France à des messe catholiques dimanche 31 juillet est un signe, on le souhaite annonciateur d’un mouvement de fond. Au même titre que la venue de non-musulmans dans les mosquées au lendemain des attentats meurtriers de masse du Bataclan et des rues de Paris.

Le dialogue pour la paix et l’espérance

L'égorgement d'un prêtre sur le sol française sera-t-il un électrochoc salutaire ? (© Pierre Nouvelle).

L’égorgement d’un prêtre sur le sol française sera-t-il un électrochoc salutaire ? (© Pierre Nouvelle).

Et puis, il y a aussi, le message commun que peuvent lancer les religions monothéistes : celui de la nécessaire fraternité qui est un des éléments fondateurs de notre République française, comme l’a souligné Mgr Dominique Lebrun archevêque de Rouen, lundi passé lors des obsèques du Père Hamel..

Lors des célébrations catholiques du 31 juillet, au moment de la prière universelle (pour le monde), il y avait une seule intention invitant à la paix et à la miséricorde, suivie d’un long moment de silence. Exemple à Ruoms en Ardèche et extrait recueilli lors d’une des messes de la paroisse d’Autun, en l’église St Jean.

Une critique nécessaire

Ce qu’attend aussi la population, c’est que les responsables religieux fassent le ménage dans leurs propres paroisses… Les chrétiens s’y emploient, à l’instar du pape François, qui a affirmé dans l’avion du retour des Journées mondiales de la jeunesse à Cracovie que l’Eglise catholique n’avait pas été innocente dans les massacres qui ont parsemé l’Histoire.

C’est ce qui est aussi attendu des responsables musulmans, c’est que la foi transmise par Mahomet fasse l’objet d’appel permanent à la paix, et à une relecture des textes coraniques à l’aune de nos sociétés occidentales. Comme cela s’est fait le 20 novembre 2015 par exemple dans la grande mosquée de Lyon, au lendemain de la tragédie du Bataclan.

Un témoignage nécessaire, comme celui donné aussi le 22 juillet 2016 après le massacre terroriste de Nice et les tags anti-Islam retrouvés sur les murs lyonnais de la Part-Dieu et d’un lieu de prière de Bron (Rhône). Une prise de parole publique des responsables religieux islamiques en présence de Michel Delpuech, préfet de la Région Auvergne/Rhône-Alpes qui s’est lui aussi exprimé en compagnie de représentants chrétiens, comme le Père Christian Delorme, délégué diocésain pour les relations interreligieuses..

Le préfet Michel Delpuech est venu témoigner de la détermination de la République à la Grande mosquée de Lyon à l'invitation du recteur Kamel Kabtane.   A ses côtés étaient pérsentes les autorités musulmanes et catholique représentée ç gauche par la Père Christian Delorme (DR/©Michel Godet).

Le préfet Michel Delpuech est venu témoigner de la détermination de la République à la Grande mosquée de Lyon à l’invitation du recteur Kamel Kabtane. A ses côtés étaient présentes les autorités musulmanes et catholique représentée à gauche par la Père Christian Delorme (DR/©Michel Godet).

Et les médias dans tout cela ?

Notre confrère Jacques Chancel, dont la radio France Culture rediffuse les meilleurs moments de Radioscopie, son émission quotidienne sur France Inter, aimait à conclure en questionnant ses invités avec un « Et Dieu dans tout ça ? » rituel. Sans parodie, mais au contraire avec une insistance de fond, l’interrogation se pose à ceux qui médiatisent les événements terroristes :  que dire ? que montrer ? comment le faire ?

Derrière une Une provocatrice, Charlie Hebdo rejoint en pages intérieures les interrogations développées par le quotidien La Croix (© Pierre Nouvelle).

Derrière une « Une » provocatrice, Charlie Hebdo rejoint en pages intérieures les interrogations rapportées par le quotidien La Croix et développées lors des ateliers citoyens de Couthures en Lot-en-Garonne (© Pierre Nouvelle).

La parole de l’Observatoire de la déontologie de l’information

A ce titre, l’Observatoire de la déontologie de l’information (ODI) vient de publier dans le quotidien Le Monde du 28 juillet un point de vue qui mériterait d’être médité par tous les journalistes professionnels, en carte ou non, par ceux qui usent de blog, et par tous les propriétaires de médias, à commencer par les huit oligarques qui possèdent près de 90 % de la presse française.

En regard des chaînes et autres moyens de communication qui se refusent à diffuser des images de terrorisme, l’ODI affirme que cette voie est insuffisante car « condamner les assassins à une mort médiatique est un leurre. Cela affaiblit la lutte antiterroriste, car la société a besoin de comprendre pourquoi ces actions ont eu lieu, ce qui a motivé les tueurs et quel est leur parcours. C’est illusoire au temps des réseaux sociaux, et les médias seront rapidement accusés de manipulation, de complotisme ou de soumission aux pouvoirs, ce que véhicule déjà l’extrême-droite sur ses sites et par ses tweets. Et cela n’empêchera pas que des esprits faibles ou exaltés les imitent… »

Et l’ODI poursuit en insistant sur l’impérieuse nécessité pour ceux qui médiatisent de réfléchir à leur pratique :  » les médias et les journalistes ne peuvent s’exonérer d’une réflexion sur le traitement des informations relatives au terrorisme. (…) Il est nécessaire et urgent qu’une réflexion sur la couverture de ces attentats soit conduite, en dehors de toute contingence de politique éditoriale ou commerciale, au sein d’un organisme indépendant, regroupant des représentants des journalistes, des entreprises de médias et du public. Ce travail collectif ne doit avoir pour objectif que l’intérêt du public à être informé, en dehors de toute considération politique ou idéologique. »

Les actes terroristes ne peuvent-ils conduire les journalistes et les médias à convertir leurs pratiques professionnelles (© Pierre Nouvelle).

Les actes terroristes ne peuvent-ils conduire les journalistes et les médias à convertir leurs pratiques professionnelles (© Pierre Nouvelle).

Ce plaidoyer pro domo collectif de l’ODI, ne peut exclure tout à la fois, la responsabilité personnelle de chaque « médiateur » dans son approche plus générale et globale de l’actualité. Sans nier la réalité de la violence présente mondialement, ne faut-il pas en permanence donner des éléments de réflexion mettant en perspective ces faits, en donnant les tenants et les aboutissants, mais aussi en discernant au cœur de ces évènements les germes d’espérance.

Pour faire simple, n’y-a-t-il que des trains qui n’arrivent pas à l’heure dont il faudrait parler en permanence ? Les médias ont-ils simplement pour vocation à répéter en boucle et instantanément ce qui va mal, ou n’ont-ils pas aussi à poser des pierres pour contribuer à la (re)construction philosophique, spirituelle, psychologique, en un mot humaine, de chacun et de tous ?

Formation, réflexion et pratiques professionnelles nouvelles

Le terririsme est aujourd'hui une des composantes de la mondialisation, de l'Irak à l'Afrique en passant par les territoires européens (© Pierre Nouvelle).

Le terrorisme est aujourd’hui une des composantes de la mondialisation, de l’Irak à l’Afrique en passant par les territoires européens (© Pierre Nouvelle).

Alors que la sécularisation de la société progresse sous nos latitudes, paradoxalement les religions n’ont jamais autant occupé de place dans les informations ? Bien sûr, en raison des tragédies, de la terreur qu’une lecture dévoyée engendre. Alors, justement, une formation, initiale et permanente, au fait religieux (au sens où Régis Debray l’entend) et à la géopolitique, n’est-elle pas indispensable pour les médiateurs, souvent incultes en la matière ? Pour conduire ainsi la population à ne pas cantonner le terrorisme au sol européen, syrien ou irakien, à Al Qaeda et Daech, afin d’être attentif à d’autres parties du monde, à l’Asie ou l’Afrique centrale, au Nigéria par exemple et aux exactions de Boko Haram qui massacre par dizaines ?

Autant d’éléments qui contribueraient à ne pas assimiler les perspectives d’espérance avec la vision naïve des Bisounours. Si elle devenait réalité, cette attitude nouvelle (ne peut-on parler d’une véritable conversion professionnelle et humaine ?) plus empathique et plus fraternelle avec le public des médias, pourrait conduire à penser que les morts de Paris, de Magnanville, de Nice, de St Etienne-du-Rouvray ne resteront pas sans impact sur notre vivre-ensemble sociétal mondialisé.

On attend que les Jeux olympiques qui s’ouvrent ce vendredi 5 août 2016 à Rio soit un creuset de fraternité internationale.et de compréhension multiculturelle. On ne peut que souhaiter que les nouvelles grilles de rentrée des médias audiovisuels et aux lignes éditoriales de la presse écrite et Internet  traduisent dans les faits ce qui reste un impératif citoyen pour la société.

En attendant ce renouveau médiatique, à chacun de nous de plonger dans l’un ou l’autre livre qi viendra prolonger le flot des informations quotidiennes, qui se poussent l’une l’autre tel l’écume des jours…

Ouvrir un livre pour mettre en question et approfondir les infos reçues ou subies (© Pierre Nouvelle).

Ouvrir un livre pour mettre en question et approfondir les infos reçues ou subies (© Pierre Nouvelle).

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *