Reportage et commentaire de Jean-François Cullafroz, journaliste professionnel honoraire, Carte de presse 49272
Le 29 avril 2016, le Syndicat des transports en commun lyonnais (Sytral) a suivi le vote du département du Rhône demandant la suppression d’un service sur trois des Cars du Rhône. Quelles étaient les motivations du département du Rhône ? Pourquoi les 21 élus de la Métropole lyonnaise ont-ils suivi la demande de fermer des lignes avancée par 4 élus du département du Rhône ? Tentative de réponses à ces questions, à partir des propos tenus en séance publique par les élus de ces deux collectivités, puis lors d’une conférence de presse.
Pour le président du département du Rhône, passer d’un budget d’un milliard et demi à 600 millions d’euros implique des économies. Les boulons sont serrés de partout, par exemple sur les lignes de bus, dont le président du Rhône estime qu’elles étaient trop avantageuses pour les transporteurs délégataires. A ses collègues, membres du Comité syndical du Sytral, il a donc demandé que des lignes de cars jugées « folkloriques » voire « exotiques » soient purement et simplement supprimées. « On ne peut faire aller nos cars dans toutes les cours des fermes comme le faisaient mes prédécesseurs », a-t-il expliqué, avançant que certaines lignes transportaient moins de 2 voyageurs par trajet.
Voici un extrait de son intervention en séance publique.
Mise en cause de la gestion Mercier-Chuzeville
Pour sa part, pour justifier les suppressions de services, Christiane Agarrat, vice-présidente du Conseil départemental du Rhône, a parlé en termes choisis et modérés de contrats léonins. Mais, devant les journalistes et dans un cénacle plus réduit, les mots ont été plus durs et plus précis mettant clairement en cause la gestion de l’équipe précédente (Michel Mercier-Danielle Chuzeville NDLR).
En l’état, les contrats des délégations de services publics sont verrouillés jusqu’en 2021. Aussi, c’est donc officiellement pour en limiter l’ampleur, et donc de nombre de lignes de cars, que ces réductions appelées pudiquement « optimisation » sont décidées.
Aider Laurent Wauquiez dans sa politique d’économies ?
Toujours devant la presse, et en réponse à une journaliste parisienne, qui s’étonnait de voir trois départements rhonalpins adopter la même politique, elle a reconnu que ces mesures faciliteraient la gestion du nouveau président de la région Aura.
A cette occasion, elle a révélé que le passage des lignes de cars interurbains à la Région n’était pas définitif, certains parlementaires s’employant à faire reculer l’échéance à 2013. Explications recueillies en séance publique.
Enfin, dans ce long plaidoyer pro-domo, Christiane Agarrat a expliqué que la décision soumise au comité syndical du Sytral relevait de la commission spéciale de l’adaptation de l’offre qui s’était réunie le mardi précédent. Oubliant au passage que cette commission exceptionnelle avait été décidée par le précédent comité syndical sur proposition de la présidente Annie Guillemot, faisant suite de nombreuses interpellations d’élus locaux et à des courriers de citoyens.
Deux temporisations et trois suppressions définitives
Au final, il y aura deux améliorations par rapport au plan de suppressions prévu depuis cet automne. Sur la ligne 134, ce sera le maintien des services entre Condrieu et Givors le samedi à raison des dix services (cinq aller-retour), et sur la ligne 147, qui relie Craponne–Vaugneray et Pollionnay, le maintien de services le week-end, notamment pour desservir deux maisons de retraite.
Concernant la jonction avec Givors, la vice-présidente du conseil départemental du Rhône a souligné la nécessité de conserver un lien entre les cars et les moyens de transports lourds, en l’occurrence la gare SNCF. Elle a passé sous silence qu’en supprimant la ligne 231, c’est la possibilité de joindre la gare de Vienne, sur l’autre rive du Rhône qui était annulée.
Une caution inavouée, mais des intérêts communs
Fort du vote effectué lors de l’assemblée départementale du 29 janvier 2016, le comité syndical du Sytral a soumis ces suppressions au vote de ses membres, qui pour 21 sur 28 membres, sont des élus de la métropole lyonnaise.Pour le président de la Métropole Gérard Collomb, la décision appartenait au Département, et par conséquent, respectueuse de ce choix, la Métropole suivra donc le choxi du département du Rhône.
Mais, poussant son propos, il a affirmé son soutien à Christiane Agarrat. Dans le fond, il estime qu’il faut savoir être raisonnable et ne pas financer de lignes de cars qui ne sont pas utilisées.
Bien sûr, les intérêts d’une saine gestion ne sont niés par personne, pas même le Collectif qui représente les usagers. Mais, derrière cette unité de vue entre le département du Rhône et l’agglomération lyonnaise, ne se cache-t-il pas autre chose pour qu’un sénateur socialiste, à la tête de la première métropole au plan national affiche son accord avec un député membre du parti Les Républicains ?
N’assiste-t-on pas tout simplement à la mise en pratique d’un pacte de non-agression mis en place par Michel Mercier, l’ancien président du département, et Gérard Collomb, qui ont découpé à leurs mains le territoire et leurs zones d’influence entre la ville et le territoire rural ? Et alors que les observateurs pronostiquaient la mort du département du Rhône, le président de la Métropole lyonnaise le remet en selle, en attendant, peut-être, qu’il disparaisse vraiment, comme se pose la question des élus du conseil départemental actuel, pourtant membre de la majorité actuelle.
La fin du département, place aux métropoles… ?
Les métropoles, lyonnaise, beaujolaise et dombiste, du Val de Rhône Sud autour de Vienne, ou de la région de Tarare, ne viendront-elles pas à terme capter les compétences et responsabilités de l’actuel département, mettant en œuvre ce que la loi Notre, loi de simplification territoriale n’a pu faire.
Reste à savoir quel sera l’accueil sur le terrain de la population à ces décisions qui vont impacter son quotidien. La tournée d’information décidée par le conseil départemental au cœur des cantons, devrait en dire plus dans les semaines qui viennent au fil des treize réunions qui ont été programmées par les élus rhodaniens.