Reportage de Jean-François Cullafroz, journaliste honoraire, carte professionnelle de presse 49 762
Une fois que l’on a crié son horreur, clamé la nécessité de faire respecter les lois de République et les droits de l’homme reconnus universellement, comment continuer à vivre après ces crimes horribles qui manifestent une vision intégriste et des objectifs totalitaires ? Intervenant dans le registre qui est le leur, et sur la même longueur d’ondes que les dirigeants laïcs de la France, les responsables religieux ont appelé au rejet total de tels actes barbares qui ne sauraient représenter une religion, quelle qu’elle soit. parmi les nombreux défis qui se posent pour le vivre-ensemble, un quelconque pardon et une expression de la miséricorde sont ils possibles ? Plongée entre synagogue, mosquée et librairie catholique.
Trois jours à peine après les attentats de Paris du vendredi 13 novembre, l’Université catholique de Lyon accueillait une journée de réflexion organisée par le Service diocésain des relations avec le judaïsme. Au menu de ce temps de formation sur le judaïsme et les relations judéo-chrétiennes, un passage par la Grande synagogue de Lyon, qui est aussi le siège du Consistoire. Une visite détaillée conduite par Michaël Barer, membre du conseil d’administration de la Grande synagogue et créateur-animateur de l’association Comprendre le judaïsme.
Avant la minute de silence observée en de nombreux lieux publics et privés du territoire, et alors que les églises sonnaient le tocsin, Michaël Barer a tenu à réciter la prière que la communauté juive dédie habituellement plusieurs fois dans l’année à la République, en particulier le jour de commémoration de la Shoah.
Islam : un examen de conscience clairement assumé
Vendredi 20 novembre à 12h15, un temps de prière d’une heure et quart venait de s’ouvrir à la Grande mosquée de Lyon, voisine de la faculté de médecine Laennec.
Après le vendredi 13, il y a eu le mardi 16 novembre et l’arrestation de terroristes au cœur de la Ville de St Denis. Une semaine après une nouvelle manifestation de la barbarie, la célébration de la grande prière hebdomadaire dans les différents lieux de culte musulmans français était attendue. Dans quel état d’esprit des pratiquantes et pratiquants résidant depuis longtemps en France venaient-ils prier ? Réponse de Mafoud et Saïd, deux pères de famille à l’entrée de la Grande mosquée de Lyon;
Jeudi 19 novembre, les différents responsables français de la communauté musulmane avaient décidé de délivrer un message commun aux fidèles qui viendraient à la prière.
« Dix mois à peine après les événements tragiques de janvier 2015, la France a encore une fois été le théâtre de nombreuses attaques terroristes. A ce jour, on compte 129 morts et 352 blessés. Une tragédie historique. Les motivations apparentes de ces honteux meurtres commis de sang-froid sont aussi tristes que révoltantes car aucune raison au monde supposée ou réelle ne saurait justifier de tels gestes aveugles. » Ainsi commençait l’appel lu par les imams des 2 500 lieux de culte musulmans en France.
Cette déclaration était accompagné d’un exorde de la part du religieux en charge de la prière. Ainsi, à Lyon, la première pensée allait aux familles blessées dans leur chair. Depuis le minbar, la chaire de la Grande mosquée, il rappelait qu’avec les quelque 13 morts, ce sont les vies de frères et de sœurs en humanité qui avaient été lâchement fauchées.
« Dans la tradition musulmane, on trouve cette parole du prophète (qui appelle au respect foncier de tous les croyants : « Quiconque fait du mal à un chrétien ou à un juif sera mon ennemi le jour du Jugement ». L’homme n’est pas sur terre pour haïr mais pour aimer : « Nul d’entre vous n’a la vraie foi s’il ne désire pas pour son prochain ce qu’il désire pour lui-même », déclarait cet imam lyonnais, reprenant le texte national. Ajoutant que « Qui tue un être humain a tué toute l’humanité » (Coran 5/32), il concluait que les terroristes ne sont pas des musulmans. Extrait de cette allocution.
« Construire les ponts d’amitié et de fraternité »
» Nous appelons tous les musulmans de France à consolider leur attachement à la France et aux valeurs républicaines, à édifier les ponts d’amitié et de fraternité avec leurs concitoyens et participer à la construction d’une société tournée vers le respect et l’entente mutuelle, le partage et la solidarité, la collaboration la réconciliation », telles étaient les injonctions lancées aux fidèles présents dans une mosquée archicomble.
Auparavant, relayant les imams de France, celui qui présidait la cérémonie avaient invité les responsables de communauté, les théologiens à relire les textes du Coran à l’aune de la modernité.
« Cela commence par apprendre à considérer notre époque, comprendre la société dans laquelle nous vivons ; son histoire, sa culture et ses institutions. C’est un passage obligé si nous désirons que le Coran et la tradition du prophète nous parlent, à nous, ici dans ce pays, dans notre contexte, et orientent notre éthique dans une société sécularisée », soulignait-il. . Et il poursuivait en appelant à un profond travail intellectuel sur le fond de l’enseignement de la foi musulmane, comme ont pu le faire les responsables et théologiens juifs et chrétiens : « Ce travail nous permettra de voir combien est importante la place de de l’interprétation des textes de l’islam, combien les avis sont abondants et combien les lectures de ces textes sont diverses et variées. L’instrumentalisation du coran et de la tradition du prophète (Psl) par des organisations terroristes comme « Daesh » rend urgent ce travail institutionnel de contextualisation de ces textes qui demeurent une référence spirituelle indéniable pour les musulmans. »
Alors, au terme d’un temps de prière d’une heure et quart, comment ce message des imams de France et le commentaire qui venait d’en être fait, avaient-ils été reçus ? Témoignage d’Amir, un étudiant en langue à l’université Lyon2.
Pardon et miséricorde ?
« Nous appelons les jeunes musulmans de France à répondre à l’appel du prophète : « Soyez les propagateurs de la paix », à promouvoir les valeurs du respect, du pardon, de la miséricorde et de la fraternité et ne jamais céder aux provocations et aux tentations du repli sur soi », insistaient durant leur appel les responsables musulmans en France.
Dans ce cadre, après des actes d’une telle sauvagerie dans une société en temps de paix, le pardon et la miséricorde sont-ils possibles ?
Journaliste à La Vie, hebdomadaire chrétien d’actualité, chargé de la rubrique Spiritualité, Parmi ses points d’attention de celui qui aide au développement personnel, tout ce qui touche à la souffrance, et à la façon d’y répondre, par exemple la miséricorde et le pardon. Etienne Séguier vient de publier un livre « Pratiquer la miséricorde » aux éditions Empreinte-Temps présent. Après les attentats terroristes de Paris menés par des personnes se revendiquant de Daech, est-il possible de pardonner ? Comment pratiquer la compassion ? Réponse de notre confrère rencontré à l’issue d’une conférence-signature à la librairie La Procure à Lyon..
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Merci Jean-François pour cet article et cette vidéo. Cette notion de miséricorde n’a d’intérêt que si elle nous aide dans des moments pareils.