
Par François Dalla Riva, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272, correspondant du Courrier (quotidien à Genève)

(© Pierre Nouvelle).
Jeudi 25 septembre 2025, avaient lieu les funérailles de Jean Chabal au crématorium d’Annecy (Haute-Savoie). Une cérémonie simple où a été rappelé l’action de ce militant syndical, engagé, pour et avec les autres, débuté avec la CFTC et poursuivi avec la CFDT pendant plus de soixante ans au sein de l’usine SNR et de l’Union locale d’Annecy et de l’Union territoriale des retraités de Haute-Savoie.

Après avoir été commis de ferme, Jean Chabal a adhéré à la CFTC à Chambéry, après des réprimandes de son chef d’atelier dans l’usine Vetrotex, filiale verrière du groupe BSN. Il exercera son second emploi au sein de la Société nationale des roulements (SNR) de l’agglomération annécienne où il est venu habiter avec son épouse, et où se constituera sa famille.
Durant ces six décennies d’engagement, c’est la laïcisation de la CFTC et son évolution en CFDT lors du congrès de 1964 qui sera déterminante pour son action.
Parole donnée à cette homme, une belle personne, qui évoque le meilleur de cet engagement.
Au crématorium, Léa, petite-fille de Jean Chabal a lu les Béatitudes, avant que ne soit chanté un couplet de la chanson Camarade, adaptée par Jean-Marie Calvet.
Puis, au nom de la CFDT régionale Auvergne-Rhône-Alpes, Jean-François Cullafroz a prononcé un hommage qui revisite la vie et l’engagement de Jean Chabal
» Ah ! tu as voulu te la bailler belle, et partir voyager en catimini, Non, ami, Jean, tant que nos souvenirs, ton visage, ta barbe de patriarche et tes rires resteront dans nos mémoires, tu seras toujours présent parmi nous.
C’est en parlant au présent que je m’adresse à toi, sous le regard des tes enfants et de tes petits-enfants.

C’est un joli nom Camarade, C’est un joli nom tu sais
Qui marie cerise et grenade Aux cent fleurs du mois de mai
Pendant des années Camarade, Pendant des années tu sais
Avec ton seul nom comme aubade, Les lèvres s’épanouissaient
Camarade, Camarade
Ami, compagnon, camarade, tu ne dénies pas ces qualificatifs, toi qui chemine vers tes 90 ans, comme tu le confiais il y a un an quand nous rédigions ta fiche pour le Maitron, le dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, et c’est sur ce mode que je vais te rendre hommage au nom de la CFDT Auvergne-Rhône-Alpes, de son Union régionale des retraités et de son groupe Histoire.
Mais c’est aussi et d’abord à vous Frédéric, Micheline, Dominique et vous les petits-enfants Léa, Rosine, Frantz, Marvin et Christophe que s’adresse ce petit mot pour vous dire qui est pour nous Jean, comment nous avons partagé des moments de vie et de lutte pour un monde meilleur ;
Cher Jean, ton parcours débuté à la maternité Sainte-Marthe de l’hôpital Saint-Jacques-des-Arènes de Besançon au matin du 11 septembre 1936. La naissance du Front populaire avait eu lieu peu avant, et tu t’es inscrit dans cette trace. Il faut dire que la vie t’a formé à cela : commis de ferme et école d’agriculture en Savoie au début des années 1950, puis ton entrée à l’usine Vétrotex à Chambéry où tu formais le verre comme suiveur de gâteau puis bobineur, avant de lever le verre bien souvent avec les ami.e.s.
Et c’est de là qu’est parti l’engagement syndical et politique que nous avons connu et accompagné. Il faut dire que l’éveil à la conscience de classe que t’avais forgé la Jeunesse agricole chrétienne s’est vite développé dès ton adhésion à la CFTC en 1959, et les reproches d’un chef d’atelier n’y ont pas été pour rien.
Après ton mariage à Chambéry, puis ta venue à Annecy où tu installas ta famille, ton attachement aux valeurs de démocratie, de la justice sociale et l’intérêt accordé principalement à la personne, ne s’est pas démenti.

Chez SNR avec tes responsabilités de délégué du personnel, élu au comité d’entreprise dont Jacques Colly pourrait témoigner, tu as porté la voix du monde du travail pour dire et redire les préoccupations et paroles de tes camarades de l’usine, dans hors et de la boite, comme au Conseil des prudhommes dont tu as été un des élus.
Et tu es resté fidèle au syndicat, devenu CFDT en 1964, quels que soient les aléas des positions de la confédération, au gré des différentes réformes des retraites. Tu es aussi resté attaché à l’unité d’action, avec la CGT notamment, là aussi au-delà des divergences d’orientations.
L’ACO, l’Action catholique ouvrière, le compagnonnage avec des camarades comme Michel Baussand, Michèle Daubié, Michel Hartemann, André Bouvier, Léon Lille, Erkan Yalkin, Roger Marin Pache, Jean-François Mongellaz, Jean-Paul Molliex, les prêtres-ouvriers Dominique Blanchet et Gérald Floret et les autres membres de la commission juridique de l’Union locale CFDT d’Annecy, furent aussi pour toi des moteurs de solidarité.

Pour un mieux-vivre des salariés, traités et chômeurs, femmes et hommes. Dans leurs conditions de travail comme leurs temps de loisirs et de vacances. C’est ainsi que vous vous êtes retrouvés pour créer Aliaces. Ah, avec Anne-Marie Pidello et d’autres, vous n’avez pas ménagé cotre temps au siège de l’Union locale et au premier étage de la Bourse du travail et de la salle Pierre Lamy. Et comment oublier les voyages que tu as organisés avec l’Union territoriale des retraités de Haute-Savoie ?
Une solidarité qui ne connaissait pas de frontière pour mettre en œuvre l’accueil des étrangers. Une solidarité qui ne connaissait pas non plus de limite dans la communication, malgré tes difficultés d’audition. Quel as de l’Internet es-tu, et que dire de l’usage des ordinateurs, pour préparer des tracts, des affiches, mettre en page des journaux…
Ton attachement à la solidarité tu l’as manifesté en militant avec les conseils de parents d’élèves de la FCPE, le groupe local de l’Association populaire des familles. Tu recherches le bien commun et ton engagement politique, au PS dès 1973, puis écologiste avec un mandat de conseiller municipal à ta chère ville de Cran-Gevrier l’ont montré.
Frédéric, Micheline, Dominique et Léa, Rosine, Frantz, Marvin et Christophe, votre papa et papy reste tout cela. Avec nous, un homme enjoué, dynamique, entrainant, fraternel… En trois mots : une belle personne.

Jean Chabal ne cachait pas ses opinions, son engagement pour la justice sociale était bien connu
(© DR/RCA ).
La permanence de ton engagement nous éclaire et nous motive. Alors, pour t’honorer, Jean, nous allons te chanter Le Chiffon rouge de notre voisin grenoblois Michel Fugain
Accroche à ton cœur un morceau de chiffon rouge
Une fleur couleur de sang
Si tu veux vraiment que ça change et que ça bouge
Lève-toi car il est temps
Allons droit devant vers la lumière
En levant le poing et en serrant les dents
Nous réveillerons la terre entière
Et demain, nos matins chanteront
Compagnon de colère, compagnon de combat
Toi que l’on faisait taire, toi qui ne comptais pas
Tu vas pouvoir enfin le porter
Le chiffon rouge de la liberté
Car le monde sera ce que tu le feras
Plein d’amour de justice et de joie
Accroche à ton cœur un morceau de chiffon rouge
Une fleur couleur de sang
Si tu veux vraiment que ça change et que ça bouge
Lève-toi car il est temps
Tu crevais de faim dans ta misère
Tu vendais tes bras pour un morceau de pain
Mais ne crains plus rien, le jour se lève
Il fera bon vivre demain
Compagnon de colère, compagnon de combat
Toi que l’on faisait taire, toi qui ne comptais pas
Tu vas pouvoir enfin le porter
Le chiffon rouge de la liberté
Car le monde sera ce que tu le feras
Plein d’amour de justice et de joie «

(© Pierre Nouvelle).