Reportage de Jean-François Cullafroz, journaliste honoraire carte de presse 49272, correspondant du quotidien Le Courrier (Genève)
Mgr Philippe Barbarin, cardinal-archevêque de Lyon était l’invité ce vendredi 19 juin 2015 du Club de la presse de Lyon. Cette rencontre, prévue de longue date, avait lieu le jour-même où l’encyclique du pape François sur l’écologie était publiée par le quotidien La Croix.
10 heures en ce vendredi 19 juin. Dans la presqu’île lyonnaise, aucune des librairies spécialisées, Saint-Paul, La Procure ou Decitre ne disposait de l’encyclique dont les médias parlaient déjà depuis trois jours. « Cela ne saurait tarder », nous répondait-on à la Procure, la librairie de la rue Henri IV. Et la vendeuse nous proposait de prendre en note notre commande. Sur la place Bellecour, à la librairie Saint-Paul, pas d’encyclique ni même de carte sur St François. Tout juste trouve-t-on dans les rayons un exemplaire des Fiorettis et deux du livre de la collection Prier avec St François. Là aussi, une vendeuse se démène comme elle peut au téléphone avec des interlocuteurs qui veulent connaître le prix. « Aux alentours de 5 € », leur répond-on, en précisant que le souhait du pape est que son texte soit « accessible au plus grand nombre ».
Alors, pour contenter sa soif, il faut aller chez le marchand de journaux. Sur la même place centrale entre Rhône et Saône, le dépositaire n’a pas été prévenu que le quotidien chrétien La Croix offrait aujourd’hui une édition spéciale.
Du brame du cerf à l’agnelage…
Pourtant, dans une salle voûtée voisine, à l’heure du déjeuner, les convives du Club de la presse de Lyon, en parlent allègrement. Il faut dire que devant une dizaine de journalistes, le Primat des Gaules rappelle son attachement ancien aux questions de protection de la nature, tant durant son ministère d’évêque de Moulins, que dans ses fonctions nationales où il a rencontré à plusieurs reprises Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’environnement, mais aussi Nicolas Hulot qu’il rencontre depuis dix ans. « C’est vrai que notre eglise s’était endormie en ce qui concerne la question de la Création. Et pourtant, les premiers mots de notre Credo rendent gloire au Dieu Créateur », confesse Philippe Barbarin.
« Vous savez dans le livre de Kessel, le roi, c’est le lion. Eh ! bien, moi dans la forêt de Tronçais par un jour d’automne j’ai pu apprécié comment le chêne était le roi… », confie-t-il. Et l’archevêque de Lyon d’en profiter pour glisser, que dans ce diocèse où il disposait de dix fois plus de temps libre qu’à Lyon, il a été conduit par des amoureux de la nature à écouter le brame du cerf, et avec des éleveurs, il a participé à des agnelages. En vallée verte, au cœur de la Haute-Savoie, je l’ai vu conseiller des journalistes du groupe Bayard Presse qui envisageaient de lancer une revue sur la nature. Il y avait parmi eux Fabrice Nicollino, le titulaire de la rubrique environnement de Charlie Hebdo. Un des rescapés, mais grièvement blessé du massacre du 7 janvier dernier.
… et une écologie à taille humaine
Devant la presse lyonnaise, le Père Barbarin a profité de cet échange de près de deux heures au cours d’un déjeuner pour reparler de son livre « Dieu est-il périmé ? ». Il a aussi précisé sa pensée sur le prochain synode des évêques sur la famille qui aura lieu en octobre à Rome et est ainsi revenu sur la loi du « mariage pour tous » et sur la GPA. « Il faut sortir des règlements. Les Dix commandements se sont d’abord des paroles de vie« , racontant coment un prêtre avait accueilli, écouté et accompagné deux femmes homosexuelles venues faire baptiser leur enfant. Un peu comme il le fait avec les accrocs de la drogue pour qui une maison a été ouverte à Ars, lieu de miséricorde. « Ceux qui accueillent sont d’anciens drogués qui s’en sont sortis et aident ceux qui veulent arrêter », raconte-t-il à titre d’exemple d’une écologie à l’écoute de l’humain.
Histoire de souligner comme le fait le pape François dans son encyclique que l’écologie doit être comprise dans un sens intégral, écologie de la nature, écologie humaine, écologie naturelle et sociale… Une autre conception de l’homme et du développement, comme l’avaient amorcé ses prédécesseurs Paul VI, et son encyclique Populorum progressio Jean Paul II, Benoit XVI. il l’avait dit à plusieurs reprises au pape polonais « les encycliques sur le monde du travail, c’est bien, mais plus de la moitié de la planète vit encore en milieu rural ».
Confiance, sérénité et enthousiasme restent les traits dominants de cette rencontre dans un bouchon de la presqu’île lyonnaise. Même si le prélat lyonnais s’avoue tiraillé entre de multiples sollicitations dans son diocèse, dont il avoue ne pas connaître encore toutes les communes, Paris, Rome, et puis bien l’Orient, puisque Mossoul et les chrétiens d’Irak sont chers à son cœur.
Les migrants et l’écologie, cela concerne aussi les campagnes
Au micro de Jean-François Cullafroz, il est revenu sur l’engagement de l’Eglise catholique aux côtés des migrants avec les Pères Bruno-Marie Duffé, Guibert, Thouvenot, Servanton, leurs églises et salles paroissiales ouvertes aux Roms, Kosovars, et autres Tchéchènes. Comme le message de l’encyclique, cet accueil de l’étranger concerne, non seulement les fidèles des villes mais aussi ceux des zones rurales. Originaire du Berry, l’archevêque entend s’adresser bien sûr aux catholiques de la grande métropole, mais aussi à ceux de la campagne. Par exemple, le Bois d’Oingt en Beaujolais, Givors aux portes des coteaux du Lyonnais où il était il y a quelques jours, ou aux habitants des vignobles septentrionaux de la vallée du Rhône qu’il visitera en décembre prochain. Une fois qu’il aura marché comme chaque année dans les montagnes susses qu’il affectionne. Entretien avec l’archevêque de Lyon.
Si les journalistes étaient à l’affut de scoop, ils ont été déçus. Toutefois, le cardinal Barbarin a rappelé son amitié avec le grenoblois Jean Bastaire et l’héritage qu’il devait faire fructifier. Par exemple auprès des jeunes (« et si la Jec des étudiants de jadis devenait la Jeunesse écologiste chrétienne », a -t-il badiné. Poursuivant en évoquant un dimanche dédié à la nature, il concédé qu’il ferait l’ouverture des 2e Assises chrétiennes de l’écologie du 28 au 30 août à St Etienne. Ajoutant, et c’est peut-être là une nouvelle de poids, qu’il était en quête d’un-e délégué-e épiscopal-e à l’écologie. « Un homme (diacre sans doute) ou pourquoi pas une femme ? », a-t-il susurré à une consœur journaliste pigiste pour l’hebdomadaire La Vie.
Le temps de rentrée en transport en commun en vallée du Rhône, l’encyclique envoyée en service de presse par les éditions Artège m’attendait dans la boîte : 4 euros 50 pour un ouvrage de 185 pages. Mais vous pouvez aussi la télécharger gratuitement sur le site de La Croix, et une version numérique est déjà disponible sur le portail Internet du Vatican.