Par Jean-François Cullafroz-Dalla-Riva, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272, correspondant du Courrier (quotidien à Genève).
Vingt-et-un ans après la manifestation altermondialiste de Gênes, Vincenzo Vecchi, l’un de 300 000 participants est toujours sous le coup de poursuites judiciaires enclenchées par l’Italie relayées par la justice française. Le seul tort de ce militant pacifiste est d’avoir participé à se rassemblement et d’avoir collecté quelques planches de chantier pour servir à une barricade. Il comparait ce vendredi 24 février 2023 à 11h30 devant la Cour d’appel de Lyon. Lors d’une conférence de presse de presse tenue à la Maison des avocats de Lyon, jeudi 23 février, son comité de soutien a rappelé le fil de l’affaire. Retour sur les arguments en défense développés par ses avocats, la Ligue des droits de l’homme, et par ses ami.e.s de Rochefort-en-Terre, parmi lesquels plusieurs ex-magistrats.
Le 20 juillet 2001, Vincenzo Vecchi, militant altermondialiste et écologiste milanais participait au rassemblement organisé à Gênes pour protester contre la tenue du sommet du G8. Quelque 200 000 à 300 000 personnes, venues de toute l’Europe, avaient rejoint cette manifestation, et Vincenzo était là.
Condamné par contumace dans preuve tangible
Onze plus tard, la justice italienne l’a condamné par contumace à douze ans de prison, alors qu’il s’était réfugié en France. Après deux mandats d’arrêt européens émis par l’Italie en 2016, Vincenzo est arrêté trois ans plus tard en Bretagne où il a refait sa vie.
Incarcéré pendant trois mois, il passe en jugement devant la Cour d’appel de Rennes qui constate que le mandat d’arrêt européen est éteint et qu’il n’y a pas lieu d’expulser Vincenzo Vecchi. Même jugement de la Cour d’appel d’Angers après appel du Parquet et passage devant la Cour de cassation. Les tribunaux français refusent son extradition vers l’Italie, mais la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), chargée d’interpréter les textes plaide pour l’extradition.
En vertu d’une loi élaborée par un régime fasciste
Pour Pascale Jaouen, ex-avocate et ex-magistrate à Vannes (Morbihan), la CJUE n’a pas joué son rôle, en cautionnant une loi italienne élaborée par le régime fasciste mussolinien.
Faire passer un délit relevant d’un tribunal correctionnel à un crime passible d’un jugement pénal est tout à fait hors de mesure.
Pour l’ex-magistrate Eva Joly, promoteure des mandats d’arrêt européen, les deux procureurs généraux ont manqué de bon sens en renvoyant l’affaire jugée par les deux cours d’appel devant la Cour de cassation.
D’autant que la peine de douze ans de prison prononcée par la justice italienne n’est en aucun cas proportionnée à l’éventuel délit de Vincenzo Vecchi pour sa participation à la manifestation de Gênes.
La Ligue des droits de l’homme (LDH) est partie prenante de la défense de Vincenzo Vecchi.
Pour Patrick Canin, représentant de la LDH lors du point-presse lyonnais, la Cour d’appel doit faire prévaloir les droits fondamentaux, et juger la responsabilité individuelle de la personne.
Pour Jean-Baptiste Ferraglio, voir un tribunal européen utiliser une législation élaborée par un régime fasciste pour l’appliquer dans un autre pays est un très mauvais présage pour les citoyen-ennes en général, et les militant.e.s en particulier.
L’audience a lieu vendredi 24 février 2023 à partir de 11h30 à la Cour d’appel de Lyon. On verra si les magistrats écoutent les arguments du comité de défense de Vincenzo Vecchi qui a fait le voyage depuis la Bretagne pour l’assister.
C’est ce qu’espère l’avocat Maxime Tessier, qui œuvrera avec sa consœur rennaise Catherine Glon pour la défense de Vincenzo Vecchi.
Affaire à suivre après l’audience lyonnaise en appel…