Par Jean-François Cullafroz, journaliste
L’Académie des langues anciennes 2013 vient de fermer ses portes à l’IUT de Digne, chef-lieu des Alpes de Haute Provence. Malgré la canicule, près de 80 « apprenants » de 14 à 87 ans se sont confrontés aux difficultés et aux joies du parler en akkadien, sumérien, sanskrit, persan, mais aussi des très classiques grec, latin, hébreu ou arabe. Cette institution qui totalise 32 sessions d’été a déjà en perspective l’édition 2014. Plongée dans les couloirs de l’IUT de Digne, et revue de détail avec des participants assoiffés d’apprendre et des enseignants qui ont la transmission aux tripes.
Qu’est-ce qui peut faire courir des dizaines de personnes venues de tous les coins de France, mais aussi du Luxembourg, vers cette petite ville de la région Provence-Côte d’Azur, à deux pas du massif du Lubéron et des gorges du Verdon ? Pourquoi vient-on le 14 juillet passé vers ce petit paradis où cigales, soleil et lavande font bon ménage avec des sabirs peu communs ?
Car à Digne depuis dix ans, l’Académie des langues anciennes tient une session de formation. 2013, consacrait la 32e année, le parcours ayant débuté dans les années 80 à Lunel dans aux confins de l’Hérault et du Gard. Cette année, du 15 au 25 juillet, ils étaient près de 80 « apprenants », jeunes et moins jeunes, qui oscillaient entre 15 et 87 ans réunis pendant douze jours. L’akkadien comme le grec, le sumérien comme le latin, le persan, l’arabe, l’hébreu ou le sanskrit ont fait transpirer les étudiants. mais quelle joie au terme de dix jours de labeur… Ainsi, parmi un bon groupe de jeunes, Félix Fabryczny, étudiant au lycée Louis-le-Grand à Paris. Il est venu à Digne par amour des langues et il témoigne.
De 17 à 82 ans…
Les jeunes représentaient 30 % des inscrits à cette session. A noter que si les adultes en retraite ou en activité paient une participation complète (420 € en 2013), les étudiants sont accueillis ici à demi-tarif. Un geste solidaire pour s’ajuster au mieux au budget des jeunes apprenants et favoriser ainsi leur venue.
Parmi les moins jeunes, Irène Maurette est une habituée de l’Académie. Après le grec et l’hébreu, elle s’est lancée cette année dans la découverte du sanskrit. Pour cette retraitée toulousaine, séjourner à Digne pendant deux semaines, ce n’est pas retourner à l’école de son enfance, mais au contraire ouvrir une nouvelle page de son patrimoine culturel personnel. Après un apprentissage intensif d’une nouvelle langue, elle aime pendant l’année la faire partager à ses amis. Elle a retrouvé avec plaisir sur place d’autres habitants de la ville rose. O mon païs, ô Toulouse, ô Toulouse…
Pour mettre en oeuvre cette académie estivale, il y a des bénévoles et une association. Sydney H. Aufrère a présidé l’association des Amis des langues anciennes depuis six ans. Cet enseignant-chercheur à l’université d’Aix-Marseille (Centre CNRS Paul-Albert Février), spécialiste de copte et d’égyptologie, est un passionné de la transmission des connaissances. Les trouvailles qu’il déniche dans un papyrus, il aime à en faire goûter la saveur. Directeur de l’Académie, il développe ce que sont les buts de cette université d’été.
De nouveaux horizons dès 2014
L’académie est une initiative née il y a 31 ans par la volonté de Christian Amphoux, un enseignant talentueux et exégète protestant atypique. Depuis, elle a trouvé des relais prolongée par d’autres tels Christian Boudignon ou Emmanuel Correia. Lors de l’université 2013, Sydney H. Aufrère a passé le relais de la présidence et de la direction à d’autres collègues, respectivement Philippe Cassuto et Emmanuéle Caire, Abdelatif Idrissi et Rémo Mugniaoni rejpognant le bureau comme vice-présidents.
Déjà très remarqué par des débutants du cours d’hébreu pour son enseignement original et décoiffant de la langue du peuple d’Israël, Philippe Cassuto apportera sa touche personnelle à l’Académie des langues anciennes dans les années qui viennent. Il a accepté de prendre la présidence à la suite de Sydney H. Aufrère, et il imprimera sa marque à ces semaines estivales qui entendent élargir leur auditoire. Pour l’été 2014, c’est des personnes toujours aussi avides de connaissances mais peut être moins assidues sur les bancs des salles de cours que cette académie souhaite accueillir. Philippe Cassuto dévoile en exclusivité le nouveau profil de l’édition 2014 de l’Académie. Parmi les nouveautés, le nouveau président confirme la mise en place d’un horaire réduit pour un public nouveau et l’introduction de l’étude du slavon.
En attendant le programme définitif, on peut noter le site de cette Académie originale, situé dans l’antique Dinia. Digne-les-Bains offre en permanence le soleil, la proximité de la montagne, la lavande et le chant des cigales, les échappées vers Nice par le train des Pignes et vers Marseille. Manosque et Jean Giono, Cimiez, Chagall et Matisse. Pagnol et le Mucem et les civilisations de la Méditerranée, tous fondus au même creuset des escapades d’été. Digne conserve la marque d’une cité provençale qui ne néglige ni le sport ni les bains de jouvence à la piscine des thermes, ni le cinéma et la pétanque, voire même la chanson de variété, le théâtre ou l’opéra si l’on veut pousser jusqu’à Sisteron et son festival des nuits de la citadelle. Sur place, le musée Gassendi, la cathédrale Notre-dame du Bourg, la dalle aux ammonites, le musée-promenade et son Jardin des papillons valent bien plus qu’un simple détour.