Enquête de Jean-François Cullafroz, journaliste
« L’affaire Pascal Vesin » continue à susciter des réactions. Dans la société, à l’instar d’un comité de soutien qui s’est créé sur facebook, mais aussi au sein de la Franc-maçonnerie française. C’est le cas du très laïc Grand Orient de France, mais aussi d’obédiences maçonniques plus spiritualistes, qui accueillent en leur sein, non seulement des pasteurs et des protestants, mais aussi des prêtres, des religieux et des catholiques en général. Petite revue de réactions.
C’est par l’information parue dans la presse que les responsables du Grand Orient de France (GODF) qui revendique 44 000 adhérents répartis en 1210 loges, ont appris la nouvelle. Une stupeur qui a vite été prolongée par l’inquiétude. En effet, le jour même de cette nouvelle, un groupe de militants d’extrême droite opposés à la loi pour le mariage pour tous, a envahi le hall de son immeuble parisien. On était à la veille de la dernière manifestation le 24 mai. « Ni laïque, ni maçonnique, la France est catholique, criaient les manifestants qui ont pénétré dans nos locaux », explique José Gulino, Très respectable grand maître du Grand Orient de France depuis septembre 2012.
« Ce qui se passe avec ce prêtre haut-savoyard est scandaleux. Cela donne le sentiment d’un retour à des méthodes inquisitoriales dignes du Moyen-Age. Avec la loi sur le mariage pour tous et une situation économique difficile, se révèle une fois de plus la stratégie du bouc-émissaire. »
Et il poursuit : « Je suis vraiment indigné par cette décision de l’Eglise catholique, qui ne m’étonne pas vu la position en matière dogmatique qui est la sienne. Mais pour nous, la liberté de conscience est totalement compatible avec la foi chrétienne. D’ailleurs, nous avons parmi des membres des chrétiens, des pasteurs protestants… Vraiment, ce qui me choque, c’est ce refus de permettre de penser librement qui découlerait de la foi catholique. »
Des obédiences plus spiritualistes
Du côté de la Grande loge de France (GLDF) qui rassemble un peu plus de 30 000 francs-maçons, la réaction est tout aussi vive. « Pour nous, il n’y a aucune incompatibilité entre la franc-maçonnerie et la foi chrétienne. Nos travaux sont placés sous les auspices du Grand architecte de l’univers. C’est une dénomination qui convient à tous, croyants ou non. Mais il est bien évident que pour les chrétiens il s’agit de Dieu » poursuit-il.
Et il ajoute que des chrétiens sont francs-maçons à la GLDF, mais que cela ne concerne en rien les responsables. « Nous ne cherchons pas à connaître la foi de nos frères, mais nous constations qu’il y a dans nos loges des chrétiens, protestants et catholiques notamment. La seule restriction que nous mettons est de s’abstenir de prosélytisme. Mais il en va de même pour les questions politiques », conclut Marc Henry..
Enfin, dans une petite obédience comme la Grande loge traditionnelle et symbolique Opéra (GLTSO), on condamne bien sûr la sanction qui touche le prêtre de Megève, mais on insiste surtout sur la proximité entre la foi chrétienne et la maçonnerie.
Polir sa pierre et croire en Jésus-Christ
« Dans le Rite écossais rectifié (RER), qui est un des rites de base de la franc-maçonnerie régulière, les loges sont appelées loges de St Jean. en effet, c’est sur l’évangile de Jean que les initiés prêtent leur serment », explique Jean-Marc Pétillot, Passé Grand maître de cette fraternité de 4 000 personnes. « Jésus est très présent dans le rituel notamment du RER », assure-t-il.
Cela ne veut pas dire pour autant que les réunions maçonniques (« les tenues ») copient ou singent une célébration catholique. Sur ce terrain, un membre chrétien d’une obédience maçonnique suisse conclut : « Quand je rentre en loge, je ne suis pas à l’église, et inversement. Ma foi de chrétien est celle que je voue à une personne, Jésus-Christ, que nous reconnaissons fils de Dieu. En franc-maçonnerie, je suis là pour polir ma pierre, c’est à dire pour m’améliorer et être plus fraternel avec mes soeurs et frères en humanité.»