Reportage de Jean François Cullafroz-Dalla Riva, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272.
Jeudi 4 juillet, deux rassemblements se suivaient à la Bourse du travail de Paris. L’un réunissait des professeurs de lycée qui poursuivaient la grève des notes du baccalauréat. L’autre, rassemblait des journalistes pigistes qui voulaient faire appliquer leurs droits. Dans les deux cas, la question du rapport des salariés au mouvement syndical était posée. Décryptage avec des militant.e.s, membres d’ associations, de collectifs ou de syndicats.
Ce lundi 8 juillet 2019, les épreuves de rattrapage vont se déployer dans des conditions particulières. En effet, les candidat.e.s qui y sont convié.e.s ne sont pas assuré.e.s des notes publiées il y a trois jours. La grève des correcteurs est passé par là.
Minoritaire, ce mouvement revendicatif reposait sur un malaise très sensible parmi les enseignants de différents niveaux, des profs d’école aux profs de lycée, mécontents des mesures successives du ministre de l’Éducation. Lors des épreuves, le 17 juin, certaines organisations, comme le Snes (FSU) ont appelé à manifester leur opposition. Mais, il a fallu plusieurs jours pour que cette organisation majoritaire soutienne la grève des correcteurs qui refusaient de transmettre leurs notes.
De même, face à une fédération de parents d’élèves (Peep) vent debout contre la rétention des notes, et mettant en avant « les enfants pris en otage », la FCPE a tardé à soutenir la grève des correcteurs et à déposer plainte contre le ministre. Et quelques jours plus tôt, le Sgen-CFDT, les étudiants de la Fage, les chefs d’établissement du Snupden-FSU avaient appelé Jean-Michel Blanquer au dialogue.
Thibaud est un des animateurs parisiens de cette grève qui a suscité hier encore la colère du président de la République, après les menaces de retrait de salaire de la part de son ministre. Ce professeur de physique-chimie explique les raisons de ce mouvement mené par de jeunes enseignants, et la difficulté des organisations syndicales à soutenir leur forme d’action.
Peu soutenu, le mouvement des correcteurs du bac trouvera peut-être des prolongements lors des épreuves de rattrapage, puisque des examinateurs ont annoncé vouloir faire preuve d’une grande mansuétude. Une manière peut-être aussi de témoigner que le mouvement d’action de leurs jeunes collègues avait des fondements.
Perte du sens du collectif…
L’incompréhension aussi parmi les syndicats de journalistes sur de nouvelles formes d’action telle la dénonciation d’entreprises de presse qui ne respectent pas les droits sociaux comme ceux que reconnait la loi Cressard.
Jeudi 4 juillet, on fêtait le 45e anniversaire de cette loi qui rappelle que les pigistes sont des journalistes à part entière. Si quatre syndicats de journalistes étaient au côté des collectifs et associations de pigistes, l’incompréhension et les regrets sont encore bien sensibles parmi certains militants syndicaux.
Ainsi, Denis Lemoine, militant du SGJ-FO, qui pointe la perte du sens collectif dans une société où l’individualisme est mis en exergue.
… et voie du dialogue retrouvé entre syndicats, collectifs et associations de journalistes
En début de semaine passée, les urgentistes aussi ont connu le désaveu syndical vis à vis de leur action récente. Alors que les discussions avec la ministre de la Santé piétinaient, une douzaine de professionnels de santé ont décidé de s’injecter de l’insuline au péril de leur vie. Une action démonstrative qui a recueilli le désaveu, y compris de la CGT.
Du côté des journalistes pigistes, la précarité s’accroit avec des conditions d’emploi et de travail bien éloignées de la légalité et des droits sociaux. Une situation d’autant plus intolérable quand on est attaché à sa profession et qu’on souhaite continuer à l’exercer.
Exemple avec Delphine Bauer, tout à la fois créatrice du collectif professionnel Youpress et d’une association de pigistes Ras la plume.
Une voie médiane semble se dessiner, syndicats, collectifs et associations acceptant de dialoguer et d’inviter unitairement la profession à l’action. C’est ce qui s’est passé jeudi 4 juillet à la Bourse du travail de Paris, où les syndicats CFDT, CGT, FO et SNJ ont dialogué avec des collectifs et associations de journalistes.
Il faut dire qu’après avoir créé ces collectifs et associations, des journalistes pigistes ont prolongé leur engagement en se syndiquant. C’est le cas de Bénédicte, Émilie et Emmanuel de l’association Profession pigiste. Ils ont amplifié leur volonté de défendre leurs droits sous des formes adaptées à leur jeunesse et leur vie de la vie en société.
Pour ces collègues, les guerres de chapelle et d’égos ne sont plus de mise et il est temps de retrouver les voies et moyens d’actions concertées qui puissent mobiliser cette profession.
L’appel de catégories plus jeunes de salariés rencontrera-t-elle la compréhension d’organisations syndicales qui ont forgé les luttes et acquis du mouvement ouvrier.
Toute la question est là, avec en filigrane leurs capacités d’adaptation et la pérennité même des dits-syndicats. « Le syndicalisme peut être mortel », martèle depuis plusieurs mois Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT. Bien que centrale la plus représentative, cette confédération syndicale n’échappe pas non plus à cette problématique.
Affaire à suivre donc de près sur un terrain sociétal où les partis politiques sont en butte au même questionnement, où les Gilets jaunes ont été une des illustrations de l’incapacité d’un gouvernement à comprendre les raisons profondes de cette forme nouvelle d’expression sociale.