Reportage de Jean François Cullafroz-Dalla Riva, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272.
Réunir en un temps record les syndicats CFDT, CGT, FO et SNJ, des associations et collectifs de journalistes autour de la question des pigistes n’était pas évident. Ce pari un peu fou a pris corps le 4 juillet 2019 à Paris. Cette réussite illustre les difficultés et le malaise croissant de salariés fiers d’être journaliste, mais qui ne supportent plus d’être traités comme des professionnels de seconde zone. Des journalistes qui ont soif de mouvements unitaires pour défendre leurs droits. Reportage, explications et entretiens.
Le mot d’ordre « Tous ensemble » semble bien loin pour des militant.e.s syndicaux qui voient le nombre de manifestants se raréfier au fil des années. Si les syndicats de salariés semblent ne plus faire recette dans la rue, il subsiste des mobilisations ponctuelles, et apparemment catégorielles, qui manifeste un malaise persistant au sein de la population. Jeudi 4 juillet 2019, ces constats ont été battus en brèche par le rassemblement de journalistes qu’a accueilli la Bourse du travail de Paris, à l’occasion du 45e anniversaire de la loi Cressard.
45 ans plus tard, les discriminations persistent…
Ce texte adopté par une assemblée majoritairement de droite a réaffirmé que les pigistes étaient des journalistes à part entière. Quatre décennies et demi plus tard, les droits sociaux des pigistes ne sont toujours pas respectés : discrimination salariale, statuts sociaux non respectueux du salariat et droits des femmes bafouées, notamment en matière d’indemnités journalières et de congé-maternité.
Bénédicte, Émilie et Emmanuel figurent parmi les responsables de l’association Profession pigiste. Ils sont aussi syndiqués respectivement au SNJ, à la CFDT et à la CGT. Ils expriment leurs attentes pour que les droits des pigistes ne soient plus mis en coupe réglée.
… et la responsabilité du gouvernement est engagée
Aujourd’hui, quarante-cinq ans après l’adoption de la loi, des éditeurs de grands groupes de presse reconnus n’appliquent pas la loi du 4 juillet 1974. Mieux même, ils s’ingénient à contourner le droit en multipliant les embauches sous des statuts atypiques : auto-entrepreneurs, auteurs…, et rémunèrent ces collègues en honoraires, droits d’auteurs, refusant d’appliquer les règles du salariat.
Malgré des relances régulières, les gouvernements successifs n’ont guère bougé pour être garant du droit. Or, depuis deux ans, le ministère de la Culture passe des contrats avec une cinquantaine de gros éditeurs qui bénéficient des aides gouvernementales à la presse. Pour les organisations de journalistes, les aides directes doivent être conditionnées au vu d’engagements sur la mise en œuvre de la loi Cressard dans l’entreprise.
C’est ce qu’explique Pierre Morel, qui représentait l’Union des photographes professionnels lors de l’assemblée du 4 juillet.
Pigiste heureuse, combattive et déterminée…
Élise Descamps anime le Pôle pigistes de CFDT-Journalistes de la fédération communication-culture-conseil (F3C-CFDT). Journaliste pigiste par choix, cette mère de famille assure dans l’Est de la France la correspondance pour un quotidien national et un magazine.
Elle exprime ses attentes, et celles de son organisation.
… et journaliste mensualisé en quête de sens collectif
Denis Lemoine est un journaliste mensualisé, reporteur à La France agricole. Dans ce groupe de presse, l’action syndicale a permis de faire respecter les droits des journalistes pigistes.
Pourtant, en retour, la syndicalisation n’est pas au rendez-vous. Ce militant du SGJ-FO pointe la perte du sens du collectif dans la population et au sein des salariés, journalistes compris.
Quand un syndicaliste appelle au secours
Premier secrétaire du Syndicat national des journalistes (Union syndicale Solidaires), Vincent Lanier exerce son métier de journaliste reporteur à Bourg-en-Bresse. Quand il ne traite pas de sport au sein du quotidien Le Progrès et du groupe Est-Bourgogne-Rhône-Alpes (Ebra), il accompagne ses collègues, en région comme à Paris.
Syndicat le plus représentatif de la profession aux élections professionnelles, le SNJ doit faire face à une multiplicité de tâches alors même que le vivier militant peine à se renouveler.
Aussi, pour ce syndicaliste, agir de concert avec des associations et des collectifs est aujourd’hui un impératif, si la profession veut continuer à défendre les intérêts des journalistes et la qualité de l’information.
(à suivre)
Notre prochain article : Journalistes pigistes (3), infirmier.e.s, enseignant.e.s : les syndicats ne doivent-ils pas doivent s’adapter ?