Reportage de Jean-François Cullafroz, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272
Le 22 février 2019, des dizaines de milliers de manifestant.e.s étaient dans les rues des villes et villages d’Algérie. Depuis, au fil des semaines, et notamment le jour férié du vendredi, le mouvement ne s’est pas arrêté, bien au contraire ! Il y a de bonnes raisons à cela. L’état de santé du président, sa trop longue présence à la tête de la république algérienne, la corruption massive et la conduite en sous-main par l’armée constituent les motivations principales du peuple qui se soulève pacifiquement. En France aussi, comme à Lyon, les Algériens descendent régulièrement dans la rue. Reportage au contact de ces ressortissants et interview du professeur Lahouari Addi, lors d’une conférence à l’Institut d’études politiques de Lyon, où il a enseigné de nombreuses années.
Le mouvement de révolte a eu tôt fait de traverser la méditerranée. A Marseille, Paris, Lyon et d’autres villes de l’Hexagone, elles et ils descendent chaque samedi dans les rues.
Ces Algériens, quels que soient leurs statuts sur le territoire (salariés venus travailler dans l’industrie et les services, jeunes étudiant.e.s, réfugiés politiques, binationaux…, hommes et femmes…) manifestent leurs solidarité avec le mouvement entamé dans ce pays resté si proche de la France. C’était le cas le 2 mars 2019 devant le consulat d’Algérie à Lyon, deux semaines après le début de la révolte en Algérie
Tout le pays se soulève
« La révolte a enflammé tout le pays », souligne Tahar Khalfoune, qui animait le débat organisé mardi 26 mars 2019 dans l’amphithéâtre Leclair de l’Institut d’études politiques de Lyon.
Le thème de cette soirée qui a réuni une centaine de personnes avait pour thème « L’élection présidentielle en Algérie en avril 2019 : un mandat de trop ». Le départ du président malade qui voulait se représenter n’avait pas encore eu lieu, mais après un mois de manifestation, il était clair que c’était toute l’Algérie qui était en ébullition.
Pour Tahar Khalfoune, docteur en droit et enseignant à l’Université Lyon 3 Jean Moulin, c’est une véritable révolution qui est marche, avec une jeunesse qui veut repenser les bases de son pays.
Pour le professeur Lahouari Addi, rattaché au laboratoire Triangle, et ex-enseignant en sociologie de l’Université Lyon 2 Louis Lumière, ce mouvement de protestation plonge dans le passé colonial de l’Algérie et la lutte pour l’indépendance.
Il était l’unique intervenant de cette soirée grand public et a détaillé son analyse des racines de la protestation, qui est très originale en regard des autres révolutions arabes.
Le professeur Addi observe avec intérêt la révolte qui perdure depuis deux mois.
Pour lui, la contestation est très profonde, et après la démission du président Bouteflika, il s’agit bien d’un affrontement entre la rue et l’armée. Et pour l’heure, le peuple n’est pas prêt de s’arrêter.
Dans les heures qui viennent, devrait être scellé la gouvernance provisoire du pays. On verra alors la réaction de la population, et notamment la façon dont elle traduira son avis vendredi prochain.
L’attitude la France, ancien pays colonisateur et pourtant patrie des Droits de l’homme, sera regardé de près. Elle est pour le moment ambiguë, et les médias et organisations humanitaires sont pour le moment les seuls à manifseter leur soutien au peuple qui s’est levé pour faire changer son pays.
Une affaire à suivre de près