Reportage de François Dalla-Riva, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272; correspondant du quotidien Le Courrier (Genève)
Le cinquantenaire du mouvement sociale et étudiant a donné lieu à une floraison de livres. Présentation de quelques-uns de ces ouvrages en lien avec Lyon.
Lyon 68, publié par les éditions croix-roussiennes Lieux-Dits, a ouvert le bal des parutions en novembre 2017, afin de faire partie des listes de cadeaux pour Noël dernier. Ses auteurs principaux (Vincent Porhel et Jean-Luc de Ochandiano) ont été épaulés par plusieurs contributeurs individuels (Sophie Béroud, Lilian Mathieu, Jacqueline Ponsot, J.-F. Cullafroz) et collectifs comme la CFDT qui a procuré de nombreuses photos et des documents divers (tracts, journaux, affiches).
Jean-Luc de Ochandiano a sélectionné avec soin plus de 200 images qui illustrent abondamment les 220 pages de ce livre qui fera référence, malgré des erreurs qui irriteront celles et ceux qui ont vécu cette période qui dépasse le seul printemps 68 pour survoler les décennies 1960-1970. Sa présentation très soignée comme tous les ouvrages édités par Alain Franchella, PDG de Lieux dits, mérite bien son prix (32 €) int_gre ce mouvement social dans le patrimoine lyonnais..
1968 et au delà…
Le groupe de travail CFDT en mai 68 dans le Rhône a fourni aussi une liste de contacts dont in retrouve les témoignages dans deux autres livres.
Dans Lyon en luttes dans les années 68 (éditions Presses universitaires de Lyon, 380 pages, 20 €), on peut lire les douze chapitres séparément, et s’arrêter, par exemple, sur CGT et CFDT sans l’après-68 à Lyon, ou On pouvait être cathos et révolutionnaires, et Parcours du militantisme à Lyon. Un certain nombre de militant.e.s pourront y reconnaître leur propre parcours, même si les acteurs ont été affublés de pseudonymes. Un part-pris éditorial à mon sens regrettable, d’autant qu’ils ne regrettent pas leurs actions passées et poursuivent leur engagement aujourd’hui encore.
L’ouvrage Changer le monde, changer sa vie (éditions Actes Sud, 1 118 pages, 28 €), balaie le panorama national où sont resitués des témoignages rhodaniens. Toutes les parties méritent d’être dégustées au fil d’une présentation formellement soignée (papier bible, typographie).
Mais on pourra s’arrêter sur l’ouverture, où Sophie Béroud examine des parcours militants au long cours, et dans la seconde partie ; sur l’histoire du PSU examinée « au carrefour des gauches alternatives ». On appréciera aussi une large part du livre consacrée au mouvement féministe, même si des erreurs concernent l’engagement précoce de la CFDT dans ces combats.
En osmose avec le mouvement social
Une équipe lyonnaise d’enseignants et de chercheurs, dont un certain nombre sont intervenus dans les journées d’études et colloque CFDT (Sophie Béroud, Lilian Mathieu, Vincent Porhel) livrent des études qui n’ont rien d’ennuyeux. Au contraire, elles analysent les démarches collectives, notamment de la CFDT, et les cheminements individuels de ses militant.e.s.
Ces regards pluridisciplinaires mettent en exergue tout à la fois l’osmose de la CFDT (et du PSU) avec le mouvement des étudiants et des salariés, et dans le demi-siècle qui a suivi la capacité de résilience et la fidélité d’adhérent.e.s malgré les évolutions idéologiques de leurs organisations.
A lire aussi les témoignages livrés aux éditions de l’Atelier et à Médiapart, compilés dans l’ouvrage Mai 68 par ceux qui l’ont vécu, coordonné par Boris Gobille, universitaire lyonnais (Ecole normale supérieure et laboratoire Triangle), et Christelle Dormoy-Rajramanan et Erik Neveu (29,90 €).
On pourra y lire la contribution de Christophe Coupaud, un des représentants rhonalpins du Maitron, le dictionnaire biographique du mouvement ouvrier.
La révolution des soutanes
Dans un autre registre, où nombre de cédétistes se retrouveront, L’Eglise dans la tourmente de mai 68 (éditions Artège, 273 pages, 17 €). Écrit d’une plume très alerte par l’historien Yves Chiron, ce livre de facture nationale, laisse place dans son neuvième chapitre sur le Forum des prêtres lyonnais (septembre 1968).
Une initiative tout à fait atypique des séminaristes et des prêtres, futurs militants CFDT aujourd’hui retraités, furent les instigateurs de cette mini-révolution ecclésiale.
A lire encore aux éditions La Découverte (880 pages, 29 €), la réédition de 68, une histoire collective (1962-1981), un ouvrage qui examine la longue durée et dont l’historienne lyonnaise Michelle Zancarini-Fournel est la co-auteure avec Philippe Artières.
En musique et en BD
Jacques Tardi et Dominique Grange ne sont pas lyonnais, mais dans les cortèges qui ont arpenté la capitale des Gaules, on a souvent chanté les mélodies de Dominique Grange. Aussi, il était naturel de parler du coffret Chacun de vous est concerné. Alliant la BD et la musique, ce livre qui deviendra un ouvrage collector est le fruit du travail commun du couple Dominique Grange-Jacques Tardi (éditions. Casterman, 42 €). On pourra feuilleter pas moins de 52 pages de dessins de notre confrère valentinois, tout en écoutant les chansons composées et chantées durant le printemps 68.
Dominique Grange fut membre du Comité révolutionnaire d’action culturelle (CRAC) créé par des artistes à la Sorbonne en 68 puis milita avec les maoïstes de la Gauche prolétarienne. « Nous sommes tous des dissous en puissance, nous sommes tous des juifs et des allemands », en hommage aux groupuscules et au leader roux et anarchiste de l(université de Nanterre.
(à suivre)
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