Un grand parmi les tout-petits

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Samedi 16 abril 2016, 200 habitants du quartier de Parilly à Bron ont rendu un hommage mérité à un de leures voisins, un prêtre discret, ouvrier en usine et militant pour le logeùment pour tous et l'accueil des étrangers (© Pierre Nouvelle).

Samedi 16 avril 2016, 200 habitants du quartier de Parilly, à Bron (Rhône), ont rendu un hommage mérité à un de leurs voisins, un prêtre discret, ouvrier en usine et militant pour le logement pour tous et l’accueil des étrangers (© Pierre Nouvelle).

Reportage de François Dalla-Riva, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272

Voir un quartier se mobiliser pour manifester leur solidarité à l’un de leurs est un évènement qui mérite d’être souligné, même s’il ne fera pas la Une des journaux télévisés de 20 heures. Et quand la personne honorée est un prêtre, de surcroît ouvrier, militant syndical CGT et acteur pour le droit au logement à Bron-Parilly, un quartier populaire marqué par une présence maghrébine, voilà qui mérite attention. Retour sur des funérailles organisées très simplement samedi 16 avril 2016, et sur les témoignages de ceux qui ont approché Henri Morisson.

L'hommage des habitants du quartier de Bron-Parilly a débuté par une cérémonie en l'église du Christ-Roi (© Pierre Nouvelle)

L’hommage des habitants du quartier de Bron-Parilly a débuté par une cérémonie en l’église du Christ-Roi (© Pierre Nouvelle)

« Un grand homme au service des petits », c’est ainsi que les habitants du quartier de Bron-Parilly, définissaient Henri Morisson. Ce prêtre-ouvrier nous a quittés il y a une semaine, et samedi 16 avril, se déroulaient ses funérailles, présidées par le Père Franck Gacogne,  dans l’église catholique du Christ-Roi dans le quartier où il habitait. Une paroisse qui a hébergé dans les années soixante un prêtre qui retournera au travail : Dominique Jarrosson.

Henri Morisson était un homme de dialogue, qui discrètement mais avec ténacité à passer sa vie à tisser les liens, danson atlier de travail comme dans son quartier (© Pierre Nouvelle).

Henri Morisson était un homme de dialogue, qui, discrètement mais avec ténacité, a passé sa vie à tisser les liens, dans son atelier de travail comme dans son quartier. Alors, il était naturel que la cérémonie religieuse de ses funérailles débute par un échange entre les participants. (© Pierre Nouvelle).

Lutter pour un monde meilleur

Pour cet homme de contacts, médiateur par excellence,ses amis ont souhaité que l’assistance présente ouvre ses funérailles en se disant comment il avait rencontré celui qui les rassemblait. Puis un chant a été repris par tous, sur la musique de la 9e symphonie de Dvorak : Vers un monde meilleur, traduisant ainsi le sens de la vie du disparu.

Henri Morisson restera toute sa vie un homme discret, Breton de naissance et de santé fragile, il a travaillé dans plusieurs usines lyonnaises (Far, Paris-Rhône et les Câbles de Lyon), où il a servi ses collègues de travail en tant que délégué du personnel syndiqué à la CGT. Ensuite, la retraite venue, il s’est engagé pendant près d’un quart de siècle pour le droit au logement, se battant contre les démolitions décidées par la municipalité de Bron, et pour le relogement de la population dans son quartier de Parilly.

Alternance de temps de prière et de témoignages de vie

Durant la cérémonie dans une des églises de la paroisse St Benoit à Bron, les témoignages se sont succédé, en présence de nombreux voisins, amis, prêtres-ouvriers, militants syndicaux CGT et CFDT, et d’élus locaux comme le maire de Bron, Jean-Michel Longueval.

Qui peut le mieux parler d’un défunt qu’un de ses parents. Claude Morisson, frère mariste, évoque Henri, son aîné.

Après sa vie en entreprise, Henri Morisson n’a pas délaissé son engagement syndical, et il a continué à militer en tant que retraité. Françoise Chalons a témoigné de sa persévérance, celle d’un homme de cœur, opposé à toutes les injustices..

Un acteur du vivre-ensemble de son quartier

Les temps de prière très intenses et emplis d’émotion ont alterné avec la parole des habitants. Exemple avec Roland Couturier, un enfant du quartier qui avu démolir son immeuble, et s’est engagé aux côtés d’Henri Morisson pour le logement des plus pauvres et pour l’accueil des enfants d’étrangers (Roms par exemple) avec l’ONG Réseau éducation sans frontière (RESF). Pour lui, Henri Morisson restera un exemple, une personne qui lui a servi de repère, et qui a su le conseiller quand il en avait besoin.

Une marche silencieuse et recueillie

Sans tambours ni trompettes, avec simplicité, à la sortie de l’église, les participants se sont dirigés vers le 24 de la rue Paul Pic au pied de l’allée où résidait il y a une semaine encore Henri Morisson. Il habitait l’UC 6, une des douze barres d’immeubles construites dans les années cinquante. A cette époque, où l’on avait besoin de logements sociaux, l’architecte lyonnais René Gagès fut un pionnier. A l’image de Tony Garnier dans les années trente dans le quartier des Etats-Unis ou à Gerland, le fondateur de l’Atelier d’architecture et d’urbalisme lyonnais s’engageait sur les traces de Le Corbusier. D’ailleurs, on a souvent comparé le premier immeuble qui bordait le boulevard de Ceinture à ceux de la Cité radieuse de Marseille.

Originaire de Pondichéry (Inde), la famille de Patricia Andonissamy a été pour Henri Morisson comme sa seconde famille. Voisin serviable pour tous en toutes occasions, ce bricoleur, artisan du bois, a aussi beaucoup reçu de son entourage. Car, dans ces ensembles populaires, la vie difficile voire la misère, sont largement compensées par la solidarité, l’accueil, et la vie interculturelle, dont faisaient preuve nombre d’habitants.

 

Une halte devant le 24 rue Paul Pic, lieu de résidence d'Henri Morisson, a ponctué la marche qui s'est déployée entre l'église du Christ-Roi et la salle des fêtes Galaxy au pied des UC, ces immeubles construits dans les années cinquante (© Pierre Nouvelle).

Une halte devant le 24 rue Paul Pic, lieu de résidence d’Henri Morisson, a ponctué la marche qui s’est déployée entre l’église du Christ-Roi et la salle des fêtes Galaxie au pied des UC, ces immeubles construits dans les années cinquante (© Pierre Nouvelle).

Un combattant de la solidarité et de la diversité culturelle

Patricia Andonissamy menait la marche qu’elle avait organisée, car dit-elle,  » M. Morisson  a manifesté de nombreuses fois devant la rue Paul pic avec des banderoles. Je voulais reproduire cela mais en silence par respect pour ce qu’ il a fait , et parce qu’ il a toujours voulu être discret « .

Au fil du parcours des jeunes et moins jeunes qui n’étaient pas présents à l’église se sont joints. Elle témoigne de ce voisin qu’elle a connu à l’âge de huit ans.

Patricia Andonissamy ajoute que  » Pour Henri Morisson, le fait de ne pas dévoiler sa vie de prêtrise était aussi une manière de montrer aux autres que si il parvenait à accomplir des prodiges, c’est qu’il était habité par le Christ, par son amour. Sans cela, il n’aurait pas pu œuvrer pour chacun d’entre nous. Aujourd’hui, c’est à chacun (chrétiens ou non) à  s’interroger, à se demander pourquoi Henri a voulu se mettre au service de son prochain. C’est une éventuelle invitation à faire de même, par  nos propres moyens « 

Un passeur d’engagements.

Henri Morisson voulait être un passeur. Passeur de sens, passeur d’engagement, dans le respect de la richesse des personnes rencontrées, où il discernait toujours ce qui pouvait conduire à grandir en humanité.

Maurice Dinawademalonga a rencontré Henri Morisson, un lundi, jour de marché sur la place principale de Bron, derrière la mairie. A l’occasion d’un tract protestant contre la démolition d’immeubles, Maurice a signé une pétition de soutien. Un mois plus tard, à la demande de celui qu’il avait rencontré, ce jeune s’est à son tour mobilisé. Grâce à Henri Morisson, Maurice a pu poursuivre des études à l’université et a choisi une voie d’avenir : celle de l’action pour l’environnement et le recyclage. Il se souvient.

Lancés à la Libération de la France par l’Eglise catholique pour renouer avec la classe ouvrière, les prêtres-ouvriers furent interdits en 1954. Dans cette période de Guerre froide au niveau international, le pape Pie XII estimait que ces clercs étaient trop proches de la CGT et du Parti communiste français. Dix ans plus tard, dans la foulée du concile Vatican II, l’institution religieuse les autorisa à nouveau. A Lyon, l’ancien supérieur du Prado, « l’évêque rouge », le Père Alfred Ancel, fit beaucoup pour renouer ces liens entre militants ouvriers et l’Eglise catholique.

Parilly, un quartier qui abrite environ 2 000 familles, et plus de 6 000 habitants, construit par des architectes élèves de Le Corbusier a vécu des démolitions de barres et une lente reconstruction limitée (© Pierre Nouvelle)

Parilly, un quartier populaire de Bron (Rhône) qui abrite environ 2 000 familles, et plus de 6 000 habitants, construit par des architectes élèves de Le Corbusier a vécu des démolitions de barres et une lente reconstruction limitée (© Pierre Nouvelle)

Aujourd’hui, alors que nombre d’entre eux ont pris leur retraite, les prêtres-ouvriers effectivement encore au travail restent moins de cinquante. Après quelques années en paroisse à Villeurbanne, Henri Morisson a passé quarante années de sa vie de prêtre en travaillant dans la métallurgie. Bruno De Seauve, lui aussi prêtre-ouvrier a vécu en compagnie d’Henri Morisson. Il se souvient.

Henri Morisson laisse au moins deux chantiers ouverts, au sein desquels il n’aurait pas manqué de discerner des germes d’espérance. Tout d’abord, le refus de nouvelles démolitions de logements comme celle de l’UC1 programmée prochainement dans le vcadre du projet de renouvellement urbain, la poursuite de la réhabilitation des quartiers populaires et le redémarrage de la construction d’habitat social. Et puis, une réouverture de l’Eglise catholique sur les pas du pape François. Car l’essentiel pour celui qui a quitté ses voisins de quartier était bien de voir en chacun ce qui pouvait aider à faire croître la vie !

Un recueil sur Henri Morisson comportant de nombreux témoignages sera édité prochainement. Pour en savoir plus, on peut le joindre en le contactant : bruno.de-seauve@orange.fr

 

 

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