Camminare (2) : Et des journalistes entrent dans la danse !

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Articles de Jean-Yves Estre (Le Dauphiné libéré), Maud Lamassiaude (Le Progrès) et Dominique Martin (La République du Centre).

Paru en mars 2020, en plein confinement, Camminare vient d’être réédité et devrait être présent sur plusieurs salons à la rentrée ( © DR/Bernadette Griot ).

Après deux lectrices, voici le témoignage de trois journalistes qui ont jaugé Camminare. Et tout d’abord, les régionaux de l’étape : Jean-Yves Estré du Dauphiné libéré et Maud Lamassiaude du Progrès, ainsi que Dominique Martin, un ex-journaliste de La République du Centre.

Des nouvelles ancrées dans le terroir

Journaliste de radio et de presse écrite, Jean-François Cullafroz-Dalla Riva vient de publier un recueil de sept nouvelles policières : « Camminare« .

Pourquoi ce titre ?

« Camminare, c’est cheminer en italien », explique l’auteur, et ce recueil est un cheminement de nouvelle en nouvelle, dans différentes régions jusqu’au bassin viennois, où j’habite.

Fils d’un montagnard haut-savoyard et d’une mère italienne ayant fui le fascisme, j’ai pas mal baroudé… »

Journaliste et gendarme au coude à coude

Entre Rocca-delle-Pioggia et Piovene-Rocchette, les ressemblances sont évidentes ( © Pierre Nouvelle ).

Ainsi, du val de Saône à la vallée du Rhône, avec des incursions à Genève, Sarajevo, Rocca-delle-Pioggia, Annecy ou Ostende, le journaliste Paul Lieutaz, son héros récurrent, collabore avec un major de gendarmerie auquel le lie une amitié fraternelle dans tous les sens du terme.

Ils mettent à profit leurs enquêtes pour découvrir les richesses du terroir:  » Depuis l’un de mes premiers reportages, dans les Pierres dorées, cette passion du vin, comme véritable art pour les paysans, mais aussi art de vivre pour ceux qui dégustent, ne m’a pas quitté. Le blog que j’entretiens (www.lecumedunjour.fr) comporte d’ailleurs une rubrique intitulée Autant en emporte le vin… »

Un journaliste qui écrivaillonne

Dans son personnage, on peut retrouver certains points communs avec Cullafroz. Ce n’est sans doute pas un hasard :  » on met un tant soit peu de soi dans ce qu’on publie », confie-t-il, même s’il ajoute avec modestie, je ne suis pas un écrivain, ni un romancier, mais un journaliste qui écrivaillonne. »

Jean-Yves ESTRE, Le Dauphiné libéré, 14 avril 202

Quand il se met à sa table de travail, le journaliste a devant les yeux la côte brune et la côte blonde du vignoble de Côte rôtie ( © Pierre Nouvelle ).

Pour sa part, Maud Lamassiaude, relais du Progrès sur la rive droite du Rhône, a fait la recension de Camminare dans les colonnes du quotidien lyonnais.

Des nouvelles policières sur fond de journalisme et d’œnologie

En période de confinement, certains peuvent prendre le temps de lire.
Avec Camminare, voyagez en toute sécurité à travers sept nouvelles policières du journaliste ampuisait, Jean-François Cullafroz-Dalla Riva.

Journaliste ampuisait à la retraite, Jean-François Cullafroz-Dalla Riva n’en est pas à son premier ouvrage. Avec « Camminare », ses sept nouvelles policières se rapprochent du roman, mais dans chacune de ses histoires, l’écriture et la démarche journalistique sont toujours perceptibles. Il part parfois de faits réels mais avec un dénouement fictif.

Et pourtant, on croirait à des dossiers sortis des archives, de vraies enquêtes du major de gendarmerie Emile Chambertin et du journaliste Paul Lieutaz, les compères qui se retrouvent toujours pour démêler des affaires hétéroclites aussi bien au niveau des personnages, des histoires que des zones géographiques. On croirait reconnaître des noms, on se remémore certains lieux de Vienne, de Villefranche, du Beaujolais. Il nous fait voyager aussi en Bourgogne, en Savoie, à Sarajevo…

Journaliste plus que romancier

L’auteur est héritier d’une double filiation, savoyarde du côté paternel, et vénitienne pour la partie maternelle ( © Pierre Nouvelle ).

Avec une dizaine d’années à écrire des articles sur le milieu agricole et viticole, on y retrouve en arrière-plan l’une des passions de l’auteur : l’œnologie (en plus du cinéma). Par son format (nouvelles), le suspense est bref mais efficace. « Je reste un journaliste, pas un romancier. Je ne pourrais pas faire d’intrigue qui tienne tout un roman. »

Journaliste né à Lyon, héritier d’une « double filiation frontalière (Savoie-Piemont-Sardaigne et Province de Vénétie), il a exercé au sein de nombreuses rédactions dont celle du Progrès de Lyon. « Des histoires, j’en ai plein mon panier, explique l’auteur.

Lorsque j’étais rédacteur en chef dans un bi-hebdomadaire beaujolais, avec mon collègue qui couvrait les faits divers, après l’assassinat non résolu d’un député, nous nous étions dit que cela vaudrait le coup d’écrire un livre. Je me suis lancé plusieurs années après, quand l’idée avait mûri, et j’ai fini la dernière nouvelle cet été. »

Financement participatif

« Camminare » a vu le jour grâce au financement participatif (à 100 %). « C’est un nouveau mode de financement très prisé, qui donne une crédibilité après auprès des maisons d’édition. Cela fonctionne très bien. J’ai eu plus de souscriptions que ce qu’il était nécessaire. » À présent, en plein contexte de confinement, il se débrouille pour envoyer, notamment par la poste, ses commandes. Lorsque le premier stock sera écoulé, il mettra peut-être en place une version numérique qui pourrait être pratique en cette période.

En tout cas, cet ouvrage représente une très bonne échappatoire. Il permet de se changer les idées et de voyager. Sans prendre de risques.

Maud LAMASSIAUDE, Le Progrès, 14 avril 2020

Santé Jean-François !

Entre région parisienne et Val de Loire, non loin de Chartres et d’Orléans, le journaliste Dominique Martin, ancien du quotidien La République du Centre, livre ses impressions après avoir refermé le 203e page de Camminare.

Camminare a  bien fait son chemin jusqu’à moi. J’en ai épuisé la lecture, dès réception  la semaine passée. Un réel plaisir et une vraie belle évasion en ces temps maussades de confinement.  Avec l’envoi, la  dédicace chaleureuse n’aura  fait qu’ajouter à mon impatience de filer la trace de Paul Lieutaz. Tout cela  mérite  bien un très amical salut d’encouragement  qui prend ici,  clin d’œil confraternel voulu, la forme de petite chronique littéraire.

L’atmosphère de l’ouvrage dans son écriture limpide, précise et disons-le toute journalistique,  ne m’a guère surpris. Il y a quelque temps, tu avais levé le voile sur le bébé me parlant en grande modestie de simples histoires  policières. Le meilleur restait à venir. Je n’ai pas été déçu. Le coup d’essai est assez réussi.

Du grabuge à l’évêché

La troisième nouvelle démarre à Autun (Saône-et-Loire) autour des milieux religieux ( © Pierre Nouvelle ).


Le genre, sous ta plume, parvient encore à nous réserver de belles surprises. En particulier, je ne  devinais pas qu’il y aurait, dans cette suite de nouvelles, une part de fraternité volontariste aussi assumée.

Sur ce plan – au passage on comprend mieux  la formule sibylline du sous-titre du livre – la troisième étape, « Grabuge à l’évêché »,  avec ses protagonistes bien logés (!), a été de celles  que j’ai le plus appréciées.


Au fil de cette série de faits divers, autant de tranches de vie (en partie vécues ?) toutes bien différentes, se succèdent, intenses en degrés, des mystères savamment révélés. Profane  ou initié, chacun y trouvera ses préférés, comme moi plaisamment maintenu sous tension jusqu’au moment du dénouement, toujours inattendu.

Les sept nouvelles font se promener le lecteur au fil de la vallée du Rhône ( © Pierre Nouvelle ).

Dans la succession de lièvres levés, de troublantes coïncidences, d’homicides en assassinats, le long couloir rhodanien, élargi à ses confins, se dessine  truffé de drames insolites et de bien curieuses affaires. Derrière les noirs desseins de sombres acteurs, se découvrent aussi des univers bien particuliers.

Le souci permanent du décor ciselé

Le narrateur sait  créer les atmosphères et là se reconnait un vrai style. Il habille habilement  chaque intrigue autour de personnages bien campés, contribuant  ainsi et de manière réaliste à la cohérence de chaque histoire.
J’ai  apprécié derrière le crime,  les arcanes de l’industrie du nucléaire avec sa dose d’espionnite, enveloppée dans un arrière-plan 7e art.

À un autre moment, quand traquant un suspect, Lieutaz se met à  table (!) avec  ses amis, je me suis mis à saliver d’envie à l’évocation de quelques crus confidentiels de douce saveur.

Et ne parlons pas de l’allusion à l’andouillette  « Bobosse », au détour de la quatrième marche, précédée d’un titre bien alléchant lui aussi puisqu’il est tout simplement question « Du rififi dans les vignes » (du Beaujolais).

Savoir allier mets et vins pour que les langues se délient : un stratagème souvent employé par les deux enquêteurs : le journaliste et le gendarme ( © Pierre Nouvelle ).

Le cadre et les  détails, par touches successives  (je n’oublie pas les fromages de Tamié ou de la Pierre-qui-Vire),  participent ainsi adroitement  à la composition des  tableaux pour nous conduire, en un plaisant vagabondage, jusqu’au terme forcément fatal des différentes enquête.

Le maintien du suspens, c’est la loi du genre

Au passage, publiés à la petite semaine comme l’on dit, ces sept nouvelles auraient sans doute pu aisément trouver  place dans  L’Essor, L’Éveil des Morvandiaux ou  Le Patriote du Beaujolais, gazettes réelles ou imaginaires  qui fleurent bon le terroir, pour ne pas parler de journaux plus largement connus qu’en parfait connaisseur tu évoques au fil de tes pages. En les tournant, on sent biens ici ou là, guidé par Lieutaz, la fébrilité des petites rédactions locales, l’encre fraiche et la fièvre des soirées de bouclage…

Au fil de quarante ans de carrière, l’auteur de ce polar a exercé son art dans les différentes formes de presse ( © Pierre Nouvelle ).


Tu le sais, l’idée et le parallèle ne doivent pas ébranler ta modestie, il y eut dans nombre de journaux, au XIXe siècle en particulier, des rubriques en forme de romans feuilletons avec des  signatures devenues illustres.

Heureuse époque où une presse populaire, bénie soit-elle,  avaient aussi ses exigences littéraires… Mais peut-on, raisonnablement,  l’envisageait encore aujourd’hui ? Fermons plutôt parenthèse et la piste.

Bonne chère, bons vins, cinéma, actualité…


Dans Camminare, apparente fiction, les ressemblances avec des faits et des personnages ayant existé sont permanentes et d’une évidence limpide pour qui te connait un peu, contrairement à ce que laisse entendre la quatrième de couverture.

Au delà du parti pris romanesque convaincant, derrière chaque intrigue, chaque personnage, chaque situation, chaque lieu ou symbole (les sept chapitres en sont-ils un ?)  se découvre  en creux,  l’auteur lui-même, avec ses passions, ses multiples centres d’intérêts (bonne chère, bons vins, cinéma, actu proche ou plus lointaine, Histoire), son attachement au(x) pays et surtout au métier de localier.

Dans le texte,  on perçoit également  la  fidélité en amitiés du reporter.

Elle n’est  pas seulement de  gauche et syndicale (on ne pouvait échapper mezzo voce aux références cédétistes), mais également gendarmesque, pas uniquement par besoin, ou encore liée à des  communautés pas forcément laïques, ce qui, évidemment,  ne constitue en aucune manière un crime !

Da la vallée d’Arve et la gare de Sallanches-Combloux-Megève, le Mont-Blanc est à porté de vue, et les vallées italiennes chères à l’auteur sont toutes proches ( © Pierre Nouvelle ).

Dans ce singulier parcours, il y a aussi,  en filigrane,  une tranche de  généalogie transalpine dont on ne peut  pas ne pas penser qu’elle te concerne directement. L’ultime séquence de l’ouvrage, intitulé « Le Chemin des Vaudois », en est,  je suppose et sans crainte d’être démenti,  le  probant  témoignage.

Thérapie et nostalgie, à peine voilée

Finalement,  dans toutes ces évocations bien troussées, il y a perceptible, une  thérapie (conscience ou pas) qui fait  du bien à l’auteur et une dose de  nostalgie à peine cachée  pour le métier tant aimé de chroniqueur qui rendent  féconde son écriture et  pour tout dire attachante la lecture de Camminare.


Des pérégrinations policières du reporter Paul Lieutaz, on attend maintenant vivement la suite. Je la lirai bien volontiers, dans le  fauteuil, un verre de cornas, de gevrey  ou de givry à portée de lèvres. Santé Jean-François !

Dominique Martin, 3 mai 2020

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