Après le suicide d’un chômeur nantais : des situations personnelles à traiter globalement

Posté le par dans Coup de gueule

 

Le 13 février 2013, Djamal C., un homme de 41 ans se donnait la mort publiquement devant son agence Pôle Emploi de Nantes. Il était au chômage depuis quatre ans et allait être privé de ses allocations. L’émotion a été immense, mais pour autant les suicides de personnes désespérées ne se sont pas arrêtés. Suicides, par exemple liés aux conditions de travail. Après France Télécom, La Poste n’échappe pas à ce fait de société, directement attaché au stress et au harcèlement. C’est ce que souligne Ilma Choffel de White, l’épouse d’un cadre de cette entreprise publique, qui a décidé de militer pour la prise  en charge des personnes atteintes de burn out. Le quotidien Le Monde dans son édition du 31 mars 2013 s’en est fait largement l’écho. Car malgré le rapport de Jean Kaspar sur les conditions de travail à La Poste, les suicides se pousuivent.

Deux mois après la mort de ce chômeur nantais et l’hommage public qui lui a été rendu, mardi 16 avril, Gérard Clavairoly, journaliste, et Michel Debout, médecin, professeur de médecine légale, de psychiatrie et de droit, auteurs du livre Le suicide, un tabou français, donneront une conférence publique à Paris, au temple du Saint-Esprit. Ils seront accompagnés du grand rabbin Haim Korsia, aumônier général des armées, auteur du livre Ethique et action publique. Rendez-vous est donné à 19 heures5 rue Roquépine – Paris 8e, pour une soirée autour du thème « Le suicide, tabou social, tabou religieux – Parole citoyenne, parole religieuse ».

Samedi 16 février, une centaine de personnes rendaient hommage à ce chômeur nantais qui s’est donné la mort quelques jours plus tôt. En France, le nombre de suicides concernent plus de 10 000 personnes par an, près de quatre fois plus que les morts par accidents de la route. Si le suicide recèle des causes multiples, ce phénomène en augmentation est un réel fait de société qui reste à analyser et prendre en charge. Voilà plusieurs années que le professeur Michel Debout, médecin stéphanois, et le journaliste lyonnais Gérard Clavairoly attirent l’attention sur le suicide, proposant la création d’un observatoire. depuis une semaine, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a repris cette idée à son compte. Dans l’entretien qui suit cet article, notre confrère revient sur l’ampleur des suicides et explique la nécessité pour les pouvoirs publics de mieux en cerner les causes.

 Entre 10 000 et 12 000 personnes se suicident chaque année. C’est quatre fois le nombre de morts sur la route. Un phénomène dont on parle beaucoup moins que les accidents de la circulation et qui constituent pourtant un drame, réellement révélateur de l’état de la société. Ce qui s’est passé à Nantes en atteste, et il aura fallu la mort dramatique d’un chômeur pour que la ministre de la Santé annonce la création d’un observatoire.

Avec le docteur Michel Debout, le journaliste Gérard Clavairoly soutient la création d’un Observatoire national des suicides. (© Pierre Nouvelle)

En France, le suicide est une cause de mortalité bien supérieure aux accidents de la route. Pourtant, on en parle si peu qu’on peut légitimement penser qu’un tabou existe en la matière. Depuis plusieurs années, Michel Debout, professeur de médecin à St Etienne, et Gérard Clavairoly, journaliste lyonnais, spécialisé dans les questions de santé et société propose la création d’un observatoire du suicide. L’objectif serait de recenser correctement le nombre, mais aussi les causes des suicides afin de mettre en place une politique de prévention. « Des pays européens arrivent très bien à prévenir le suicide et à faire baisser le nombre de décès, pourquoi pas nous ? », interrogent-ils.

 Des causes sociales évidentes

Les causes sociales du suicide sont pour eux évidentes. Il peut s’agir de la solitude notamment pour les personnes âgées, en particulier à la campagne. C’est aussi le cas d’autres, victimes d’une précarité croissante. Le suicide est ainsi un des révélateurs du contexte économique de notre pays, aggravé par la crise mondiale, avec l’accroissement des disparités dont elle est porteuse. De fait, pour les personnes âgées que l’on croît atteintes de dépression, ou celles qui sont en situation précaire dont on ne comprend pas les signaux d’alerte ou dont n’ecoute pas les messages explicites, le suicide est vécu comme une manière de sortir d’un cycle personnel infernal.

Dans un livre paru à l’été 2012 (Le suicide, un tabou français,aux éditions Pascal), Michel Debout et Gérard Clavairoly dressaient le portrait des diférentes formes de suicide et avancent les moyens de prévenir cet acte tragique. La question que ces deux spécialistes des questions de santé posent en conclusion, interrogent chacun de nous : comment sommes-nous solidaires de nos voisins afin de poser des gardes-fou à une mort solitaire ? A l’heure présente, 44 professionnels de santé ont signé l’appel pour la création d’un observatoire des suicides. Il reste à voir si l’annonce toute récente de la ministre de la Santé sera suivie d’effet. Les auteurs du livre « Le suicide, un tabou français », rappellent en effet les engagements non suivis des différents ministres de la Santé qui l’ont précédée.

Cerner les causes des suicides et mettren place une politique de prévention est une urgente nécessité, estiment les auteurs, qui sont deux spécialistes des questions de santé. 44 professionnels de la santé ont signé un appel pour la création d’un observatoire. (© Pierre Nouvelle)

Dans l’interview qui suit, Gérard Clavairoly revient sur les interrogations principales que pose le suicide et sur la nécessité de cet observatoire.

Jean-François Cullafroz

 

 

 

 

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