Reportage de Jean-François Cullafroz, journaliste professionnel honoraire, carte de presse 49272
« Les enseignants peuvent faire quelque chose », c’est le leitmotiv du pédagogue Philippe Meirieu. Après Charlie, Le Bataclan, Nice, St Etienne-du-Rouvray, en n’oubliant pas Bruxelles, Tunis, Karachi… et ce week-end encore à New-York, dans le Minnesota et le New Jersey, le monde de l’éducation ne peut rester les bras croisés. Celui qui a expérimenté dans le Rhône tous les niveaux d’enseignement livre sa parole.
Qui ne s’est pas interrogé après les attentats qui ont secoué la France depuis janvier 2015. Si la France n’avait pas été épargnée par le terrorisme dans les années 1970-1980, ce regain de violence extrême qui se pare des habits de la religion musulmane a eu de quoi inquiéter.
Passer de l’effroi à l’éducation
En plus des réactions collectives et des décisions étatiques surtout de nature sécuritaires « Etre intransigeabnt pour la sécurité de tous »), les pédagogues, que sont les enseignants mais aussi les parents et grands parents, ont de quoi s’interroger. Un questionnement qui touche aussi tout citoyen concerné par le vivre-ensemble actuel et le devenir de notre société dans un espace mondialisé.
Philippe Meirieu est enseignant, et n’a donc pas vocation à se prononcer sur le fond du terrorisme, même s’il a bien sûr, en tant qu’ancien responsable politique écologiste et militant syndical du Sgen-CFDT un point de vue argumenté sur la question. Mais, il le précise dès l’introduction de son dernier libre « Eduquer après les attentats » (éditions ESF), c’est avant tout pour passer « de l’effroi à l’éducation » qu’il a commis cet ouvrage de 250 pages.
L’école n’est pas directement responsable de ces attentats, mais elle ne vit pas en vase clos. Aussi, doit-elle se questionner sur la façon dont on doit considérer la personne humaine, et si ce qui constitue le socle des valeurs républicaines, quels que soient les choix politiques de chacun.
Parler en termes simples et serein d’une question grave
Un livre pour tout public, au langage simple et en vingt chapitres courts, que l’on aborder, par différents angles, selon l’intérêt de chacun. Philippe Meirieu explique son approche sereine mais déterminée quant au rôle qui est attendu des enseignants et du système éducatif.
De belles échappées pour les enseignants
On le sait, parfois dans les écoles et les quartiers, des situations peuvent devenir explosives. Et il arrive que les personnels éducatifs, comme d’ailleurs les familles, soient désarmés. Pour autant, Philippe Meirieu estime que les éducateurs doivent se situer dans une perspective d’espérance.
Pour lui, il appartient aux adultes de donner aux enfants et adolescents un sens à leur vie, et leur montrer en quelque sorte que la vie vaut d’être vécue. Le possible n’est pas le repli sur soi, sur ce qu’on connaît, sur la consommation, voire même sur des attitudes radicales qui ne sont pas loin de conduire à l’intégrisme et à la radicalisation qui ne sont pas le propre d’une religion déterminée. Philippe Meirieu s’en explique.
Quelques milliers de jeunes radicalisés et 3 millions d’autres sans emploi…
Aujourd’hui, après les derniers attentats, les services officiels estiment le nombre de jeunes dits radicalisés à quelques milliers dont 1 500 sont actuellement incarcérés. Que faire pour prévenir cette radicalisation ? Et une fois que celle-ci s’est manifestée, comment reprendre le dialogue avec ces jeunes pour qu’ils retrouvent une place dans notre société ? Quels moyens mettre en place ? L’enfermement est-il la seule solution. ? Et dans le cadre de l’isolement, une formation n’a-t-elle pas sa place ?
Mais au -delà des radicalisés identifiés, la question ne se pose-t-elle pas aussi au niveau des trois millions de jeunes que Philippe Meirieu estime « sortis des écrans radar de l’emploi » ?
Penser qu’une solution est possible, qu’avenir est possible pour ces jeunes, n’est-ce pas croire à un monde de « bisounours ». Philippe Meirieu ne le pense pas et n’a pas peur d’afficher de « bons sentiments ».
Eduquer après les attentats (éditions ESF), 250 pages, 16 €.
Lundi 19 septembre, un hommage national était rendu aux victimes de l’attentat du 14 juillet à Nice rendu sous la présidence de François Hollande. Au delà des questions d’indemnisation, les interrogations sur la prévention restent prégnantes.