Billet d’humeur de Jean-François Cullafroz, journaliste
Une fois de plus, comme c’est le cas depuis la préparation de la loi sur le mariage pour tous, Christiane Taubira est l’objet d’attaques virulentes. Pourtant, le projet de loi sur l’emprisonnement des mineurs qui sera discuté au Parlement cet automne est une impérieuse nécessité.
On ne compte plus les critiques contre la garde des Sceaux. Bien sûr, il y a les contradictions des opposants politiques. Elles sont naturelles, nécessaires et respectables. Mais que dire des attaques ad hominem, mettant en cause de supposées frasques de membres de sa famille. Des coups bas malheureusement classiques, dont l’extrême-droite et ses sites Internet nauséabonds sont coutumiers. L’émission La politique c’est net – Best Of diffusée sur la chaîne Public Sénat mettait en lumière les ressorts de ces démarches.
Mais que dire de quotidiens sérieux écrits par des journalistes professionnels ? L’édition du Figaro des 12-13 juillet dernier m’a fait bondir et j’ai tenu à rédiger ce point de vue.
« Justice des mineurs, le projet explosif de Taubira », une accroche à la Une qui se déploie ensuite sur les deux pages suivantes. Et puis un édito vengeur de notre confrère Yves Thréard, rédacteur en chef adjoint, intitulé « Qui arrêtera la garde des Sceaux » avec un court billet doté d’une relance aguicheuse « Son prochain projet est mâtiné d’une sérieuse dose d’irresponsabilité ». Un article publié sur le site Internet du quotidien national vient renforcer la parution papier. D’ailleurs, ce site Internet a trouvé là une tête de turc. On dénombre pas moins de 40 articles consacrés à la ministre de la Justice au fil des quatre premières pages affichées par le moteur de recherche Google.
Une approche raisonnée ?
Rendons à César ce qui lui appartient : la courte notice biographique que publie son site ne fait pas référence aux lois que le journal conteste mais l’honore d’avoir donné naissance à la loi qui reconnaît l’esclavage comme crime contre l’humanité. Les contestataires portant l’affiche indigne d’une ministre-guenon et nos collègues journalistes de Valeurs actuelles, aurait dû s’en souvenir !
Sans doute l’approche partisane ne peut-elle être évitée, mais au lieu d’attiser la peur au risque de durcir des statistiques, l’approche raisonnée pour ne pas dire raisonnable ne serait-elle pas plus judicieuse. Dire par exemple que les mesures prises lorsque Nicolas Sarkozy était aux affaires, en tant que ministre de l’Intérieur ou président de la République n’ont pas fait diminuer la criminalité ni baisser le taux de récidive. Et au lieu de s’acharner sur une ministre au risque d’en faire une victime, ne vaudrait-il pas mieux faire un peu de pédagogie ?
Expliquer, par exemple, que comme pour la réforme pénale, c’est la mise en conformité avec des textes européens qui est recherchée. Ajouter aussi que c’est sur les résultats d’une conférence de consensus que la garde des Sceaux a assis ses propositions. Et que si divergences il y a avec les personnels, notamment les magistrats, c’est sur l’ampleur des moyens à mettre en oeuvre comme le soulignait le quotidien La Croix encore début juin ? Et non sur la justesse de propositions qui ont été essayées avec profit dans d’autres pays.
Exposer les faits, les décrypter et les mettre en perspective afin de donner des éléments au public afin qu’il se forge sa propre opinion, plutôt que donner des raisonnements prêts à penser, n’est-ce pas le B-A /BA du journalisme ?