Le Père Vésin marche vers Rome

Posté le par dans Coup de gueule
Par J.-F. Cullafroz, journaliste

Le Père Pascal Vésin est interdit de célébrer et de recevoir les sacrements (© Jean-Pierre Scortani-Dohr).

Certains le disaient parti depuis deux semaines sur le chemin de Compostelle, et puis la nouvelle est tombée au lendemain du 14 juillet, officiellement dans le quotidien La Croix : le Père Pascal Vesin venait de prendre à pied le chemin de Rome. D’aucuns tentent de lui ménager une audience avec le pape François. Le curé de Megève, démis de sa charge il y a quatre mois attend beaucoup de ce pèlerinage aux sources qui durera quarante jours. Le pape revenu de Rio le recevra-t-il ? Affaire à suivre fin août.

Officiellement démis de ses fonctions de curé de Megève depuis deux mois par son évêque, Mgr Yves Boivineau, le Père Pascal Vesin rongeait son frein. Quand on est comme lui, un homme plein d’énergie, un battant, accompagnateur d’initiatives multiples, être réduit à l’inactivité (privé de sa mission de pasteur et de la célébration des sacrements et de la messe), voilà qui peut miner les plus solides !

Deux ou trois signes amicaux

D’autant qu’à cette « vacance » pastorale imposée, s’est ajoutée récemment la position de  quinze de ses collègues, constituant le presbyterium diocésain, l’organe élu par les prêtres pour porter leur voix auprès de l’évêque. Et en la matière, quelles qu’aient pu être les proximités et même les amitiés de confrères, jeunes ou plus anciens, c’est toujours « l’incompréhension et la tristesse » envers le choix fait par Pascal Vesin, qui domine. « Nous ne pouvons pas concevoir qu’un prêtre puisse vivre une appartenance parallèle et active à la franc-maçonnerie. Un lien essentiel et invisible existe entre notre identité et nos activités. Par le sacrement de l’Ordination, tout notre être est consacré à une mission que le Seigneur nous confie, dans la communion de l’Eglise dont l’évêque est le signe et le garant », déclarent-ils notamment.

Bien sûr, les collègues de Pascal Vesin expriment leur empathie et leur bienveillance avec la souffrance qu’il peut éprouver (comme à l’endroit de celle de leur évêque et des personnes affectées par cet événement), mais dans concrètement deux ou trois prêtres seulement ont manifesté leur amitié, souligne le Père Vésin. Récememnet avant lui, deux autres ptrêtres en difficuluté avec le diocèse n’ont pas reçu plus de sollicitude. D’ailleurs, ses collègues lui demandent d’exprimer le primat de sa conscience, « en Eglise, éclairée par le Christ ». Pour être « serviteurs de cette unité », ils rappellent qu’ils ont « librement promis obéissance » à leur évêque. Ainsi, les quinze membres du conseil presbytéral qui ont tous signé cette déclaration, réaffirment ne pas comprendre comment le Père Vesin entend vouloir continuer à concilier l’appartenance à une loge maçonnique et son engagement sacerdotal. « Quelles attaches s’y sont créées pour peser plus lourd que les promesses de son ordination et que la fraternité sacerdotale ? », s’interrogent-ils en chœur.

Quand la presse s’en mêle

Dans la foulée d’autres reportages de la presse, l’article de La Croix a remis le projecteur sur une situation difficile pour l’Eglise catholique (© Pierre Nouvelle).

Ces propos rapportés par le quotidien La Croix du 15 juillet sur près d’une demi-page, témoigne de l’incompréhension aussi persistante de chrétiens et de non chrétiens, pratiquants ou non, interpellés par la décision de l’Eglise catholique romaine. Un article qui a fait suite aux alertes de la presse régionale, de Golias, Témoignage chrétien, de la Conférence des baptisés francophones et à un  dossier publié par La Vie. Ce dernier a laissé des traces marquantes parmi les forces vives catholiques du diocèse.

L’ex-curé de la paroisse Ste Anne-Montjoie-Val d’Arly n’a pu répondre à ses confrères, puisqu’il n’a été entendu officiellement que sur son renoncement à son appartenance maçonnique, par son évêque, puis par trois émissaires diocésains entre le 7 mars, date de la décision de la Congrégation romaine pour la doctrine de la foi et le 23 mai, jour où la sentence épiscopale a été connue.. D’aucuns, pourtant réputés prêtres d’ouverture, lui reprochent d’avoir joué en solo. « La route de l’autonomie est dangereuse, mauvaise et ennuyeuse », souligne le conseil presbytéral reprenant des propos du pape François. Fin mai, le vicaire général du diocèse, le Père Alain Fournier-Bidoz, avait déclaré que le Père Vesin, qu’il avait connu comme élève au séminaire interdiocésain de Lyon, « aimait les précipices, et que parfois on y tombe.

Secret ou nécessaire discrétion ?

(© Pierre Nouvelle)

Malheureusement, la réaction collective des prêtres hauts-savoyards atteste que le Père Vesin aurait eu sans doute beaucoup de mal pour leur faire entendre, qu’en franc-maçonnerie, il n’y a ni messe noire ni pacte satanique, ni attaques anti-ecclésiales ou anticatholiques. D’ailleurs, les rayons de librairies tout à fait classiques, comportent des ouvrages décrivant les rituels, processus d’initiation et autres principes philosophiques qui régissent les diverses obédiences, dont l’origine reste chrétienne.

« Si précaution il y a de la part des adeptes de la maçonnerie, il n’est pas question de secret, mais plutôt de discrétion », assure un responsable d’une des loges annéciennes, qui porte le nom d’un républicain espagnol chef de la Résistance assassiné en janvier 1944 au dessus du lac d’Annecy. D’ailleurs, la double dénonciation anonyme dont le Père Vesin a été l’objet atteste malheureusement que les pratiques mises en œuvre sous l’Occupation allemande par le régime du Maréchal Pétain, (et quoi qu’en disent les propos les plus lénifiants), sont malheureusement encore en vigueur. Ils perdurent même  dans l’institution ecclésiale catholique. Dans un département où les affrontements entre résistants et collaborateurs/miliciens, (parfois tous issus du même moule de l’action catholique), ont laissé des traces soixante-dix ans plus tard, cette mise à l’encan, pour ne pas dire l’index, est chargée d’opprobre.

Le recours à Rome

D’ailleurs, ces méthodes n’ont pas abusé certains pratiquants du diocèse, qui une fois passé le choc, ont osé manifester leur solidarité entière avec le Père Vesin. Des laïcs, parfois investis de mission ecclésiale, ont ainsi témoigné de la catholicité et de l’orthodoxie d’un pasteur avec qui ils avaient agi en Eglise. « Pour nous, ce qui est reproché au père Pascal n’a en rien altéré notre confiance en lui et en sa Foi », assurent-ils. Une cinquantaine de ces fidèles ont accompagné le père Vesin dans ses premiers kilomètres vers Rome où il compte arriver fin août, et près d’un millier de signatures de soutien ont rejoint une page Facebook qui invite à écrire au pape François afin que le Père Vesin soit reçu au Vatican. Ce dernier espère beaucoup que le pape François qui a marqué à de très nombreuses reprises des signes d’ouverture aide à trouver une solution.

Pour l’heure, on peut suivre sa marche via le site Internet qu’il alimente chaque jour : www.pascal-vesin.com. On peut aussi lui écrire à : soutien.pascal.vesin@gmail.com.

 

 

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